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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/118

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« car pourvu que le désir précède, on est bien accueilli selon ce que l’on a, et non selon ce qu’on n’a pas (12) ».
Voyez quelle ineffable sagesse l’apôtre leur avait montré au commencement des gens qui avaient fait l’aumône au-delà de leurs moyens, je veux parler des habitants de Thessalonique ; il les en avait loués, et avait dit : « Je leur rends ce témoignage qu’ils ont donné même au-delà de leurs moyens (3) » ; maintenant qu’il engage les Corinthiens à faire l’aumône suivant leurs moyens seulement, il laisse l’exemple qu’il a donné produire son effet de lui-même, sachant bien que c’est moins l’exhortation que le zèle qui pousse les hommes à imiter les bonnes actions ; c’est pour cela qu’il dit : « Car pourvu que le désir précède, on est bien accueilli selon ce que l’on a, et non selon ce qu’on n’a pas. ». Ne vous effrayez pas, veut-il dire, des paroles que j’ai prononcées tout à l’heure, car ce que j’en ai dit était pour faire l’éloge de leur libéralité ; mais Dieu nous demande en raison de nos moyens, d’après ce que nous avons, et non d’après ce que nous n’avons pas. Car l’expression : « On est bien accueilli » a ici la même valeur que s’il y avait : « Dieu demande de nous ». S’en remettant donc avec confiance à l’exemple qu’il a cité, il les ménage extrêmement, et les attire d’autant mieux qu’il les laisse libres ; aussi ajoute-t-il encore : « Car il ne faut pas que le soulagement des autres soit votre surcharge (13) ».
2. Cependant Jésus-Christ avait loué au contraire la veuve pour s’être dépouillée de tous ses moyens d’existence et avoir donné quelque chose dans sa misère même. Mais saint Paul parlait aux Corinthiens, à ce peuple au milieu duquel il préférait souffrir la faim : « Car », disait-il, « il est plus beau pour moi de mourir, que si quelqu’un me dépouillait de mon sujet de gloire ». (1Cor. 9,15) C’est pour cela qu’il a recours à une exhortation mesurée, louant à la vérité ceux qui font l’aumône au-delà de leurs moyens, mais sans contraindre les Corinthiens à en faire autant ; non pas qu’il ne le voulût, mais parce qu’ils étaient un peu faibles. En effet, pourquoi loue-t-il les autres de ce que, dans de nombreuses épreuves de tribulation, ils avaient une surabondance de joie, de ce que leur profonde pauvreté avait été surabondante pour la, richesse de leur simplicité (2Cor. 8,2), et de ce qu’ils avaient donné au-delà de leurs moyens (3) ? N’est-il pas clair que c’est pour y amener les Corinthiens ? Ainsi, bien qu’il paraisse leur passer en cela l’infériorité, ce n’est pour lui qu’un moyen de les faire monter aussi haut que les autres. Observez en effet comme par les paroles qui suivent, et sans en avoir l’air, il les prépare encore à ce résultat. Après ce qu’il vient de dire, il ajoute « Que votre superflu supplée à ce qui leur manque (4) ». Pour rendre son commandement léger, il n’en avait pas dit assez, il a voulu y ajouter les mots que vous venez d’entendre. Et même, non content des moyens précédents, il leur facilite encore l’accomplissement du précepte, en leur montrant la récompense, et en des termes plus grandioses qu’ils ne le méritent : « Afin », dit-il, « que l’égalité se fasse dans le temps présent, et que leur superflu supplée à ce qui vous manque (ibid) ». Qu’est-ce à dire ? Le voici : vous regorgez, vous autres, de richesses : eux, ils regorgent de la véritable vie et de leur crédit auprès de Dieu. Donnez-leur donc de ces richesses que vous avez en surabondance, et dont ils sont privés, afin que vous receviez d’autres biens par l’entremise de ce crédit dont ils sont riches, et dont vous êtes pauvres. Voyez comme il a su, sans qu’ils s’en doutassent, les préparer à donner au-delà de leurs moyens, et même dans l’indigence. Car si vous voulez, leur dit-il, recevoir de la surabondance des autres, donnez vous-mêmes de votre surabondance ; mais si vous voulez vous faire donner tout, il faut leur offrir même de votre indigence, et au-delà de vos moyens. Il ne tient pas littéralement ce langage à ses auditeurs, mais il laisse leur raisonnement tirer cette conclusion : en attendant, il poursuit toujours son premier but, il opère son exhortation modérée, en leur parlant des effets visibles, en leur disant : « Afin que l’égalité se fasse dans le temps présent ».
Comment arrivera cette égalité ? En ce que vous et eux vous vous donnerez réciproquement de ce que vous avez en abondance, et vous suppléerez mutuellement à ce qui vous manque. Et quelle est cette égalité, puisqu’en retour de choses matérielles, on vous en rendra de spirituelles ? La supériorité est grande de ce dernier côté : comment donc appelle-t-il cela de l’égalité ? Il ne la considère qu’au point de vue du superflu et du trop peu, ou bien seulement par rapport à la vie présente.