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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/128

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son argument principal, l’imitation des autres. C’est que l’humanité est naturellement jalouse. L’exemple de Notre-Seigneur aurait dû les entraîner plus que tout le reste, et après cela, l’espoir de la récompense ; mais, vu leur faiblesse, il préfère les entraîner par le motif d’émulation.
Rien n’égale en effet le pouvoir de ce sentiment. Et encore, examinez de quelle manière neuve il le met en jeu. Il ne leur dit pas : Imitez-les ; comment s’exprime-t-il ? « L’émulation venue de vous a excité le plus grand nombre (9, 2) ». Eh quoi ! diront les Corinthiens, vous disiez naguère que les Macédoniens avaient agi d’eux-mêmes et en vous priant avec beaucoup d’instance ; comment donc nous dites-vous à présent : « L’émulation venue de vous ? » Sans doute, répondra l’apôtre ; car nous ne leur avons adressé ni conseil ni supplication ; nous vous avons simplement loués, nous nous sommes glorifiés de vous, et cela a suffi pour les exciter. Vous avez vu comme il les stimule les uns par les autres ; les Macédoniens à l’aide des Corinthiens, et réciproquement, et comme à l’émulation il sait joindre les plus grands éloges ?
Puis, pour ne pas les enorgueillir, il y met un certain correctif, en disant : « L’émulation venue de vous a excité le plus grand nombre ». Songez un peu ce que ce serait pour vous, après avoir fait naître cette noble ambition chez les autres, de vous laisser dépasser à l’occasion de cette offrande. C’est pourquoi il ne dit pas : Imitez les Macédoniens ; car cela n’eût pas été aussi propre à les piquer d’honneur ; et que dit-il donc ? Ce sont les Macédoniens qui vous ont, imités ; ne vous montrez – donc pas, vous les maîtres, au-dessous de vos disciples. Voyez en même temps comme pour les réveiller, pour augmenter leur ardeur, il fait semblant de prendre parti pour eux ; on dirait une lutte, une rivalité dans laquelle il se range de leur côté. Car de même qu’il disait plus haut : « Ils sont venus nous trouver d’eux-mêmes, et avec beaucoup d’instances, de sorte que nous avons engagé Tite à achever cette grâce comme il l’avait commencée ». (9, 3-6) De même il dit ici : « C’est pourquoi j’ai envoyé nos frères, afin que nous ne nous soyons pas vainement glorifiés en vous ». (9, 3) Vous voyez, il est tourmenté, il tremble, craignant de paraître n’avoir parlé de la sorte que pour les exhorter ; aussi leur dit-il : Dans un tel état de choses, j’ai, envoyé nos frères : si je m’occupe de vous avec tant de zèle, c’est afin que nous ne nous soyons pas vainement glorifiés en vous. Et il semble prendre de tout point les intérêts des Corinthiens, quoique en réalité sa sollicitude soit la même pour tous. Voici le sens de ce qu’il dit : Je suis extrêmement fier de vous, je m’en fais honneur devant tous, je m’en suis glorifié devant les Macédoniens, de sorte que si vous vous laissez vaincre, la honte sera tout ensemble pour vous et pour moi. Et ici encore, il mesure ses expressions, car il ajoute : « Sous ce rapport » ; et non pas en toute chose : « Afin que, comme je le disais, vous soyez préparés ». (Id) Car je n’ai pas dit que les Macédoniens se proposent d’agir, mais bien que tout est disposé, et qu’il ne leur manque plus rien pour l’exécution. Je veux donc que vos œuvres soient là pour témoigner que vous êtes prêts. Puis les inquiétudes de l’apôtre redoublent : « De peur », ajoute-t-il, « que si les Macédoniens viennent avec moi, nous ne soyons (car je ne veux pas dire, vous ne soyez) couverts de confusion, de ce que nous nous serons glorifiés de volis sous ce rapport (4) ».
2. Cela nous impose davantage, quand on nous donne dg nombreux, spectateurs, et deux-là même à qui l’on a parlé de nous. Et il ne dit pas : « Car j’amène avec moi les Macédoniens » ; les Macédoniens viennent avec moi ; afin qu’on ne suppose pas qu’il le fait exprès ; comment s’exprime-t-il ? « De peur que si les « Macédoniens viennent avec moi ». C’est-à-dire, cela peut arriver ; c’est une chose possible. De cette ; façon, il mettait ses paroles – à l’abri de tout soupçon ; et s’il eût tenu un autre langage, il eût rendu les Corinthiens trop jaloux. Voyez comment il les attire non seulement par des raisons spirituelles, mais encore par des motifs humains. Si vous ne faites par, grand cas de moi, et que vous comptiez sur mon indulgence, songez du moins aux Macédoniens, « de peur que s’ils, viennent, ils ne vous trouvent », non pas ; dit-il, de mauvaise volonté, mais seulement « non préparés », n’ayant pas encore tout accompli. Et s’il serait honteux de n’avoir pas apporté votre offrande promptement, imaginez combien vous auriez à rougir, si vous n’en apportiez aucune, ou si elle était trop faible. Ensuite,