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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/130

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joie : il dit : « Que chacun donne selon la détermination de son cœur (7) ». En effet, nous faisons plus quand on nous laisse libres, que lorsque nous sommes contraints. Aussi insiste-t-il sur ce point ; car après ces mots : « Selon la détermination de son cœur », il ajoute : « Non avec chagrin, ni par force ». Et non content même de cela, il y joint encore ce témoignage tiré de l’Écriture : « Car Dieu aime celui qui donne avec joie ». Voyez-vous quelle suite l’apôtre met dans tout cela « Je ne vous dis pas cela par manière de commandement (VIII, 8) ; » puis : « Et je vous donne en cela un avis » (VIII, 10) ; ensuite : « A titre de bénédiction, et non pas comme arrachées à votre avarice » (IX, 5) ; et enfin : « Non avec chagrin, ni par force ; car Dieu aime celui qui donne avec joie (IX, 7) ». Je crois qu’ici « avec joie » veut dire avec libéralité ; mais il s’est servi de ce mot afin de les porter à donner de bon cœur. En effet, comme l’exemple des Macédoniens, et tous les autres, étaient capables de – les faire donner abondamment, il ne parle pas beaucoup de cette qualité de leurs dons, mais il parle d’une autre : la spontanéité. Car si c’est une œuvre de vertu, et que toute action provenant de la contrainte perde sa récompense, il est bien fondé à s’y prendre ainsi. Et il ne se borne pas à des conseils ; mais, comme toujours, il fait des vœux pour eux : « Et Dieu », dit-il, « a le pouvoir de vous combler de toute grâce (8) ».
3. Par cette prière il fait tomber un argument où l’on se retranche contre cette générosité, et qui encore maintenant arrête plusieurs personnes. Bien des gens craignent de faire l’aumône, parce qu’ils se disent : J’ai peur de devenir, pauvre moi-même, et d’avoir besoin des autres à mon tour. Eh bien ! pour dissiper cette crainte, il ajoute cette prière : « Dieu a le pouvoir de faire abonder toute grâce en vous ». Non pas simplement : De vous combler, mais : « De faire abonder en vous ». Et qu’est-ce que « faire abonder la grâce ? » C’est-à-dire, vous enrichir de tant de faveurs que vous puissiez exercer abondamment cette générosité. « Afin qu’en toutes choses et toujours ayant tout ce qui vous suffit, vous abondiez en toute bonne œuvre ». Voyez encore dans ce souhait la grande sagesse de l’apôtre. Il ne leur désire pas la richesse ni le superflu, mais « tout ce qui leur suffit ». Et ce n’est pas seulement par là qu’il est admirable ; car si d’une part il ne leur a pas souhaité le superflu, il ne les surcharge pas non plus, il ne Les force pas à donner de leur indigence même, parce qu’il condescend à leur faiblesse ; il demande pour eux des ressources suffisantes, et il fait voir en même temps qu’il ne faut pas abuser des dons de Dieu. « Afin », dit-il, « que vous abondiez en toute bonne œuvre ». C’est-à-dire, je vous souhaite ces biens afin que vous en fassiez part à d’autres. Et il ne dit pas seulement Afin que vous en donniez, mais : « Afin que vous abondiez ». Oui, s’il leur souhaite le nécessaire quant aux choses matérielles, il demande que dans l’ordre spirituel ils aient même du superflu, non pas seulement en fait, d’aumône ; mais sous tous les autres rapports ; car c’est le sens de cette expression : « En toute bonne œuvre ». Ensuite, à l’appui de cette pensée, et voulant un témoignage qui les détermine à la libéralité, il fait intervenir la parole du prophète ; c’est pourquoi il, ajoute : « Selon qu’il est écrit : Il a dispersé son bien, il a donné aux pauvres ; sa justice demeure dans la suite des siècles (9) ». Cela revient à ce qu’il disait : « Afin qui vous abondiez ». Car l’expression : « Il a dispersé » ne signifie pas autre chose que donner avec libéralité. Car si les richesses ne subsistent pas, leur résultat subsiste. Chose admirable en effet, celles que l’on garde se perdent, et celles que l’on disperse demeurent, et demeurent pour toujours. Ce que le prophète appelle ici justice, c’est la charité envers le prochain : en effet la charité nous justifie, parce que c’est un feu qui détruit nos péchés, quand nous répandons largement nos aumônes.
Ainsi, n’y regardons point, mais donnons à pleines mains. Voyez combien d’argent certaines gens dépensent pour le donner à des histrions ou à des prostituées ! Donnez seulement à Jésus-Christ la moitié de ce que ces gens-là donnent à des danseurs ; ce que, dans leur amour du faste, ils consacrent à des comédiens, réservez-le pour les pauvres. Ils couvrent d’or sans mesure le corps des courtisanes : et vous, vous ne revêtez pas même d’un mince vêtement la chair de Jésus-Christ, et cela, quand vous voyez qu’il est nul Quel pardon méritez-vous, et de quel châtiment n’êtes-vous pas digne, lorsque voyant tel homme fournir de pareilles sommes à la femme qui le perd et le déshonore, vous n’accordez pas la moindre