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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/138

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frapper, pour châtier, pour infliger les peines les plus sévères. C’est ce qu’il fait entendre en disant : « Je vous prie que, quand je serai présent, je ne sois point obligé d’user avec confiance de cette hardiesse qu’on m’attribue, envers quelques-uns qui s’imaginent que nous nous conduisons selon la chair ».
N’allons pas plus loin, et reprenons le commencement. « Mais moi, Paul, moi-même ». Il y a, là une grande force, une grande autorité. Il dit ailleurs de même : « C’est moi, Paul, qui vous dis » (Gal 5,2) ; et encore : « Comme moi, Paul, déjà vieux » (Phm. 1,19) ; et encore : « Car elle en a assisté elle-même plusieurs, et moi, en particulier ». (Rom. 16,2) C’est de la même manière qu’il dit ici encore : « Mais moi, Paul, moi-même ». C’est déjà une considération puissante que lui-même conjure les fidèles, mais ce qu’il ajoute a plus de force encore : « Par la douceur et la modestie de Jésus-Christ ». Comme, il veut agir fortement sur les esprits, il se fait une arme de la douceur et de la modestie, afin de rendre, par là, ses supplications plus pressantes : c’est comme s’il disait : Ayez égard à la modestie même de Jésus-Christ, c’est à ce titre que, je vous recommande ma prière. Il disait ces paroles pour leur montrer en même temps, que, quelle que fût la contrainte qu’ils feraient peser sur lui, sort caractère l’inclinait pourtant vers la douceur ; ce n’est pas par impuissance qu’il parle ainsi, c’est pour imiter le Christ.
« Moi qui étant présent parais bas parmi vous, au lieu qu’étant absent, j’agis envers vous avec hardiesse ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Ou c’est une ironie qui reproduit leurs discours. Car ces hommes disaient que, quand il se montrait, il n’avait aucune valeur, qu’il était vit et méprisable ; mais qu’à distance, il s’enflait, grossissait son langage, s’élevait contre eux, se permettait de les menacer. C’est ce que font entendre des paroles de la lettre qui viennent plus loin : « Les lettres de Paul, selon eux, sont graves et fortes, mais, lorsqu’il est présent, il paraît bas en sa personne, et méprisable en son discours ». Donc, ou bien ses paroles sont une ironie sévère, comme s’il disait. Moi qui suis si bas, moi qui suis si misérable, lorsque je suis présent, comme disent ces hommes, et qui, à distance, devient très-haut ; ou bien l’apôtre veut dire que quelle que soit la fierté de ses lettres, ce n’est pas l’orgueil qui l’égare, mais sa confiance en eux qui le porte à s’y abandonner.
« Je vous prie que, quand je serai présent, je ne sois point obligé d’user avec confiance de cette hardiesse qu’on m’attribue, envers quelques-uns qui s’imaginent que nous nous conduisons selon la chair ». Comprenez-vous tout ce qu’il y a d’indignation dans ces paroles, tout ce qu’elles renferment de reproches évidents ? Je vous en prie, leur dit-il, ne me forcez pas à montrer que, même quand je suis présent, ce n’est ni la force qui me manque, ni la puissance. Ils disent que c’est quand je suis au loin que je deviens hardi et insolent avec vous en paroles, je vous en prie, ne souffrez pas qu’ils me contraignent à me servir de la force que je me sens. C’est là ce que peut dire, « d’user, avec confiance ». Et il ne dit pas, de cette hardiesse que je suis prêt à exercer mais, « qu’on m’attribue ». En effet je ne suis pas encore décidé, ils me fournissent une occasion, mais je ne veux pas en profiter. Ce n’était pourtant pas le soin de sa propre vengeance qui l’inspirait, mais le soin de la défense de l’Évangile, Que si, quand il s’agit de soutenir la prédication de la foi, il refuse de se montrer trop acerbe, s’il recule, s’il cherche à se soustraire à une pénible nécessité, à bien plus forte raison, quand il ne s’agissait que de lui, montrait-il une parfaite indulgence.
2. Accordez-moi, dit-il, cette grâce, ne me forcez pas à montrer que, même quand je suis présent, je peux faire ressentir ma hardiesse au besoin, c’est-à-dire, châtier et punir, Voyez-vous cette modestie qui ne fait rien pour paraître en spectacle, qui, même quand la nécessité est évidente, parle ici de hardiesse ? « Je vous prie », dit-il, « que, quand je serai présent, je ne sois point obligé d’user avec confiance de cette hardiesse qu’on m’attribue, envers quelques-uns ». Un maître doit surtout se garder de la précipitation dans les châtiments, il doit redresser, il doit toujours différer, temporiser avant de punir. Maintenant quels sont ceux à qui l’apôtre s’adresse ? Des hommes « qui s’imaginent que nous nous conduisons selon la chair ». On l’accusait donc d’hypocrisie, de méchanceté, d’orgueil : « Car encore que nous virions dans la chair, nous ne combattons pas selon la chair (3) ». Ici commencent des figures propres à intimider l’esprit des contradicteurs : nous sommes revêtus