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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/139

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de chair, dit-il, je n’en disconviens pas, mais nous ne vivons pas pour la chair. Je me trompe, il ne s’exprime pas ainsi, il tempère une parole qui ferait l’éloge de sa vie ; il parle de la prédication, il, montre que ce n’est pas une œuvre de l’homme, appuyée sur les secours qui viennent d’en bas. Aussi ne dit-il pas, nous ne vivons pas se1on la chair, mais « nous ne combattons pas selon la chair » ; ce qui veut dire, nous avons entrepris une guerre, des combats, mais que nous ne soutenons pas avec des armes charnelles, en nous appuyant sur quelque secours humain. « Car nos armes ne sont pas charnelles (4) ».
Quelles sont les armes charnelles ? Les richesses, la gloire, la puissance, l’éloquence, l’habileté, l’intrigue, la flatterie, la feinte, toutes les autres ressources du même genre. Nos armes à nous ne ressemblent pas à celles-là ; mais quelles sont-elles ? « Mais puissantes en Dieu ». L’apôtre ne dit pas, nous ne sommes pas charnels, mais, « nos armes ». Je l’ai déjà dit, il ne parle que de la prédication, et c’est à Dieu qu’il rapporte toute puissance. Et il ne dit pas, nos armes sont spirituelles ; le reproche de vivre selon la chair semblait amener cette opposition d’armes spirituelles ; mais il dit, « puissantes », et par là il fait entendre que celles de ses ennemis sont sans force et sans puissance. Et remarquez la mesure et la modération des termes. Il ne dit pas, nous sommes puissants, mais : « Nos armes sont « puissantes en Dieu ». Ce, n’est pas nous qui les avons rendues telles, c’est Dieu lui-même. En effet, on les frappait de verges, on les chassait en tous lieux, ils souffraient mille douleurs, des maux innombrables, autant de preuves de leur faiblesse ; voilà pourquoi l’apôtre dit, pour montrer que la puissance est à Dieu : « Mais puissantes en Dieu ». Car ce qui fait le mieux voir combien sa force est grande, c’est qu’avec de telles armes il triomphe. Oui, quoique ce soit nous qui les portions ces armes, c’est Dieu lui-même qui s’en sert pour combattre et pour produire ses œuvres. Suit maintenant un long éloge de ces armes : « Pour renverser les remparts ». N’allez pas, à ce mot de remparts, vous représenter quelque chose de sensible ; voilà pourquoi l’apôtre dit : « En détruisant les raisonnements humains » ; l’image est pour exalter la puissance divine ; ce qui la suit prouve qu’il s’agit d’une guerre spirituelle. Ces remparts ne sont pas élevés contre dés corps, mais des âmes. Aussi sont-ils plus solides, aussi faut-il, pour les renverser, des armes plus puissantes. Ces remparts signifient, pour l’apôtre, l’orgueil de la sagesse des Grecs, leurs sophismes, leurs raisonnements. Dieu a fait bon marché de toutes ces armes dressées contre les fidèles : « En détruisant les raisonnements humains, et tout ce qui s’élève avec hauteur contre la science de Dieu (5) ».
Il continue la métaphore, pour donner plus de force à son discours. Remparts, dit-il, tours, fortifications quelconques, il faut que tout cède à ces armes. « Et réduisant en captivité tout esprit, pour le soumettre à l’obéissance de Jésus-Christ ». L’expression de réduire en captivité quelque chose d’affligeant, elle marque la perte de la liberté. Pourquoi donc l’apôtre l’emploie-t-il ? Il l’emploie en un autre sens. Servitude signifie deux choses, et que l’on est déchu de la liberté, et que l’on est au pouvoir de la force, sans espérance de se relever. C’est dans ce dernier sens que l’apôtre a entendu la captivité. Comme quand il dit : « J’ai dépouillé les autres Églises » (2Cor. 11,8), il fait savoir par là qu’il ne s’y est pas introduit comme un voleur qui se cache, mais seulement qu’il a tout pris, tout emporté ce qu’on lui a donné ; de même ici : « Réduisant en captivité », ne marque pas un combat à forces égales, mais une victoire facilement remportée. Et il ne dit pas un ou deux esprits seulement, mais, « tout esprit » ; il ne dit pas Nous sommes vainqueurs, nous avons l’avantage ; il dit plus : « Nous réduisons en captivité » ; de même que plus haut, il ne dit pas : Nous faisons avancer les machines contre les remparts, mais : Nous les détruisons, car la supériorité de nos armes n’admet pas de comparaison. Et en effet, nous ne combattons pas avec des paroles, mais avec des actions contre des paroles, non avec une habileté qui tient à la chair, mais revêtus de l’esprit de douceur et de force. Comment donc, dit-il, pouvais-je me glorifier, étaler l’orgueil des paroles, écrire des menaces épistolaires, encourir les accusations de ceux qui disent : « Les lettres de Paul sont graves et fortes » (2Cor. 10,40), puisque c’est en cela que notre pouvoir consiste le moins ?
3. Lorsque l’apôtre dit : « Réduisant en captivité tout esprit, pour le soumettre à l’obéissance de Jésus-Christ », aussitôt qu’il a