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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/146

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que nous ayons un malheur à souffrir. Quand nous aurions commis faute sur faute, il nous est possible de reconquérir notre salut tant que nous sommes ici-bas.
Songeons donc à notre salut : que le vieillard considère que bientôt il lui faudra mourir ; qu’il a vécu assez longtemps dans les plaisirs (s’il faut appeler vie de plaisirs une existence consacrée à la corruption ; mais j’accommode un instant mes paroles à ses pensées) ; qu’il remarque ensuite combien est court le temps où la faculté lui est laissée de se laver de toutes ses fautes. Que le jeune homme considère à son tour combien est incertaine l’heure qui termine la vie, et le grand nombre des vieillards qui souvent continuent à vivre lorsqu’on voit les jeunes gens que la mort enlève avant eux. C’est pour prévenir, de notre mort, toute spéculation fondée sur notre fin dernière que l’épreuve en est incertaine. De là cet avertissement que nous donne le Sage par ces paroles : « Ne tardez pas à vous convertir au Seigneur, et ne différez pas de jour « en jour (Sir. 5,8) ; car vous ne savez pas « ce que produira le jour de demain ». (Prov. 27,1) Ce sont les délais qui – produisent les dangers et les motifs de crainte ; il n’y a qu’à éviter tout retard pour s’assurer évidemment du salut : attachez-vous donc à la vertu : car, par ce moyen, soit que vous quittiez ce monde jeune encore, vous le quitterez sans avoir rien à craindre ; soit que vous parveniez à la vieillesse ; vous sortirez de cette vie comblés de biens, et vous aurez passé votre vie tout entière dans cette double fête qui consiste à s’abstenir de la corruption, à embrasser la Vertu. Gardez-vous de dire : Il sera temps un joug de me convertir ; ces paroles ne font qu’irriter contre nous la colère de Dieu. Car enfin, il vous promet l’immensité des siècles, et vous, vous ne consentez pas aux labeurs de la vie présente, si courte, si fugitive, et vous êtes assez mous, assez lâches pour rechercher encore une vie plus misérable que cette vie de rien ? Est-ce que ce ne sont pas les mêmes festins tous les jours ? est-ce que ce ne sont pas les mêmes tables, les mêmes prostituées, les mêmes théâtres, les mêmes richesses ? Jusques à quand serez-vous amoureux de ce qui n’a pas de réalité ? Jusques à quand ressentirez-vous cet insatiable désir de corruption ? Considérez qu’autant de fois que vous avez pratiqué la fornication, autant de fois vous vous êtes condamné vous-même ; car telle est la nature du péché ; aussitôt qu’il est commis, aussitôt le juge porte sa sentence. Vous vous êtes enivré, vous vous êtes chargé le ventre, vous avez pratiqué la rapine ? Arrêtez-vous maintenant, rebroussez chemin ; rendez grâces à Dieu de ne vous avoir pas enlevé au milieu de vos péchés ; ne demandez pas qu’il vous accorde encore du temps pour vivre dans le péché ; c’est au moment où un grand nombre s’abandonnaient à l’avarice qu’ils ont été enlevés, et ils sont partis pour subir un châtiment manifeste. Craignez, vous aussi, qu’il ne vous arrive malheur, parce que vous ne pouvez pas réparer vos fautes.
Mais, dira-t-on, Dieu a permis à un grand nombre d’hommes de trouver, dans l’extrême vieillesse, assez de temps pour se confesser. — Eh bien ! vous donnera-t-il du temps à vous aussi ? Peut-être, répond-on. Que dites-vous, et que signifie « peut-être, quelquefois », et « souvent ? » Considérez donc que c’est de votre âme que vous discutez l’intérêt ; supposez donc tout le contraire, et réfléchissez, et dites-vous que sera-ce si Dieu ne m’accorde pas le temps ? Mais, répond-on, si Dieu me l’accorde ? Sans doute, il est arrivé que Dieu a accordé du temps ; mais le temps présent est plus sûr, plus avantageux que ce temps à venir. Si, à partir de ce moment, vous commencez à bien vivre, c’est tout profit pour vous, soit que vous receviez, soit que vous ne receviez pas de délai ; mais si vous différez toujours, cet ajournement sera précisément pour lui une raison de vous refuser un délai. En effet, quand vous partez pour la guerre, vous ne dites pas : à quoi bon faire mon testament, peut-être reviendrai-je ; au moment de conclure un mariage, vous ne dites pas : je prendrai une femme pauvre ; beaucoup de gens en effet, contre toute attente, même dans ces conditions, sont arrivés à la fortune ; quand vous construisez une maison, vous ne dites pas : je jetterai des fondations ruineuses ; même dans ces conditions, beaucoup d’édifices ont pu se soutenir ; et quand vous délibérez du salut de votre âme, c’est sur ce qu’il y a de plus ruineux, sur un « peut-être », sur un « souvent », sur un « quelquefois », sur ce qu’il y a de plus incertain que vous étayez votre confiance ! Ce n’est pas, me répond-on, sur l’incertain, mais sur la bonté de Dieu pour les hommes ; car Dieu est plein de bonté pour les hommes. Je