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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/153

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lui un sujet de chagrin, que c’est la colère qui le fait parler ; et ce qui lui arrive, il le montre comme un titre de gloire. Dans la première épître, même affirmation. Là, pour ne pas les blesser, il dit : « Quel est donc mon salaire ? de prêcher gratuitement l’Évangile de Jésus-Christ ». (1Cor. 9,18) Ce qu’il appelle salaire dans cette épître, il l’appelle maintenant ici un titre de gloire, afin que ceux qui l’écoutent n’aient pas trop à rougir de ne rien accorder à ses demandes. Car si vous me donniez, que s’ensuivrait-il ? Je ne veux rien recevoir. Quant à l’expression : « On n’arrêtera point le cours de ma gloire », c’est une image prise des cours d’eau ; sa gloire se répandait partout, parce qu’il ne recevait rien. Vous ne mettrez pas par vos dons une digue à ma liberté. Mais il ne dit pas : Vous n’arrêterez pas…, l’expression eût été choquante ; il dit : « On n’arrêtera point « le cours de ma gloire dans tes terres de « l’Achaïe ». Mais c’était encore leur porter un coup bien sensible, que de parler de la sorte ; c’était les remplir de confusion et de chagrin ; ils étaient donc les seuls auxquels il répondît par des refus. Si c’était pour lui un titre de gloire, ce devait être partout un titre de gloire ; si je ne me glorifie de mes refus qu’en ce qui vous concerne vous seuls, c’est probablement à cause de votre faiblesse.
Ces considérations auraient pu les attrister, l’apôtre prévient cette tristesse : voyez comment il adoucit son langage. « Et pourquoi ? Est-ce que je ne vous aime pas ? Dieu le sait (11) ». Il se hâte d’arriver à la solution, dé les délivrer de toute peine. Toutefois, même de cette manière, il ne les met pas hors de cause. Il ne leur dit pas, c’est que vous êtes faibles, ni, c’est que vous êtes forts ; mais, c’est que je vous aime, et c’était là ce qui chargeait le plus l’accusation. Il donnait une grande marque de son amour pour eux, en ne recevant rien d’eux, après les avoir vivement réprimandés.
5. L’amour donc lui faisait tenir deux conduites opposées : il recevait et il ne recevait pas ; or, cette opposition provenait des dispositions contraires de ceux qui donnaient. Et il ne leur dit pas : Ce qui tait que je ne reçois rien de vous, c’est que j’ai une vive affection pour vous ; comme il vient d’accuser leur faiblesse, et de les confondre, il donne de sa conduite une autre explication. Quelle est elle ? « C’est afin de retrancher une occasion à ceux qui veulent une occasion de se glorifier, en faisant comme nous (12) ». Ils cherchaient un prétexte qui devait leur être enlevé. C’était là, en effet, pour eux, le seul motif de se glorifier. Il fallait donc leur enlever cet avantage, les corriger sur ce point, car, pour le reste, leur infériorité était notoire. Rien, comme je l’ai déjà dit, n’édifie tant les mondains que la position d’un homme qui ne reçoit rien. Aussi le démon n’écoutant que sa perversité, leur avait surtout jeté cette amorce, afin de leur nuire par d’autres moyens. Je ne vois là que de l’hypocrisie. Aussi l’apôtre ne dit pas : une occasion de pratiquer la perfection de la vertu, mais que dit-il ? « De se glorifier ». Par ces paroles, l’apôtre se raillait de leur arrogance ; car ils se glorifiaient même des vertus qu’ils n’avaient pas. L’homme bien doué non seulement ne se glorifie pas de ce qu’il ne possède pas, mais il ne se reconnaît même pas celles qu’il possède. Telle était la conduite de notre bienheureux Paul, telle était celle du patriarche Abraham, disant : « Je ne suis que terre et que cendre. ». (Gen. 18,27) Ce saint homme ne trouvant en lui aucun péché, brillant de toutes les vertus, avait beau s’examiner, impossible à lui de découvrir un titre pour s’accuser lui-même, et il était obligé de se rabattre sur sa nature ; et trouvant le mot de terre encore trop respectable, il y joignait le mot cendre. D’où vient qu’un autre disait aussi : « Qui donne de l’orgueil à la terre et à la cendre ? » (Sir. 9,10)
Ne me vantez plus l’éclat de ce teint vermeil, ni cette tête si fièrement levée, ni la distinction des vêtements, ni les coursiers, ni les cortèges : quelle est la fin où tendent tous ces avantages, au bout de toute chose mettez cette fin. Si vous me parlez des choses visibles, je vous objecterai les peintures qui les surpassent de beaucoup en éclat ; et comme nous n’admirons pas les peintures, parce que nous voyons que toute leur essence n’est que de la boue, de même n’admirons pas les splendeurs de la vie, car il n’y a là encore que de la boue. Avant même la décomposition, la réduction en poussière, montrez-la-moi, cette noble tête, montrez-moi ce fiévreux qui râle ; et alors causons ensemble, et je vous demande ce qu’est devenu toute cette pompe. Où est-elle passée toute cette année de flatteurs, de serviteurs,