Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et cela s’étend si loin que souvent le mal éprouvé suffit seul pour rendre Dieu propice : celui à qui l’on fait du mal a beau être indigne d’assistance, l’excès de son malheur suffit pour lui attirer le pardon de Dieu, pour décider Dieu à se porter son vengeur. De là, ces paroles adressées autrefois par Dieu à des barbares à qui il avait confié sa vengeance : « Je ne les avais envoyés que pour un léger châtiment, et ils ont ajouté beaucoup de maux de leur, chef. ». (Zac. 1,15) Et voilà pourquoi ils souffriront des maux sans remèdes. Non, non, il, n’est rien qui excite autant la colère de Dieu que la rapine, la violence, l’insatiable cupidité. Pourquoi ? parce que rien n’est plus facile que de s’abstenir de ce péché. Il n’y a pas là un désir naturel ; ce désordre n’est que le fruit de notre indolence. Pourquoi donc l’apôtre l’appelle-t-il la racine de tous les maux ? Je dis comme lui, mais ne l’imputons qu’à nous-mêmes, cette racine ; et non à la nature. Si vous le voulez, établissons la comparaison : voyons quelle est la plus tyrannique, de la cupidité ou de la concupiscence ; la passion qui sera convaincue d’avoir abattu les grands hommes, c’est la plus funeste. Voyons donc quel grand homme a été la proie de la cupidité ! Il n’en est aucun ; nous ne trouvons que des êtres misérables, abjects, un Giézi, un Achab de Juda, les prêtres des Juifs. Mais la concupiscence, elle a triomphé du grand prophète David. Ces paroles q ne je prononce ne tendent pas a excuse ceux qui se laissent prendre par cette passion, mais bien plutôt à les rendre vigilants. Quand je montre la grandeur de ce mal, je montre combien l’indolence ne mérite aucune excuse. En effet, si vous ignoriez ce que c’est que cette bête féroce, vous pourriez chercher auprès d’elle votre refuge ; mais si, quand vous la connaissez, vous allez tomber sous ses coups, vous ne sauriez rien dire pour vous, justifier : Après David, son fils y succomba plus encore. Certes, pourtant nul ne le surpassa jamais en sagesse ; il fut, orné en outre de toutes les vertus ; cependant il fut tellement la proie de cette passion, qu’elle lui fit de mortelles blessures. Le père se releva de la chute, renouvela ses combats, reconquit sa couronne ; le fils ne nous montre pas le même spectacle. Aussi Paul disait : « Mieux vaut se marier, que de brûler » (1Cor. 7,9) ; et le Christ : « Qui peut comprendre ceci, le comprenne. » (Mt. 19,12) Pour les richesses, il n’en est pas de même ; mais : « Quiconque aura quitté ses biens, recevra le centuple ». (Id. 29)
Mais comment donc, objecterez-vous, a-t-il pu dire des riches, qu’ils obtiendront difficilement le royaume des cieux ? (Ibid. 23) Ces paroles sont faites pour laisser soupçonner ce qu’il y a en eux de mollesse ; les richesses n’exercent pas un empire tyrannique, mais les riches s’obstinent à y demeurer asservis. C’est ce que démontre le conseil de Paul. Pour détourner de la cupidité, il dit : « Ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation ». (1Tim. 6,9) A propos de la concupiscence, il ne tient pas le même langage ; après une courte séparation du consentement mutuel du mari et de la femme, il les avertit de se rapprocher. Il redoutait les flots d’une passion débordée, il redoutait un naufrage sinistre : Cette passion a plus de violence que la colère même : la colère est impossible en l’absence de tout objet qui l’excite ; mais la concupiscence s’éveille même en l’absence de la beauté qui provoque les désirs. Voilà pourquoi l’apôtre ne condamne pas d’une manière absolue cette passion ; il ajoute qu’il ne faut pas y céder « sans cause » ; ce n’est pas le désir même qu’il supprime, mais le désir quand il est coupable. « À cause de la concupiscence », dit-il, « que chaque homme possède sa femme à lui ». (1Cor. 7,2)
Mais, pour ce qui est de thésauriser, l’apôtre n’admet pas la distinction de cause et de sans cause. Les passions utiles ont été misés en nous par la nature ; les désirs des sens répondent à la procréation des enfants ; la colère est un secours pour ceux qui souffrent de l’injustice ; le désir des richesses ne répond à aucune nécessité. Ce n’est donc pas une passion naturelle. C’est pourquoi s’il vous arrive d’être vaincus par ce mal, votre défaite sera d’autant plus honteuse. Voilà pourquoi Paul, qui permet jusqu’à un second mariage, est si rigoureux en ce qui concerne les richesses « Pourquoi », dit-il, « ne souffrez-vous pas plutôt, qu’on vous fasse tort ? pourquoi ne consentez-vous pas plutôt à perdre ? » (1Cor. 6,7) Sur la virginité il dit : « Je n’ai point, reçu de commandement du Seigneur ; et je vous dis ceci pour votre utilité, non pour vous tendre un piège » (1Cor. 7,25, 35) ; mais c’est un autre langage, s’i1 vient à parler d’argent : « Ayant de quoi nous couvrir, et de