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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/163

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et de prudence. « J’ai souffert les travaux et les fatigues ». Les dangers succédaient aux labeurs, les labeurs aux dangers, sans relâche, sans trêve, et ne le laissaient pas même respirer un moment. « Souvent dans les voyages, souffrant la faim, la soif, la nudité, outre les maux extérieurs (27, 28) ».
2. II en passe plus qu’il n’en énumère ; ou plutôt, même les épreuves qu’il énumère, il n’en peut exprimer la rigueur ; il ne les montre pas, Il se contente d’en donner un chiffre court, facile à retenir ; par trois fois, dit-il, par trois fois, une fois ; quant à celles dont il ne peut donner le chiffré, parce que ce chiffre serait trop considérable, il n’en parle pas. Et il ne dit pas les heureux fruits qui en sont sortis, tant et tant de conversions ; il ne dit que ce qu’il a souffert en prêchant l’Évangile, et il fait en même temps deux choses : il montre sa modestie, et il montre, qu’alors même que ses travaux n’auraient rien produit, ils n’auraient pas été pour lui sans résultat, car c’est ainsi qu’il a mis le comble à la rémunération qu’il attend. « Mes assauts de tous les jours ». Les troubles, les violentes inquiétudes, les peuples qui l’attaquaient, les villes – qui se jetaient sur lui. C’étaient surtout les Juifs qui lui faisaient la guerre, parce que c’étaient eux surtout que l’apôtre couvrait de confusion, et le plus grand reproche que lui adressait leur fureur, c’était son changement si brusque de parti. La guerre était, contre lui, universelle, acharnée, guerre de la part de ses proches, guerre de la part des étrangers, guerre de la part des hypocrites ; partout autour de lui, des flots, des précipices, dans les contrées habitées, dans les pays sans habitants, sur la terre, sur la, mer, au-dehors, au dedans. Et il n’avait pas la nourriture nécessaire, il n’avait pas un mince vêtement, l’athlète de la terre livrait nu ses batailles, et c’est en ayant faim, qu’il soutenait ses luttes ; tant il était loin de chercher des richesses. Et il ne se plaignait pas, il rendait grâces à Dieu qui présidait à tous ces combats. « Le soin que j’ai de toutes les Églises ». La plus terrible de toutes ces épreuves, c’est qu’il était déchiré dans l’âme, que ses pensées le tourmentaient en sens divers. S’il n’essuyait aucune attaque du dehors, il avait la guerre à l’intérieur, les flots montaient sur les flots, les inquiétudes s’amassaient en tourbillons, toutes ses pensées se heurtaient dans une ardente mêlée. Souvent un homme qui n’a qu’une maison à gouverner, et, sous ses ordres, des serviteurs, des intendants, des économes, n’a pas le temps de respirer dans les soucis qui l’agitent, puisque personne ne lui cause d’embarras ; Paul n’avait pas une maison seulement à gouverner, mais des villes, des peuples, des nations, la terre entière. Et que d’affaires, et que d’ennemis qui le harcelaient ! Et il était seul, endurant tant de souffrances, et il éprouvait des angoisses telles que nul père n’en ressentit jamais pour ses enfants : essayez de concevoir ce qu’il eut à subir.
Ne dites pas que ses inquiétudes n’avaient peut-être rien de bien cuisant, mais écoutez ce qu’ajoute l’apôtre. « Qui est faible, sans que je m’affaiblisse avec lui (29) ? » Il ne dit pas : Je prends ma part de la tristesse, mais, je souffre autant que celui qui souffre, aussi malade que le malade, aussi troublé, aussi agité. « Qui est scandalisé sans que je brûle ? » Voyez ici encore l’extrême douleur qu’exprime cette image d’un feu dévorant. Je suis dans la flamme, le feu me consume, dit-il : supplice affreux. Les autres épreuves dont il parle, étaient cruelles, mais passaient vite ; il s’y mêlait une joie inaltérable ; mais ce qui l’étouffait, ce qui lui broyait le cœur, lui déchirait l’âme, c’était d’avoir tant à souffrir pour la faiblesse de chaque infirme, quel qu’il pût être. Son caractère n’était pas de s’affliger avec les plus considérés, sans prendre souci de ceux qui l’étaient moins ; l’être le plus abject, il le regardait comme un de ses proches. De là, ses paroles : « Qui est faible ? » On eût dit qu’il était, à lui seul, l’Église tout entière, tant il était tourmenté dans chacun de ses membres.
« S’il faut se glorifier de quelque chose, je me glorifierai de ma faiblesse (30) ». Vous voyez qu’il ne parle nullement de miracles ; voyez-vous qu’il ne se glorifie que de ses persécutions et de ses épreuves ? C’est que ce sont là, dit-il, des marques de faiblesse. Et il montre combien les combats étaient de nature différente. Les Juifs lui faisaient la guerre, les païens se soulevaient contre lui, les faux frères le combattaient, et lui s’affligeait à voir la faiblesse de ses frères, et leurs scandales ; de toutes parts lui venaient les troubles, les bouleversements, et du côté de ses proches, et du côté des étrangers. Voilà le caractère du