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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/162

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Et, ici encore : « Mais, puisqu’il y en a qui sont si hardis à parler d’eux-mêmes, je veux bien faire une imprudence en étant aussi hardi qu’eux ». C’est de la hardiesse, c’est de l’imprudence, selon lui, que de parler de soi avec fierté, même quand on y est contraint, et il s’attache à nous montrer qu’il faut fuir cette prétention. Si, après avoir tout fait, nous devons nous considérer comme inutiles, quelle pourrait être l’excuse de celui qui, sans raison aucune, s’exalte et se vante ? C’est ce qui a attiré au Pharisien le traitement qu’il a subi ; voilà comment il a fait naufrage dans le port ; voilà l’écueil contre lequel il s’est brisé. C’est ce qui fait que Paul, quelle que soit l’impérieuse nécessité qui 1e presse, répugne tant à se louer, et ne cesse pas de rappeler que c’est de l’imprudence. Enfin il se risque, et après avoir fait valoir la nécessité qui l’excuse, il dit : « Sont-ils Hébreux ? Moi aussi. Sont-ils Israélites ? Moi aussi (22) ». En effet, tous les Hébreux n’étaient pas Israélites, puisque et les Ammonites et les Moabites étaient Hébreux. Aussi ajoute-t-il, pour montrer la pureté de son sang : « Sont-ils de la race d’Abraham ? Moi aussi. Sont-ils ministres de Jésus-Christ ? Quand je devrais passer pour imprudent, je le suis plus qu’eux (23) ». Il ne se contente pas d’avoir déjà employé cette précaution, il répète ici encore ce correctif : « Quand je devrais passer pour imprudent, je le suis plus qu’eux ». Je vaux mieux, je les surpasse.
Les preuves manifestes de sa supériorité ne lui manquaient certes pas ; il n’en qualifie pas moins son langage, d’imprudent. Mais, dira-t-on, si c’étaient de faux apôtres, il n’était pas besoin d’une comparaison pour établir sa supériorité sur eux, il fallait montrer que ces hommes-là n’étaient pas des ministres. Aussi Paula-t-il dit que c’était « de faux apôtres, des ouvriers trompeurs, qui se transfigurent en apôtres de Jésus-Christ ». Mais maintenant, il ne procède plus de même ; il veut examiner à fond la question ; on ne doit pas, lorsqu’une enquête est possible, se borner à une simple affirmation de jugement ; l’apôtre fait d’abord la comparaison de leur vie et de la sienne, et c’est en 's’appuyant sur la réalité qu’il les ruine avec une bien plus grande autorité. C’est d’ailleurs l’opinion que ces gens-là ont d’eux-mêmes, et non son jugement à lui, que l’apôtre exprime, en disant : « Ils sont ministres de Jésus-Christ ». Quand il ajoute : « Je le suis plus qu’eux », c’est une comparaison ; une affirmation pure et simple ne lui suffit pas, il va donner la démonstration par les faits, et par là on verra bien que c’est à lui qu’appartient le caractère propre dé l’apostolat. Laissant de côté tous ses miracles, il parle de ses épreuves tout d’abord, il dit : « J’ai plus souffert de travaux, plus reçu de coups », ta seconde épreuve, être battu, recevoir des coups de fouet, est plus cruelle que la première. « Plus enduré de prison ». Ici encore, gradation. « Je me suis souvent vu tout près de la mort. Il n’y a pas de jour », dit-il, « que je ne meure ». (1Cor. 15,31) Ici, c’est la réalité même qu’il décrit, souvent il a été exposé à des dangers de mort. « J’ai reçu des Juifs, cinq différentes fois, trente-neuf coups de fouet (24) ». Pourquoi « trente-neuf ! » C’est qu’une ancienne loi portait que celui qui recevait plus de quarante coups était infâme. Donc pour empêcher que l’emportement de celui qui donnait les coups, n’excédât le nombre et ne rendît infâme celui qui les recevait, on avait fixé ce nombre à quarante moins un, à trente-neuf ; de cette manière, quelle que fût la vivacité de celui qui frappait, il n’était pas exposé à dépasser les quarante, il restait en deçà du nombre déterminé, et ne rendait pas infâme le patient.
« Trois fois j’ai été battu de verges ; une fois lapidé ; trois fois j’ai fait naufrage (25) ». Et que fait cela à l’Évangile ? Beaucoup, puisque pour le prêcher, il faisait de longs voyages, et traversait les mers. « Un jour et une nuit, j’ai été dans l’abîme ». Au milieu de la mer, selon les uns ; selon les autres, il nageait ;-ce qui est plus vraisemblable. Ce fait, il rie le donne pas comme un miracle, comme plus considérable que ses naufrages. « Dans les périls sur les fleuves (26) ». En effet, il était forcé de traverser les fleuves : « Dans les périls des voleurs, dans les périls au milieu de la cité, dans les périls de la solitude ». Partout des luttes devant moi, dans les pays, dans les contrées, dans les cités, dans les solitudes. « Dans les périls entre les nations, dans les périls entre les faux frères ». Vous voyez, ici, une autre espèce de guerre. Il ne rencontre pas seulement des ennemis déclarés, il se voit attaqué par ceux qui jouaient l’affection fraternelle, et il avait grand besoin, et de fermeté