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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/167

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le grand nombre. Ce qui prouve combien il en reçut, c’est ce qu’il dit : « De peur que la grandeur de mes révélations ne me donne de l’orgueil ». Mais, dira-t-on, s’il tenait à les cacher, il ne devait pas en parler à mots couverts, il n’avait qu’à ne rien dire de pareil ; s’il tenait à en parler, il devait en parler clairement. Pourquoi donc n’a-t-il ni parlé clairement, ni gardé le silence ? C’est pour montrer que, même en parlant, il ne le fait qu’à contre-cœur. Voilà pourquoi il a fait la réflexion qu’il y avait, de ce fait, quatorze ans. Il ne l’a pas mentionné sans montrer qu’après avoir gardé le silence si longtemps, il n’en parle présentement, que parce qu’une impérieuse nécessité l’y oblige, qu’il continuerait encore à n’en rien dire, s’il ne voyait ses frères qui se perdent. Or si Paul, dès le début de sa carrière, méritait d’être honoré d’une telle révélation, lui qui n’avait pas encore fait paraître de si éminentes vertus, considérez ce qu’il dut devenir quatorze ans après. Et voyez sa modestie à raconter certaines choses, à reconnaître qu’il en ignore d’autres. Qu’il a été ravi, c’est ce qu’il dit ; fut-ce en corps ? fut-ce sans son corps ? c’est ce qu’il' reconnaît ignorer. Il pouvait se contenter de parler de ce ravissement, et de ne rien dire ensuite ; mais il n’écoute que sa modestie et il ajoute son observation.
Quoi donc ? est-ce son esprit qui a été ravi avec son âme, et son corps serait resté mort ? ou est-ce le contraire ? Son corps a-t-il été ravi ? Impossible de le dire. Si Paul n’en sait rien, lui qui a été ravi, lui qui s’est vu révéler de si grands mystères, à bien plus forte raison devons-nous l’ignorer. Il était dans le paradis, voilà ce qu’il – sait ; il était dans le troisième ciel, voilà ce qu’il n’ignorait pas ; mais la manière, voilà ce qu’il ne distinguait pas clairement. Considérez une autre marque de sa modestie. Quand il parle de la ville des Damascéniens, il pense à garantir la véracité de son discours ; ici, au contraire, il ne s’en inquiète plus ; c’est qu’en effet, il n’attachait pas une extrême importance à être cru, il parle seulement à mots couverts. Ainsi ajoute-t-il : « Je pourrais me glorifier, en parlant d’un tel Homme » ; il n’entend pas dire par là que ce soit un autre que lui qui ait été ravi, mais, autant qu’il lui est perchis et possible, il évite de parler de lui ouvertement ; de là, la tournure de ses paroles. D’ailleurs à quoi bon, puisqu’il parlait de lui, recourir à un intermédiaire ? Pourquoi donc cette composition, cet arrangement ? C’est que ce n’était pas la même chose de dire : J’ai été ravi, et je connais un homme qui a été ravi ; ni : Je me glorifie en parlant de moi-même, et : Je pourrais me glorifier en parlant d’un tel homme. Que si l’on objecte : Mais comment pouvait-il être ravi sans son corps ? Je demanderai à l’auteur de l’objection : Mais comment pouvait-il être ravi avec son corps ? car le second fait est encore plus incompréhensible que le premier, si l’on ramène tout au raisonnement, si l’on rie veut pas s’incliner devant la foi. Maintenant pourquoi a-t-il été ravi ? C’est, je pense, afin qu’il ne parût pas inférieur aux autres apôtres. Ils avaient vécu avec le Christ, Paul ne l’avait pas approché, voilà pourquoi il fut élevé, dans un ravissement, à la gloire, au paradis. Le paradis ! le nom en était fameux, partout célébré.
2. Voilà pourquoi le Christ disait : « Aujourd’hui, vous serez avec moi dans le paradis ». (Luc ; XXIII, 43) « Je pourrais me glorifier en parlant d’un tel homme ». Qu’est-ce à dire ? Si c’est un autre qui a été ravi, de quoi pouvez-vous vous glorifier ? Il est donc évident que c’est de lui qu’il parlait. S’il a ajouté : « Mais je ne me glorifierai pas pour moi-même », ces paroles se réduisent à ceci : en l’absence de toute nécessité, je ne veux rien dire de pareil à la légère, ou certainement il voulait autant que possible, rejeter dans l’ombre ce qu’il avait dit. La suite démontre parfaitement que dans toutes ces paroles, il n’est question que de lui ; car il ajoute : « Si je voulais me glorifier, je ne serais pas un imprudent, car je dirais la vérité (6) ». Comment donc avez-vous pu dire d’abord : « Plût à Dieu que vous voulussiez un peu supporter mon imprudence », et, « ce que je dis, je ne le dis pas selon, Dieu, mais je fais paraître de l’imprudence » (2Cor. 11,1-17) ; tandis que vous dites maintenant : « Si je voulais me glorifier, je ne serais pas un imprudent ? » C’est qu’en ce moment il ne se préoccupe pas du fait de se glorifier, mais du fait de mentir ; si se glorifier est de l’imprudence, à combien plus forte raison y a-t-il de l’imprudence à mentir ? C’est donc dans cette pensée qu’il dit : « Je ne serais pas un imprudent ». Voilà pourquoi il ajoute : « Car je dirais la vérité ; mais je me retire de peur qu’on ne m’estime au-dessus de ce qu’on