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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/175

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encore, il tient ce langage : Si j’ai fait une faute, selon vous, pardonnez-la-moi. Ce qu’il disait, c’était à la fois pour les exciter et les adoucir. Et qu’on n’objecte pas. Si vous voulez réprimander, pourquoi vous défendre ? Si vous voulez adoucir, pourquoi réprimander ? Voilà précisément la marque de l’habileté faire une incision et refermer la plaie. Ensuite, je l’ai déjà dit, aussi souvent qu’il leur fait ce reproche, il l’adoucit, afin qu’on ne s’imagine pas qu’il espère recevoir d’eux quelque chose. Dans la première épître, il leur disait : « Je ne vous écris point ceci, afin qu’on me traite de même ; car mieux vaudrait pour moi mourir, que de souffrir qu’on me fît perdre cette gloire ». (1Cor. 9,15) Ici, ses paroles sont plus douces et plus caressantes. Comment s’y prend-il ? « Voici la troisième fois que je me prépare pour vous aller voir, et je ne vous serai pas à charge ; car ce ne sont pas vos biens que je cherche, mais vous ; car ce n’est pas aux enfants à thésauriser pour leurs pères, mais aux pères pour leurs enfants (14) ».
Voici ce qu’il veut dire : Ce n’est pas parce que je ne reçois rien de vous que je ne vais pas vous trouver ; j’ai été vous voir deux fois, et je me prépare à vous aller voir une troisième, et je ne vous – serai pas à charge. Son explication sur ce point est grave. Il ne dit pas : parce que vous êtes mesquins, parce que vous vous blessez vite, parce que vous êtes faibles ; mais que dit-il ? « Car ce ne sont pas vos biens que je cherche, mais vous ». Je cherche plus que de l’argent, je cherche des âmes et non des fortunes, votre salut et non votre bourse. Ensuite, comme on pouvait encore le soupçonner de parler ainsi par dépit, il ajoute encore une réflexion. Il pouvait croire qu’on lui dirait : Ne sommes-nous pas libres de conserver ce qui est à nous ? Par ce motif il a l’air de prendre leur défense, et il dit avec beaucoup de suavité : « Car ce n’est pas aux enfants à thésauriser pour leurs pères, mais aux pères pour leurs enfants » ; au lieu de maîtres et de disciples, il met parents et enfants ; il présente comme étant simplement l’accomplissement d’un devoir une conduite d’une perfection plus haute, car Jésus-Christ n’a point commandé à ses apôtres de ne rien accepter de leurs disciples ; c’est par ménagement pour eux que l’apôtre s’exprime ainsi, et voilà pourquoi il ne recule pas devant une certaine exagération. En effet, il ne se contente pas de dire : Ce n’est pas aux enfants à thésauriser pour leurs pères ; mais il ajoute que c’est pour les pères un devoir d’agir ainsi. Eh bien ! donc, puisque c’est un devoir : « Je donnerai très-volontiers tout ce que j’ai, et je me donnerai encore moi-même, pour le salut de vos âmes (15) ». C’est la loi de la nature qui ordonne aux pères de thésauriser pour leurs enfants, mais moi je fais plus, je m’ajoute moi-même à ce que je donne ; l’excès de sa générosité se manifeste non seulement en ce qu’il ne reçoit rien, mais en ce qu’il fait plus, il donne ; et il ne donne pas simplement, mais il donne avec une générosité sans borne, il donne ce qui lui manque à lui-même ; car c’est là ce qu’indique cette parole : « Je me donnerai encore moi-même ». S’il vous fallait ma chair même, je ne la ménagerais pas pour votre salut. Il y a, dans ce qui suit, un reproche et en même temps une, parole d’affection « Quoique moi qui vous aime tant, je me voie si peu aimé de vous ». Ce que je fais, dit-il, pour ceux que j’aime, et qui ne m’aiment pas autant. Considérez maintenant la gradation dans tous ces mérites de l’apôtre. Il était autorisé à recevoir,-mais il ne recevait rien premier mérite. Cependant il avait besoin second mérite ; cependant il leur prêchait l’Évangile : troisième mérite ; et il fait plus, il donne : quatrième mérite ; et non seulement il donne, mais son présent est considérable cinquième mérite ; et il ne donne pas seulement de l’argent, il se donne lui-même sixième mérite ; et à des gens qui n’ont pas pour lui un vif amour : septième mérite ; et pour qui il éprouve, lui, un vif amour : huitième mérite.
3. Sachons donc, nous aussi, suivre cet exemple. C’est une faute grave que de ne pas aimer son prochain ; c’en est une plus grave de ne pas répondre à l’amour qu’on nous porte. Si, en aimant celui qui nous aime, nous ne faisons rien de plus que les publicains, ne l’aimer pas, c’est être inférieur aux bêtes sauvages. Que dis-tu, ô homme ? Tu n’aimes pas celui qui t’aime ? alors pourquoi vis-tu ? à quoi pourras-tu jamais être utile ? dans quelles affaires ? dans celles qui intéressent l’État ? dans celles qui intéressent les particuliers ? Nullement, en aucune manière : rien de plus inutile qu’un homme qui ne sait pas