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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/180

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pas non plus tel que vous voudriez ». Il ne dit pas, tel que je voudrais, mais, d’une manière plus efficace pour les piquer : « Tel que vous voudriez ». En effet, il entendait suivre, dès ce moment, sa volonté à lui ; non pas sans doute une volonté absolue, mais peu importe, une volonté décidée enfin à la sévérité. L’apôtre pouvait dire : « Tel que je ne veux pas être », et manifester ainsi son affection ; mais il ne veut pas flatter le relâchement de ceux qui l’écoutent : Ou plutôt, en parlant ainsi, son discours eût été plus difficile à supporter ; au contraire, sa manière présente est plus forte pour frapper et montre en même temps un esprit plus doux. C’est le caractère propre de la sagesse de Paul d’être d’autant plus caressant qu’il fait des blessures plus profondes. Ensuite, comme il y avait de l’obscurité dans son langage, il s’explique : « Je crains de rencontrer parmi vous des dissensions, des jalousies, des animosités, des médisances, des faux rapports, des esprits enflés ». Ce qu’il aurait dû dire en premier lieu, il le met à la fin ; en effet, c’était l’orgueil qui les soulevait contre lui. Mais l’apôtre ne veut pas avoir l’air de combattre d’abord ce qui gêne son action sur eux ; voilà pourquoi il parle d’abord de ce qu’il y a de général dans leurs égarements.
2. C’était l’envie qui les produisait, ces calomnies, ces accusations, ces dissensions. Comme une racine funeste, l’envie produisait la colère, l’esprit de dénigrement, la démence de l’orgueil et tous les autres fléaux qui, à leur tour, envenimaient cette haine jalouse. « Et qu’ainsi Dieu ne m’humilie encore, lorsque je serai retourné chez vous (29) ». Cet « Encore » est à lui seul un reproche. C’est bien assez, dit-il, de vos premiers égarements. Aussi disait-il au commencement : « C’est pour vous épargner que je ne suis pas allé à Corinthe ». (2Cor. 1,23) Voyez-vous comme il s’entend à montrer à la fois ce qui indigne son cœur, et l’affection qu’il ressent ? Mais maintenant que veut dire « Ne m’humilie ? » Il est pourtant glorieux d’avoir le droit d’accuser, de punir, de demander des comptes, de siéger comme juge, et c’est ce qu’il appelle une humiliation. Il était si loin de rougir de l’Humilité, de ce qu’on trouvait de bas dans sa personne, de méprisable en son discours (2Cor. 10,10), qu’il souhaitait de rester toujours en cet état, que ses prières tendaient à n’en pas sortir. Il explique bientôt sa pensée, et ce qu’il appelle humiliation c’est, avant tout ; la nécessité de châtier et de punir. Mais pourquoi, au lieu de dire : qu’en retournant chez vous je ne sois humilié, dit-il. « Que Dieu ne m’humilie lorsque je serai retourné chez vous ? » C’est que si ce n’était pour Dieu, je n’aurais aucun souci, tout me serait fort indifférent. Ce n’est pas par une usurpation orgueilleuse de pouvoir que je recherche ; lorsque je châtie, je ne veux qu’exécuter les ordres de Dieu. Il dit plus haut : « Que vous ne me trouviez pas tel que vous voudriez » : ici avec plus de ménagement, d’une manière plus douce, : plus affectueuse, il dit : « Et que je n’aie à en pleurer plusieurs qui ont péché ». Il ne se contente pas de dire : « Qui ont péché » ; il ajoute : « Et qui n’ont pas fait pénitence ». Il ne dit pas tous, mais « Plusieurs » ; et les pécheurs mêmes, il ne les désigne pas, il leur laisse un moyen facile de retourner à la pénitence ; il montre clairement que la pénitence peut effacer les fautes, et qu’enfin il ne pleurera que ceux qui sont incapables de faire pénitence, que les incurables, qui conservent leur plaie. Méditez donc sur la vertu apostolique de l’homme à qui sa conscience ne fait aucun reproche, qui gémit des fautes d’autrui, qui s’humilie parce que les autres ont péché. C’est là en effet ce qui doit surtout distinguer le maître, la compassion pour les malheurs de ses disciples, les chagrins, la douleur pour les blessures de ceux qu’il conduit.
Il montre ensuite la nature du péché : « De leurs dérèglements et de leur impureté ». Ce qu’il désigne par là, à mots couverts, c’est la fornication ; mais si l’on tient à se rendre un compte exact des péchés de toute nature, ce nom leur convient à tous. Car quoique le fornicateur, l’adultère soient surtout ceux qu’on traite d’impurs, les autres péchés aussi mettent l', impureté dans l’âme. Voilà pourquoi, n’en doutez pas, le Christ traite d’impurs les Juifs ; ce ne sont pas seulement leurs fornications qu’il accuse, mais leur dépravation à d’autres égards. Aussi fait-il observer qu’ils n’ont pris soin de purifier que le dehors (Mat. 23, 25) ; aussi dit-il ailleurs : « Ce n’est pas ce qui entre : qui souille l’homme, mais ce qui sort ». (Mt. 15,11) L’Écriture dit ailleurs encore : « Tout homme au cœur insolent est impur devant le Seigneur ». (Prov. 16,5) Et c’est avec raison. Rien de plus pur