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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/190

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Eh bien donc, vous aussi, si vous voulez conquérir la gloire, répudiez la gloire ; si vous poursuivez la gloire, vous serez précipités de la gloire. Tenez, si vous voulez bien, appliquons nos réflexions aux choses du siècle. Quels hommes poursuivons-nous de nos paroles malignes ? Ne sont-ce pas ceux qui recherchent la gloire ? Donc ce sont eux qui en sont les plus privés : ils ont des milliers de détracteurs, ils sont méprisés de tous. Quels hommes admirons-nous ? répondez-moi. Ne sont ce pas ceux qui la dédaignent ? Donc c’est à eux que la gloire appartient. De même que le riche n’est pas celui qui a beaucoup de besoins, mais celui à qui rien ne manque ; de même, l’homme couvert de gloire, ce n’est pas celui qui l’aime, mais celui qui la méprise ; car cette gloire n’est qu’une ombre de gloire. Jamais un homme, devant une image qui représente un pain, quelle que soit la faim qui le tourmente, ne portera la main à cette figure d’un pain. N’allez donc pas, vous non plus, poursuivre des ombres ; ce n’est qu’une ombre de gloire que vous voyez là, ce n’est pas la gloire. Et pour vous convaincre qu’il en est ainsi, voyez l’unanimité des accusations, des discours qui s’accordent à dire qu’il faut fuir ce mal, que ceux qui la désirent doivent être les premiers à s’en écarter ; voyez la confusion de l’homme convaincu de s’y être laissé prendre, ou de la rechercher. D’où vient donc, dira-t-on, ce désir funeste ? comment existe-t-il en nous ? C’est un effet de la faiblesse de l’âme, (car il ne suffit pas d’accuser les passions, il faut, de plus, les corriger), c’est un effet de l’imperfection de l’intelligence ; c’est un effet de la puérilité. Cessons donc enfin d’être des enfants, soyons des hommes ; ne recherchons plus partout que la vérité, au lieu de poursuivre les ombres, les ombres de la richesse, les ombres du plaisir, les ombres du bonheur vraiment exquis, de la gloire, de la puissance ; et nous verrons cesser, en même temps que ce mat funeste, une foule d’autres maux. Poursuivre des ombres, c’est être possédé. De là ce que disait Paul : « Tenez-vous dans la vigilance ; de la justice, et ne péchez pas ». (1Cor. 15,34) Il y a, en effet, une espèce de possession plus funeste que celle qu’opère le malin esprit, que le transport démoniaque. Cette possession par le démon n’enlève pas toute excuse, l’autre ne peut pas se justifier ; c’est dans l’âme même que réside la corruption ; l’âme a perdu la rectitude du jugement ; son sens est mort ; l’organe de la possession démoniaque, c’est le corps ; l’autre a pour siège et pour canne l’esprit. Et de même que les fièvres les plus pernicieuses, les fièvres incurables sont celles qui s’attaquent aux corps les plus robustes, qui se retirent au plus profond des nerfs, qui se cachent dans les veines ; de même cette démence, quand elle s’est retirée au plus profond de la pensée, la bouleverse et s’applique à la détruire. Eh ! n’est-ce pas, en fait de démence, ce qu’il y a de pies manifeste, de plus éclatant ; D’est-ce pas le plus funeste de tous les délires que, de mépriser ce qui subsiste d’une éternelle durée, pour s’attacher à ce qui est méprisable, pour s’y consacrer avec tant d’amour ? Répondez-moi : vous verriez un homme poursuivre, essayer de saisir le vent, ne diriez-vous pas que c’est un insensé ? Vous verriez un homme s’attacher à des ombres, négliger lit réalité, prendre en haine celle qui est réellement sa femme pour embrasser l’ombre de cette femme ; vous verriez un homme repousser son fils pour faire des caresses à l’ombre de ce fils, iriez-vous chercher une autre preuve qui montrât mieux ce que c’est que la démence ? Tels sont les insensés dont je parle, ceux qui ne sont épris que des choses présentes. Toutes ces choses ne sont rien que des ombres, et la gloire, et la puissance, et l’estime des hommes, et la richesse, et les plaisirs les plus raffinés, et tout ce que vous pourrez m’énumérer des biens de ce monde. Voilà pourquoi le prophète disait : « Oui, l’homme passe comme une image, et néanmoins il se trouble, quoique inutilement » ; et encore : « Nos jours ont décliné comme l’ombre ». Et ailleurs il appelle fumée, fleurs des champs, les choses humaines. (Ps. 38,7 ; Ps. 101,11 ; Ps. 102, 15) Et ce ne sont pas nos joies seulement qui ne sont que des ombres ; il en est de même et des afflictions, et de la mort, et de la pauvreté, et de la maladie, et de quoi que ce soit. Quelles sont, au contraire, les choses qui durent, et les biens, et les douleurs ? La royauté éternelle et la géhenne sans fin. Car le ver ne finira pas, car le feu ne s’éteindra pas ; les uns ressusciteront pour la vie éternelle, les autres pour le châtiment éternel. Donc si nous voulons échapper au châtiment, jouir de la vie, abandonnons ce qui n’est qu’une ombre, attachons-nous à la