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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/189

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pour leur être agréable qu’il tient ce discours (car sa pensée n’a rien qui respire la vaine gloire), qu’il ne fait que ce qu’exigent les circonstances, voilà pourquoi il ajoute : « Car a nous ne pouvons rien contre la vérité ». Si nous vous trouvons, dit-il, exhalant les parfums de la vertu, effaçant vos péchés par le repentir, fondés à vous adresser à Dieu avec une entière confiance, nous ne pourrons pas, quand même ce serait notre volonté, vous infliger de punition ; si nous entreprenions de le faire, Dieu ne serait pas – avec nous. Car s’il nous a donné sa puissance, c’est pour là vérité, c’est pour la justice,-ce n’est pas pour agir contre la vérité. Voyez-vous comme il a recours à tous les moyens pour adoucir son langage, pour corriger ce que ses menaces auraient de trop rude ? Toutefois ce désir de son cœur est aussi une raison pour lui de montrer qu’il leur – est, du fond de l’âme, étroitement uni : voilà pourquoi il ajoute : « Et nous nous réjouissons, lorsqu’il arrive que nous sommes faibles et que vous êtes forts. Car nous prions afin que vous soyez parfaits ». Voilà certes, dit-il, où il est surtout vrai de dire que nous ne pouvons rien contre la vérité, ce qui revient à ceci, que nous ne pouvons pas vous punir quand vous êtes agréables à Dieu ; car, outre que ce n’est pas en notre pouvoir, nous ne le voulons pas, précisément parce que vous êtes agréables à Dieu ; c’est tout le contraire que nous désirons. En vérité, ce qui nous réjouit surtout, c’est de ne pas trouver en vous l’occasion pour nous, de vous montrer la puissance que nous avons pour le châtiment. Si notre sévérité nous permet de montrer notre gloire, de faire briller notre autorité, notre force, ce que nous voulons, c’est, au contraire, vous trouver dans votre devoir, vous, et irréprochables, sans rencontrer jamais, en ce qui nous concerne, l’occasion de nous glorifier par votre faute. Voilà pourquoi il dit : « Nous nous réjouissons lorsque nous sommes faibles ». Qu’est-ce à dire, « lorsque nous sommes faibles ? » Lorsque nous paraissons faibles ; non pas lorsque nous sommes réellement faibles, mais lorsqu’il arrive qu’on nous regarde comme faibles ; c’était l’effet produit par les apôtres sur leurs ennemis, quand ils n’avaient pas encore prouvé leur pouvoir de punir. Eh bien, peu importe, nous nous réjouissons lorsque vous vous conduisez de manière à ne pas nous donner la moindre prise pour vous punir. Oui, c’est un plaisir pour nous d’être regardés comme faibles, uniquement afin que vous soyez irréprochables ; c’est pour cela qu’il ajoute : « Et que vous êtes forts », c’est-à-dire, en possession de la gloire que donne la vertu. Et ce n’est pas là seulement ce que nous voulons, mais nous prions pour obtenir ce bonheur, que vous soyez irréprochables, accomplis, exempts de tout péché qui nous donne prise sur vous.
5. Voilà bien le caractère de l’affection paternelle, préférer à sa gloire personnelle le salut de ses disciples ; voilà le propre d’une âme au-dessus de la vaine gloire ; voilà ce qui rompt surtout les attaches du corps, et vous élève de la terre au ciel, n’être pas souillé des atteintes de la vaine gloire ; tandis que, au contraire, cette vanité accumule les péchés dans, l’âme. Il n’est pas possible à l’homme entaché de cette vanité superbe, d’avoir des pensées élevées, grandes et généreuses ; il faut nécessairement qu’il se traîne contre la terre, qu’il répande la destruction tout autour de lui, asservi qu’il est à la passion impure dont la tyrannie défie tout ce qu’il y a de plus barbare. Pouvez-vous concevoir une passion plus monstrueuse que celle qui s’exaspère en raison même du culte qu’on lui rend ? Les bêtes féroces elles-mêmes sont moins emportées par la rage, on les apprivoise à force de soins. Pour la vaine gloire, c’est tout le contraire : méprisez cette passion, elle s’apaise ; honorez-la ; elle s’aigrit, elle s’arme contre celui qui l’honore. C’est pour l’avoir honorée que les Juifs ont subi de rigoureux châtiments ; c’est pour l’avoir méprisée que les disciples ont mérité leurs couronnes. Mais à quoi bon parler, de châtiments et de couronnes ? Ce qui donne là gloire, c’est surtout le mépris qu’on fait d’un frivole éclat. Vous verrez que, même ici-bas, ceux qui honorent la vaine gloire, se perdent ; que ceux qui la méprisent, s’élèvent. Ceux qui l’ont méprisée, les disciples, (rien n’empêche de reprendre cet exemple), ceux qui ont honoré Dieu avant tout, brillent d’un éclat plus resplendissant que le soleil, l’immortel souvenir qu’ils ont attaché à leur nom les accompagne alors même qu’ils ont cessé de vivre ; ceux qui, au contraire, se sont inclinés devant cette vanité, les Juifs, privés de leurs cités, de leurs foyers, déshonorés, fugitifs, sont terrassés, abjects, méprisés.