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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/199

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sa lettre à Philémon. Que c’était celui-là, et non quelque autre du même nom, on le voit par cet Archippe dont il invoque l’appui près de Philémon, pour obtenir ce qu’il demande pour Onésime, et dont il excite le zèle en ces termes, dans son épître aux Colossiens : « Dites à Archippe : Voyez le ministère que vous avez reçu dans le Seigneur, afin de le remplir ». (Id. 17) Il me semble aussi que l’épître aux Galates est encore antérieure à celle aux Romains. Que si elles ont un autre ordre dans la Bible, il ne faut pas s’en étonner : car quoique les douze prophètes ne se soient point succédé immédiatement dans l’ordre des temps, qu’ils aient même été séparés par de grands intervalles, ils se trouvent cependant dans la Bible à la suite les uns des autres. En effet, Aggée, Zacharie, et d’autres encore, ont prophétisé après Ézéchiel et Daniel ; beaucoup ont prophétisé après Jonas, Sophonie et tous les autres, et pourtant ils sont rattachés à tous ceux-là malgré la distance des temps.

2. Que personne ne croie en ceci notre peine inutile, et ne regarde cette question comme oiseuse et de pure curiosité : la date de chaque épître a un grand, intérêt pour le but que nous nous proposons. Car, quand je vois Paul écrire aux, Romains et aux Colossiens sur les mêmes objets, mais non de la même manière : à ceux-là avec une grande condescendance, comme quand il leur dit : « Accueillez celui qui est faible dans la foi, sans disputer sur les opinions, car l’un croit qu’il peut manger de tout, et l’autre qui est faible ne mange que des légumes » (Rom. 14,1-2) ; et aux Colossiens, sur le thème sujet, mais avec plus de liberté : « Si donc vous êtes morts avec le Christ aux éléments de ce monde, pourquoi vous laissez-vous imposer des lois comme si vous viviez dans ce premier état du monde ? Ne mangez pas, vous dit-on, ne goûtez pas, ne touchez pas. Toutes choses qui périssent par l’usage qu’on en fait, ne sont point en honneur, mais pour le rassasiement de la chair » (Col. 2,20-23) ; quand je vois, dis-je, cette différence, je n’en trouve pas d’autre raison que la diversité même des temps. En effet, au commencement il fallait user de condescendance ; dans la suite, cela n’était plus nécessaire. On le voit encore souvent agir de même dans d’autres circonstances. Telle est la conduite que tiennent un médecin et un maître : ni médecin ne traite de la même façon ceux qui commencent à être malades et ceux qui entrent en convalescence ; ni le maître n’en use de la même manière avec les petits enfants et ceux qui demandent un enseignement plus avancé. Ainsi Paul écrit sur un ton différent aux uns et aux autres selon le sujet et l’occasion (et il le fait voir en disant aux Corinthiens : « Quant aux choses dont vous m’avez écrit » (1Co. 7,1) ; et en déclarant la même chose aux Galates dès le début et tout le long de sa lettre).

Mais aux Romains, pour quel motif et à quelle occasion leur a-t-il écrit ? On le voit leur rendre témoignage qu’ils sont abondamment pourvus en vertu et en tout genre de connaissance, au point d’être capables de corriger les autres. Pourquoi donc leur a-t-il écrit ? Il le dit lui-même : « À cause de la grâce que Dieu m’a donnée pour être le ministre de Jésus-Christ ». (Rom. 15,15-16) C’est ce qui lui fait dire dès le commencement : « Je suis redevable, et (autant qu’il est en moi), je suis prêt à vous évangéliser, vous aussi qui êtes à Rome ». (Id. 1,14, 15) Et ce qu’il dit d’eux, par exemple, qu’ils sont capables de corriger les autres, ou autres choses semblables, il le dit surtout par manière d’éloge et d’exhortation ; néanmoins il était besoin de les corriger aussi par lettres. Comme il n’était point encore venu à Rome, il emploie un double moyen pour les mettre en règle : l’utilité de ses lettres et l’attente de son arrivée.