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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/20

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il désigne le pays où il a souffert. « Nous ne voulons pas vous laisser ignorer, mes frères, les tribulations que nous avons souffertes en Asie (8) ». Si nous vous parlons de nos souffrances, c’est pour que vous n’ignoriez pas ce qui nous arrive. Tout ce qui nous concerne, nous voulons que vous le sachiez, nous nous empressons de vous le dire. Et c’est de la part de l’apôtre une grande preuve d’affection. Dans la première épître, il leur faisait pressentir ces tribulations en disant : « Évidemment une large porte s’ouvre devant moi, et j’ai de nombreux adversaires dans Éphèse ». (1Cor. 16,9) Maintenant donc il leur rappelle et leur expose ce qu’il vient d’endurer. « Je ne veux pas que vous ignoriez les maux que j’ai soufferts en Asie ». Il agit de même dans son épître aux Éphésiens. S’il leur envoie Tychique, c’est pour les informer de sa situation. « Je veux que vous sachiez tout ce qui m’arrive, tout a ce que je fais : Tychique vous le dira, Tychique notre frère bien-aimé et notre fidèle ministre dans le Seigneur ; je vous l’envoie exprès, pour que vous sachiez ce qui nous concerne, et aussi pour qu’il répande la consolation dans vos cœurs ». (Eph. 6,21-22) Nous remarquons la même chose dans ses autres épîtres. Il n’y a rien là d’inutile : tout cela au contraire est nécessaire. N’est-ce pas une conséquence du grand amour de l’apôtre pour ses disciples ? Ne fallait-il pas, au milieu de ces continuelles épreuves, trouver quelque consolation dans ces renseignements mutuels ? S’ils étaient tristes et affligeants, on se préparait à souffrir, on se tenait sur ses gardes ; s’ils étaient bons et joyeux, on ressentait une commune joie. Au reste en ce passage il mentionne en même temps et le commencement et la fin de l’épreuve. « Nous avons été accablés outre mesure et au-dessus de nos forces ». Ne dirait-on pas un navire qu’une charge trop pesante a submergé ? Ces paroles : « Outre mesure et au-dessus de nos forces » semblent offrir le même sens. Il n’en est rien cependant. On eût pu dire : « L’épreuve était excessive, il est vrai, mais non point trop forte pour vous ». Et c’est pourquoi l’apôtre ajoute : L’épreuve était grande et au-dessus de nos forces ; et tellement au-dessus de nos forces que la vie nous était à charge, c’est-à-dire, que nous désespérions de vivre plus longtemps. Ce que David appelle « les portes de l’enfer et les douleurs de l’enfantement », c’est ce que Paul veut faire entendre à son tour, quand il dit : Le danger que nous avons couru devait amener la mort.
« Et nous avons eu au dedans de nous-mêmes une réponse de mort, afin que nous ne mettions pas notre confiance dans nos forces, mais en Dieu qui ressuscite les morts (9) ». Qu’est-ce à dire : « Nous avons eu une réponse de mort ? » C’est-à-dire une sentence, un jugement, l’attente de la mort. C’était là comme le cri, comme la réponse de ce qui nous arrivait : tout cela nous disait que nous devions mourir. Cependant la menace ne s’accomplit pas : notre attente ne se réalisa point. L’épreuve, par sa nature même rendait une sentence de mort ; mais la puissance divine ne voulut pas qu’elle eût son effet ; elle permit seulement que nous nous attendissions à mourir. Et c’est pourquoi l’apôtre dit : « Nous avons eu au dedans de nous-mêmes une réponse de mort », au dedans de nous-mêmes, et non pas dans la réalité. Pourquoi Dieu a-t-il permis une épreuve qui nous avait enlevé jusqu’à l’espérance, et abattu tout notre courage. « C’est, dit-il, afin que nous ne mettions pas notre confiance en nous-mêmes, mais en Dieu ».
3. Saint Paul tenait ce langage, non pas qu’il fût dans cette disposition : (loin de nous une telle pensée), mais tout en parlant de lui-même, il voulait instruire les autres ; c’était encore son humilité qui lui inspirait ce langage. Car plus loin, il dit : « J’ai senti l’aiguillon de la chair » (2Cor. 12,7), c’est-à-dire, les tentations, et cela, « de peur que je ne fusse enflé d’orgueil ». Dieu toutefois lui en donne une autre raison ; et laquelle ? C’est qu’il veut faire éclater sa puissance : « Ma grâce te suffit », lui dit-il ; « car ma puissance se montre tout entière dans la faiblesse ». Mais, comme je le disais, ce que Paul ne perd jamais de vue, c’est sa faiblesse : toujours il se range parmi ceux qui bien inférieurs à lui-même ont besoin de s’instruire et de se corriger. Ne suffit-il pas d’une ou deux épreuves pour ramener l’homme le plus vulgaire à de meilleurs sentiments ? Comment donc cet apôtre, qui toute sa vie s’est montré le plus humble des hommes, qui a enduré toutes les souffrances, qui fait preuve depuis tant d’années d’une sagesse toute céleste, aurait-il besoin