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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/212

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qui était réputé le fils d’un artisan, qui avait été élevé en Judée dans la maison d’une humble femme, qui n’avait point de gardes, point de fortune, qui était mort comme un criminel entre des voleurs, et avait souffert beaucoup d’autres ignominies, et que vraisemblablement ils en rougiraient, eux qui ne savaient encore rien des grands mystères voilà pourquoi il se sert de ce terme : « Je ne « rougis pas », leur apprenant en même temps à ne point rougir eux-mêmes : bien convaincu que s’ils en venaient là, ils ne tarderaient pas à aller plus loin et à se glorifier aussi. Si donc jamais vous entendez quelqu’un vous dire : Tu adores le Crucifié ? N’en rougissez pas, ne baissez pas les yeux, mais soyez-en glorieux et fier, et recevez le reproche, l’œil serein et le front haut. Et s’il vous répète encore : Tu adores le Crucifié ? Répondez-lui : Oui, et non un adultère, ni un parricide, ni un meurtrier de ses enfants, (car tels sont tous les dieux des païens) ; mais celui qui par sa croix a fermé la bouche aux démons et détruit leurs innombrables artifices. Car la croix est l’œuvre d’un ineffable amour pour nous, la preuve d’une immense tendresse. De plus, comme ils se vantaient de leur éloquence, et s’enorgueillissaient de la sagesse profane : pour moi, leur dit Paul, ayant dit un éternel adieu à tous les raisonnements, je viens prêcher la croix, et n’en rougis point. « Parce qu’il est la vertu de Dieu pour sauver ». Parce qu’il est aussi la vertu de Dieu pour punir (en effet, quand Dieu punissait les Égyptiens, il disait Voilà l’effet de ma grande puissance), et encore la vertu pour détruire, (car il est écrit « Craignez celui qui peut précipiter l’âme et le corps dans l’enfer »). (Mt. 10,28) C’est pourquoi Paul dit : Ce que j’apporte n’est point pour la punition ni pour le supplice, mais pour le salut.
Quoi donc ? L’Évangile n’annonçait-il pas aussi tout cela, l’enfer, les ténèbres extérieures, le ver empoisonneur ? Nous ne connaissons ces vérités que par l’Évangile. Pourquoi donc dit-il : « La vertu de Dieu pour sauver ? » Mais écoutez ce qui suit : « Pour sauver tout croyant, le Juif d’abord, et puis le Grec » ; non pas tout le monde, mais seulement ceux qui croient. Fussiez-vous Grec, coupable de toute espèce de crimes, Scythe, Barbare, un monstre sauvage, chargé d’un poids de mille iniquités ; dès l’instant que vous acceptez la doctrine de la croix et que vous êtes baptisé, tout est effacé. Mais pourquoi dit-il : « Le Juif d’abord et puis le Grec ? » D’où vient cette différence ? Il a pourtant dit souvent que la circoncision et l’incirconcision ne servent de rien ; pourquoi donc distingue-t-il ici et place-t-il le Juif avant le Grec ? Oui, pourquoi cela ? Car enfin pour être le premier, on ne reçoit pas une plus grande abondance de grâce : le même don est fait à l’un et à l’autre : le rang n’est ici qu’une simple affaire de préséance. L’avantage ne consiste donc pas dans une justice plus parfaite, mais dans l’honneur de la recevoir le premier. Lorsqu’on initie les catéchumènes à la lumière spirituelle, ils vont tous au baptême, mais non à la même heure : l’un est le premier, l’autre le second ; cependant le premier ne reçoit pas plus que le second, ni celui-ci que le suivant ; tous jouissent du même avantage. Ainsi ce mot de premier est seulement un terme honorifique et n’implique point une grâce plus abondante. Ensuite après avoir dit « Pour sauver », il relève encore le don, en faisant voir qu’il ne se borne pas au temps présent, mais s’étend au-delà : ce qu’il exprime par ces mots : « La justice de Dieu, en effet, y est révélée par la foi et pour la foi, ainsi qu’il est écrit : Le juste vivra de la foi (17) ». Donc celui qui est devenu juste ne vivra pas seulement dans le siècle présent, mais aussi dans le siècle à venir.
Ce n’est pas tout : l’apôtre fait encore allusion à autre chose, à l’éclat et à la splendeur de cette autre vie. Et comme on peut être sauvé avec déshonneur, (ainsi qu’il arrive à ceux que la clémence royale exempte du châtiment), pour qu’on ne soupçonne rien de pareil, il ajoute : « Et la justice », non pas la vôtre, mais celle de Dieu : laissant entrevoir l’abondance de cette justice et la facilité avec laquelle elle s’obtient, car ce n’est point par vos sueurs ni par vos travaux que vous l’obtenez, mais par un don d’en haut, sans y rien apporter de votre côté que de croire. Puis, comme il semblait incroyable qu’un adultère, un libertin, un profanateur de tombeaux, un magicien, non seulement fussent tout à coup exempts de punition, mais encore devinssent justes, et justes de la justice d’en haut, il prouve sa proposition par l’Ancien Testament. Et d’abord il ouvre en peu de mots, à qui sait voir, le vaste océan de l’histoire.