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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/211

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et de victoires, malgré la gloire de tant de consuls, il les place avec les barbares, et avec raison ; car où règne la noblesse de la foi, il n’y a plus ni barbare, ni grec, ni étranger, ni citoyen, mais tous sont élevés à la même dignité.
Voyez encore ici sa modestie. Il ne dit pas Pour vous instruire, pour vous catéchiser. Que dit-il donc ? « Pour obtenir quelque fruit », non pas des fruits simplement, mais « quelque fruit », restreignant en quelque sorte son rôle, comme plus haut quand il disait : « Pour vous communiquer quelque chose ». Puis, comme je l’ai déjà dit, il comprime leur orgueil, en ajoutant : « Comme parmi les autres nations » ; c’est-à-dire, je n’en serai pas moins zélé pour les autres, parce que vous êtes puissants et que vous l’emportez sur eux ; ce ne sont pas des puissants mais des fidèles que nous cherchons.
Où sont maintenant ces sages si réputés chez les Grecs, ces philosophes à longue barbe, portant manteau et si pleins d’eux-mêmes ? Un fabricant de tentes a converti la Grèce et toutes les contrées barbares. Et ce Platon, si vanté, si célébré chez eux, après s’être rendu trois fois en Sicile, avec un grand fracas de mots, malgré la haute estime qu’on avait de lui, n’a pas même triomphé d’un tyran ; bien plus, il a si mal réussi qu’il a perdu sa liberté. Et ce fabricant de tentes a parcouru, non seulement la Sicile, non seulement l’Italie, mais le monde entier ; et tout en prêchant il a continué son métier, cousu des peaux, présidé à son atelier ; et les personnages consulaires ne s’en sont point scandalisés, ce qui était juste. Car ce ne sont point les métiers ni les occupations, mais bien le mensonge et les doctrines controuvées qui rendent ordinairement les maîtres méprisables. Voilà pourquoi même les Athéniens se moquent des uns, tandis que l’autre attire l’attention des barbares, des simples et des ignorants. Car la doctrine est pour tous ; elle ne connaît ni distinction de dignité, ni prééminence nationale, ni rien de semblable ; elle n’a besoin que de foi et non de raisonnements. Ce qu’il faut donc surtout admirer en elle, ce n’est pas qu’elle soit utile et salutaire, mais facile, très-aisée et accessible à tout le monde : ce qui est proprement l’œuvre de la Providence de Dieu, mettant ses biens à la portée de tous. Car ce qu’il a fait pour le soleil, pour la lune, la terre, la mer et les autres parties de la nature, n’en distribuant rien de plus aux riches et aux sages, rien de moins aux pauvres, mais donnant à tous la part égale ; il l’a fait aussi pour la prédication, et d’une manière plus marquée encore parce que c’est une chose plus nécessaire. Aussi Paul répète-t-il souvent : « A toutes les nations ». Ensuite, pour leur faire voir qu’il ne leur accorde aucune faveur, mais qu’il accomplit l’ordre du Maître, et pour les rappeler à la reconnaissance due à celui qui est le Dieu de tous, il ajoute : « Je suis redevable aux Grecs et aux barbares, aux sages et aux simples » ; expression qu’il employait déjà en écrivant aux Corinthiens. Par là, il rapporte tout à Dieu. « Ainsi, autant qu’il est en moi, je suis prêt à vous évangéliser, vous aussi qui êtes à Rome (15) ».
6. O âme généreuse ! qui accepte une mission si pleine de périls, un voyage d’outremer, des tentations, des embûches, des séditions, (car en prêchant dans une si grande ville t dominée par l’impiété, il fallait s’attendre à d’innombrables épreuves : aussi y a-t-il fini sa vie, décapité par le tyran qui y régnait alors). Et cependant la prévision de tant de maux n’a nullement ralenti son zèle ; il est pressé, il souffre les douleurs de l’enfantement, il est plein d’ardeur. Aussi leur dit-il : « Autant qu’il est en moi, le suis prêt à vous évangéliser, vous aussi qui êtes à Rome. Car je ne rougis point de l’Évangile… (16) ». Que dites-vous, Paul ? Quand il faudrait dire : Je me félicite, je me glorifie, je suis fier, vous ne le dites pas ; vous vous contentez de cette expression bien plus faible : « Je ne rougis point », dont nous n’avons pas coutume de nous servir dans des cas aussi glorieux. Que dit-il donc ? Pourquoi tient-il ce langage, bien qu’il se glorifie de l’Évangile plus que de la possession du ciel ? ; Car il écrit aux Galates : « Pour moi, à Dieu ne plaise que je me glorifie, si ce n’est dans la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ ». (Gal. 6,14)
Pourquoi ne dit-il pas ici : Je me glorifie, mais « Je ne rougis pas ? » Les Romains étaient fort épris des choses de ce monde à cause de leurs richesses, de leur puissance, de leurs victoires, de leurs souverains qu’ils estimaient à l’égal des dieux, à qui même ils en donnaient le nom, jusque-là qu’ils les honoraient par des temples, des autels et des sacrifices. Comme c’était à des hommes ainsi enflés d’eux-mêmes que Paul devait prêcher Jésus, celui