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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/22

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pouvait lui être plus agréable. En effet, s’ils le font déjà pour le prochain, ils ne manqueront pas dans l’occasion de le faire pour eux-mêmes. De plus, il les forme à l’humilité et les pousse à s’enflammer d’une charité plus ardente. Ne leur dit-il pas, lui, ce grand apôtre, ne leur dit-il pas qu’il doit son salut à leurs prières, qu’elles lui ont valu le secours du ciel ? Quelle ne doit donc pas être l’humilité des simples fidèles ! N’oubliez pas non plus, quelle est l’efficacité de la prière. Sans doute Dieu se montre miséricordieux envers nous, et c’est à la divine miséricorde que Paul au commencement de cette épître attribue son salut : « Le Dieu des miséricordes », dit-il, « nous a délivrés ». Mais ici il proclame l’efficacité de la prière. L’homme qui devait dix mille talents vint se jeter aux pieds de son maître, et le maître eut pitié de lui : « Ému de pitié, il lui remit sa dette », dit l’Écriture ; ce fut à force d’instances, à force de persévérance, que la Chananéenne finit aussi par obtenir la guérison de sa fille : toutefois ce fut un effet de la miséricorde du Sauveur.
Ainsi donc, bien que Dieu manifeste envers nous sa miséricorde, nous devons recourir à la prière, si nous voulons nous en rendre dignes. Sans doute le secours de Dieu nous vient de sa miséricorde, mais il faut que Dieu nous en trouve dignes. On ne l’obtient pas sans motif, et tout en demeurant dans l’inaction : « J’aurai pitié », dit-il, « de celui dont j’aurai pitié ; et celui dont j’aurai pitié, éprouvera l’effet de ma miséricorde ». (Ex. 33,19) Voyez aussi ce que dit l’apôtre : « Avec le secours de vos prières ». Ce n’est pas uniquement à leurs prières qu’il attribue son salut, de peur d’enfler leurs âmes ; il leur attribue néanmoins une part dans les secours qu’il a reçus d’en haut, pour accroître leur ardeur et resserrer les liens de la charité fraternelle. C’est pourquoi il leur disait encore : « Il vous a accordé ma délivrance ». Dieu semble comme avoir honte de résister à une multitude qui n’a qu’un cœur et qu’une voix pour le prier. Aussi disait-il à son prophète : « Quoi ! ne pardonnerai-je pas à cette cité dans laquelle habitent plus de cent vingt mille hommes ». (Jon. 4,11)
N’allez pas croire pourtant que le grand nombre suffise pour émouvoir la bonté de Dieu : car le Seigneur dit aussi : « Israël fût-il aussi nombreux que les grains de sable de la mer, il n’y aura de sauvé que les restes de ce peuple ». (Is. 10,22) Comment se fait-il donc qu’il ait sauvé les Ninivites ? C’est que non seulement ils étaient nombreux, mais ils firent éclater leur vertu, ils firent tous pénitence, et renoncèrent à leurs désordres. En les sauvant le Seigneur disait : « Ils ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche ». N’est-il pas évident qu’ils avaient péché plus par ignorance que par malice ? Ne voyons-nous pas d’ailleurs qu’il suffit de quelques paroles pour les convertir ? Si la seule vue des cent vingt mille habitants de Ninive eût pu déterminer le Seigneur, pourquoi dès le principe ne leur eût-il point pardonné ? Pourquoi, demanderez-vous, ne disait-il pas au prophète : Ne pardonnerai-je pas à cette cité maintenant convertie, mais bien : « A cette cité qui renferme tant de milliers d’hommes ? » C’était afin de ne rien omettre : la conversion était en effet manifeste ; mais le prophète ne savait ni le nombre des Ninivites, ni leur ignorance. Dieu veut donc mettre tout en œuvre pour leur faire miséricorde : le nombre n’est pas inutile, quant au nombre se joint la vertu.
C’est encore ce que nous dit l’Écriture dans ce passage : « Sans cesse l’Église priait Dieu pour l’apôtre ». (Act. 12,15) Et voyez la puissance de ces prières ! Les portes de la prison étaient fermées, l’apôtre, chargé de chaînes et entouré de gardiens qui dormaient à ses côtés ; les prières des fidèles le délivrèrent et renversèrent tous les obstacles. – Le nombre, disions-nous, n’est pas inutile, si au nombre se joint la vertu ; mais il n’offre aucun avantage, si le vice y domine. Les Israélites, en effet, aussi nombreux, dit l’Écriture, que les grains de sable de la mer, périrent tous. Et au temps de Noé, les hommes n’étaient-ils pas innombrables ? Quel avantage retirèrent-ils de leur grand nombre ? C’est que le nombre seul ne peut rien : il n’est qu’un accessoire. Empressons-nous donc d’unir nos prières, prions les uns pour les autres, comme les premiers chrétiens priaient pour les apôtres. Ainsi nous accompli : sons le précepte du Seigneur, ainsi nous fortifions en nous la charité ; et ce mot de charité ne comprend-il pas tous les biens ? Montrons aussi plus d’empressement à rendre grâces. Si l’on remercie Dieu pour les dons faits au prochain, à plus forte raison le remerciera-t-on pour les