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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/228

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S’il n’en était ainsi, Dieu ferait acception de personnes, mais, avec plus de dignité : « Dieu ne fait point acception des personnes », c’est-à-dire, Dieu ne regarde point à la qualité des personnes, mais à la différence des choses. Il montre ensuite qu’entre le Juif et le Grec il n’y a de différence que dans la personne, et non dans la chose. Par conséquent il fallait dire : Ce n’est pas parce que l’un est Juif et l’autre Grec que le premier est honoré et le second méprisé ; mais les œuvres seules déterminent la différence. Cependant ce n’est pas ainsi qu’il parle ; il eût irrité le Juif ; mais il fait quelque chose de plus en abattant et comprimant leur orgueil, pour leur faire admettre sa proposition. Et comment cela ? La suite va nous le dire.
« Car quiconque a péché sans la loi, périra sans la loi ; et quiconque a péché sous la loi, sera jugé par la loi ». Ici, comme je le disais plus haut, non seulement il établit l’égalité entre le Juif et le Grec, mais il démontre que la concession de la loi aggrave beaucoup la condition du Juif, car le Grec est jugé sans la loi, et ce mot, « Sans la loi » indique une circonstance plutôt atténuante qu’aggravante, c’est-à-dire, n’a pas la loi pour l’accuser. Car c’est là le sens de cette expression, « Sans la loi » ; c’est-à-dire, il 'sera condamné en dehors de l’accusation légale, d’après les seules données de la nature. Mais le Juif sera jugé d’après la Loi : C’est-à-dire sur la double accusation de la nature et de la Loi ; et il sera puni d’autant plus sévèrement qu’il aura été l’objet de plus de soins.
5. Voyez-vous comme il fait sentir aux Juifs un plus grand besoin de recourir à la grâce ? Car comme ils prétendaient être justifiés par la Loi seule et n’avoir pas besoin de la grâce, il leur prouve qu’ils en ont plus besoin que les Grecs, puisqu’ils doivent être punis plus sévèrement. Ensuite il fait un autre raisonnement pour appuyer ce qu’il vient de dire : « Car ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi qui sont justes devant Dieu (13) ». Il a raison de dire « Devant Dieu » ; car ils peuvent paraître honorables devant les hommes, et beaucoup se vanter, tandis que devant Dieu c’est tout le contraire. « Mais ce sont les observateurs de la loi qui seront justifiés ». Voyez-vous avec quelle vigueur il retourne son raisonnement dans le sens opposé ? Si vous demandez, dit-il, à être sauvé par la loi, le Grec sera sauvé avant vous, lui qui paraît avoir, observé ce qui est écrit. Et comment, direz-vous, a-t-il pu observer sans avoir entendu ? Cela est possible, répond l’apôtre, et même plus encore, car non seulement on peut accomplir sans avoir entendu, mais on peut avoir entendu et ne pas accomplir ; ce qu’il exprime dans la suite plus clairement et plus énergiquement, en disant : « Toi qui instruis les autres, tu ne t’instruis pas toi-même ? » En attendant il prouve ici son premier point : « En effet lorsque les gentils, qui n’ont pas la loi, font naturellement ce qui est selon la loi ; n’ayant pas la loi, ils sont à eux-mêmes la loi (14) ».
Je ne rejette pas la loi, dit-il, mais par elle je justifie les gentils. Voyez-vous comment, en minant par la base la gloire du Judaïsme, il évite de donner prise à une accusation de mépris pour la loi, puisqu’il l’exalte au contraire, la glorifie, et prouve ainsi toute sa thèse ? Quand il dit : « Naturellement », il entend à l’aide des raisonnements naturels. Il leur fait voir qu’il y en a d’autres, meilleurs qu’eux, et, qui plus est, meilleurs précisément parce qu’ils n’ont pas reçu et ne possèdent point la loi, dont les Juifs semblent se prévaloir. Et voilà, ajoute-t-il, en quoi ils sont admirables ; c’est qu’ils n’ont pas eu besoin de loi et qu’ils ont néanmoins observé la loi, gravant dans leurs âmes, non des paroles, mais des œuvres. Car il dit : « Montrant l’œuvre de la loi écrite dans leurs œuvres, leur conscience leur rendant témoignage, et leurs pensées s’accusant et se défendant l’une l’autre, au jour où Dieu jugera par. Jésus-Christ, selon mon Évangile, ce qu’il y a de caché dans les hommes (15, 16) ».
Voyez-vous comme il rappelle encore ce jour et le rend en quelque sorte présent, jetant le trouble dans leur âme, et leur montrant que ceux-là seront surtout honorés qui auront fait sans la loi, les œuvres de la loi ? Il est juste de dire maintenant, ce qu’il y a de plus admirable dans la prudence de l’apôtre. Après avoir donné la preuve que le Grec l’emporte sur le Juif, il omet ce point dans le résumé et la conclusion de ses raisonnements, pour ne pas exaspérer les Juifs. Afin de rendre ma pensée plus claire, je rapporterai ses paroles mêmes. Car après avoir dit : « Ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi qui seront justifiés, mais ceux qui l’observent », il devait logiquement dire :