Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

« En effet, lorsque les gentils qui n’ont pas la loi font naturellement ce qui est selon la loi », ils valent mieux que ceux qui ont reçu l’enseignement de la loi. Il ne le dit pourtant pas ; mais il s’arrête à l’éloge des Grecs, et ne pousse pas plus loin la comparaison, afin de faire accepter son langage aux Juifs. Il ne dit donc point cela ; mais que dit-il ? « En effet lorsque les gentils qui n’ont pas la loi font naturellement ce qui est selon la loi ; n’ayant pas la loi, ils sont à eux-mêmes la loi ; montrant ainsi l’œuvre de la loi écrite dans leurs cœurs, leur conscience leur rendant témoignage ».
Ainsi la conscience et la raison tiennent lieu de la loi. Par là il fait voir encore que Dieu a donné à l’homme des forces suffisantes pour embrasser la vertu et fuir le vice. Et ne vous étonnez point s’il le prouve une fois, deux fois, bien des fois. Ce point était capital pour lui, à cause de ceux qui – disaient : Pourquoi le Christ est-il venu si tard ? Où était donc autrefois cette grande Providence ? Après avoir réfuté cette objection en passant, il montre que dans les anciens temps, même avant la concession de la loi, la nature humaine était l’objet de tous les soins de la Providence. Car « ce qui est connu de Dieu était manifeste en eux » ; ils savaient ce qui était bien, ce.. qui était mal, par quoi ils jugeaient les autres, et c’est ce qu’il leur reprochait en disant « En jugeant autrui, tu te condamnes toi-même ».
Quant aux Juifs, outre ce que nous avons dit, la raison et la conscience, ils avaient la loi. Mais pourquoi ces expressions : « S’accusant ou se défendant ? » S’ils ont la loi écrite dans leurs cœurs et qu’ils en fassent voir les œuvres, comment la raison peut-elle les accuser ? Mais ce n’est pas seulement à cela que s’applique le mot « Accusant », mais à la nature entière. Ici-bas nos raisonnements sont là, tantôt pour nous accuser, tantôt pour nous défendre, et devant cet autre tribunal, l’homme n’a pas besoin d’autre accusateur. Ensuite, pour augmenter la crainte, il ne dit pas : les péchés des hommes, mais : « Ce qu’il y a de caché dans les hommes ». Après avoir dit : « Penses-tu donc, ô homme qui juges ceux qui font ces choses et qui les fais toi-même, que tu échapperas au jugement de Dieu ? » Pour que vous ne subissiez point la sentence que vous portez vous-même, et que vous compreniez que celle de Dieu est bien plus juste que la vôtre, il ajoute : « Ce qu’il y a de caché dans les hommes », et encore : « Par Jésus-Christ, selon mon Évangile ». En effet, les hommes ne jugent que les apparences. Or, plus haut il ne parlait que du Père, mais après les avoir abattus par la crainte, il parle maintenant du Christ, non d’une manière simple, mais après avoir fait mention du Père ; et par là il relève la dignité de sa prédication. La prédication, dit-il, annonce ce que la nature avait déjà fait voir d’avance.
6. Voyez-vous avec quelle prudence il les attire et les attache au Christ et à l’Évangile et leur démontre que notre destinée ne se borne pas à la vie présente, mais qu’elle s’étend au delà ? C’est ce qu’il avait déjà indiqué plus haut, en disant : « Tu t’amasses un trésor de colère pour le jour de la colère », et tout à l’heure »encore : « Dieu juge ce qu’il y a de caché dans les hommes ». Que chacun donc descende dans sa conscience, recherche ses fautes et s’en demande à lui-même un compte sévère, afin de n’être pas condamné avec le monde. Car ce jugement sera terrible ; ce tribunal, effrayant ; ce compte, plein de terreur ; là couleront des torrents de feu. « Là où un frère ne rachètera pas, un homme rachètera-t-il ? » (Ps. 14) Rappelez-vous ce qui est dit dans l’Évangile : les anges volant çà et là, la salle des noces fermée, les flammes qui ne s’éteignent pas, les puissances qui entraînent dans la fournaise. Songez que si l’un de nous voyait son crime secret révélé dans cette église seulement, il aimerait mieux mourir et voir la terre s’entr’ouvrir sous ses pieds que d’avoir tant de témoins de sa faute. Qu’éprouverons-nous donc, quand tout sera manifesté à la face du monde entier, sur ce théâtre éclatant, resplendissant de lumière, sous les regards de tous, connus et inconnus ? O malheur ! de quoi donc suis-je forcé de vous épouvanter ? de l’opinion des hommes, quand vous devriez craindre Dieu et son redoutable arrêt ? que deviendrons-nous, dites-moi donc, quand, enchaînés, grinçant les dents, nous serons entraînés dans les ténèbres extérieures ? Et, ce qui est plus terrible encore, que ferons-nous, quand nous serons face à face avec Dieu ?
Pour quiconque a du sentiment et de la raison, c’est déjà un enfer que d’être privé de la vue de Dieu ; mais comme ce motif ne fait