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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/230

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pas d’impression sur l’homme, Dieu le menace du feu. Ce n’est pas le châtiment, mais la faute qui devrait nous causer de la douleur. Écoutez Paul gémissant et pleurant des péchés dont il ne devait pas être puni : « Je ne suis pas digne d’être appelé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église ». (1Cor. 15,9) Écoutez David qui, bien que dispensé du châtiment, appelle sur lui la vengeance parce qu’il croit avoir offensé Dieu : « Que votre main s’appesantisse sur moi et sur la maison de mon a père ». (2Sa. 24,17) Car il est plus malheureux d’offenser Dieu que d’en être puni. Mais maintenant nous sommes si misérables, que, sans la crainte de l’enfer, nous ferions à peine quelque chose de bien. Aussi, à part toute autre raison, nous mériterions déjà l’enfer pour l’avoir craint plutôt que le Christ. Il n’en était pas ainsi du bienheureux Paul ; c’était chez lui tout le contraire. Mais parce que nos dispositions sont différentes, nous sommes condamnés à l’enfer. Si nous aimions le Christ comme nous devrions l’aimer, nous saurions, qu’offenser son amour est un malheur plus horrible que l’enfer même ; mais comme nous ne l’aimons pas, nous ne comprenons pas l’étendue de ce supplice. Et voilà ce qui fait le principal sujet de mes gémissements et de mes larmes.
Pourtant que n’a pas fait Dieu, pour s’attirer notre amour ? Quel moyen n’a-t-il pas employé ? Qu’a-t-il négligé ? Et nous l’avons offensé, lui qui ne nous avait point fait de mal, qui nous avait même combles de bienfaits ; quand il nous appelait et nous invitait de toutes manières, nous nous sommes détournés ; il rie s’est point vengé pourtant, mais il est accouru, il a cherché à nous retenir, et nous nous sommes dégagés de ses mains pour courir au démon ; il ne s’est point découragé encore, il nous a envoyés des milliers de prophètes ; de messagers, de patriarches pour nous rappeler ; et non seulement nous ne les avons point accueillis, mais nous les avons injuriés. Malgré tout cela, il ne nous a point rejetés ; comme ces amants passionnés dont les mépris ne sauraient éteindre l’affection, il s’en allait çà et là, s’adressant à tous : au ciel, à la terre, à Jérémie, à Michée, non pour nous accuser, mais pour se justifier ; et par l’entremise des prophètes, il allait lui-même à ceux qui se détournaient, prêt à leur rendre compte, les priant d’entrer en pourparlers avec lui, et invitant à des entretiens ceux qui lui fermaient absolument l’oreille. « Mon peuple », lui disait-il, « que t’ai-je fait ? En quoi t’ai-je contristé ? réponds-moi ». (Mic. 6,3) Après tout cela, nous avons tué les prophètes, nous les avons lapidés, nous leur avons fait tous les maux possibles. Comment s’en est-il vengé ? Il ne nous a plus envoyé de prophètes, ni d’anges, ni de patriarches, mais son propre Fils ; son Fils est venu et a été mis à mort ; son amour, loin de s’éteindre, s’en est enflammé davantage ; même après la mort de son Fils, il persiste à nous inviter et ne néglige rien pour nous ramener à lui. Et Paul s’écrie : « Nous faisons les fonctions d’ambassadeurs pour le Christ, Dieu exhortant par notre bouche. Réconciliez-vous avec Dieu ». (2Cor. 5,20)
7. Mais rien de tout cela ne nous a réconciliés. Et il ne nous abandonne pas encore ; il insiste,'nous menace de l’enfer, nous promet son royaume, afin de nous attirer ; mais nous restons toujours insensibles. Qu’y a-t-il de pire que cette dureté ? Si un homme en avait autant fait, ne nous serions-nous pas mis cent fois à son service ? O lâcheté ! O ingratitude ! Nous vivons toujours dans le péché et dans le crime ; et si nous faisons quelque peu de bien, à l’exemple des serviteurs ingrats, nous l’examinons scrupuleusement, nous exigeons rigoureusement la récompense, s’il en mérite une. Et pourtant la récompense sera plus grande, si vous agissez sans espoir de récompense : car en parler, en tenir un compte exact, est le propre d’un mercenaire plutôt que d’un serviteur reconnaissant. Il faut tout faire pour le Christ, et non pour la récompense ; car c’est pour s’attirer notre amour, qu’il nous a menacés de l’enfer, qu’il nous a promis son royaume. Aimons-le donc, comme il faut l’aimer : car c’est là la grande récompense, le royaume, le plaisir, la volupté, la gloire, l’honneur, c’est là cette félicité infinie que la langue ne peut exprimer ni l’esprit comprendre. Mais je ne sais comment j’ai été entraîné à dire ces choses, à exhorter des hommes qui ne dédaignent ni le pouvoir, ni la gloire présente, à les mépriser cependant pour l’amour du Christ ; quoique, du reste, ces grands et généreux personnages aient porté l’amour jusque-là. Écoutez comme Pierre brûle de charité pour lui et le préfère à son âme, à sa vie, à tout ; et après qu’il l’eut renié, il pleura, non à cause du châtiment, mais