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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/233

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il procède par interrogation pour les faire rougir et dit : « Toi donc qui instruis les autres, tu ne t’instruis pas toi-même ? » D’autre part voyez encore la prudence de Paul ! Il rappelle ceux des privilèges des Juifs qui n’étaient point le résultat de leur zèle, mais des dons d’en haut, et fait voir que non seulement ils sont inutiles à ceux qui les négligent, mais qu’ils entraînent une aggravation dans le châtiment. Car ce n’est point à cause de leurs mérites qu’ils sont appelés Juifs, qu’ils ont reçu la loi, et tous, les autres bienfaits énumérés plus haut ; mais c’est un effet de la grâce divine. Dès l’abord il avait dit qu’il ne sert à rien d’avoir écouté la loi, si on ne la pratique : « Ce ne sont que ceux qui écoutent la loi qui sont justes devant Dieu ».
Maintenant allant beaucoup plus loin, il fait voir que non seulement l’audition, mais (ce qui est bien plus que l’auditions) l’enseignement même de la loi ne sert de rien au maître, s’il ne pratique ce qu’il enseigne ; que non seulement cet enseignement ne servira à rien, mais attirera un plus grand châtiment. Et il choisit à propos ses expressions, il ne dit pas : « Tu as reçu la loi, mais : « Tu te reposes sur la loi », car le Juif n’était point obligé de courir çà et là et de chercher ce qu1l avait à faire, il trouvait sans peine dans la loi le chemin qui conduit à la vertu. Si les Gentils ont le raisonnement naturel, par où ils l’emportent sur les Juifs ; puisqu’ils accomplissent tout sans avoir entendu aucun précepte positif, il n’en est pas moins vrai que ceux-ci ont plus de facilité. Si vous dites. Je n’écoute pas seulement, mais j’enseigne, vous ne faites qu’ajouter une raison de plus pour être puni. Et comme leur orgueil s’en gonflait, il leur montre qu’il n’en sont que ridicules. En effet, quand il dit : « Guide des aveugles, docteur des ignorants, maître des enfants », il fait allusion à leur orgueil, car ils abusaient étrangement de leurs prosélytes (c’était le nom qu’ils leur donnaient).
2. Aussi parle-t-il sous toutes les formes de ce qui semblait leurs gloires ; parce qu’il sait que ce sont autant de motifs de plus pour l’accusation. « Ayant la règle de la science et de la vérité dans la loi ». C’est comme si quelqu’un ayant l’image du roi n’en reproduisait aucun trait, tandis que ceux à qui elle n’aurait point été confiée la copieraient fidèlement, Après avoir rappelé les avantages qu’ils ont reçus de Dieu, il mentionne les vices que leur reprochaient les prophètes : « Toi qui instruis les autres, tu ne t’instruis pas toi-même ? toi qui prêches de ne point dérober, tu dérobes ? toi qui dis qu’il ne faut pas être adultère, tu es adultère ? toi qui as en horreur les idoles, tu commets le sacrilège ? » Il était sévèrement défendu de toucher à rien de ce qui appartenait aux idoles, comme étant abominable ; mais, dit l’apôtre, la tyrannie de l’avarice vous a fait fouler cette loi aux pieds. Ensuite il réserve pour la fin le reproche le plus grave, disant : « Toi qui te glorifies dans la loi, tu déshonores Dieu par la violation de la loi ? »
Il y a ici deux reproches, ou plutôt trois ils déshonorent, ils déshonorent par ce qui leur a été accordé à titre d’honneur, ils déshonorent celui qui les a honorés : ce qui est le comble de l’ingratitude. Et pour ne pas avoir l’air de faire ces reproches dé son chef, il cite le prophète qui les accuse ici en abrégé, sommairement et comme en gros, mais plus tard en détail ; ici encore Isaïe, puis ensuite David, après qu’il aura produit plusieurs réfutations. Pour preuve, leur dit-il, que ce n’est pas moi qui vous accuse, écoutez Isaïe : « À cause de vous le nom de Dieu est blasphémé parmi les nations ». (Is. 52,5) Voici encore deux autres accusations. Non seulement, dit-il, ils outragent Dieu, mais ils le font encore outrager par les autres. À quoi vous sert donc d’instruire, si vous ne vous instruisez pas vous-mêmes ? Plus haut il s’était contenté de dire cela, maintenant il le tourne dans le sens contraire ; car non seulement vous ne vous instruisez point vous-mêmes, mais vous n’apprenez pas aux autres ce qu’ils doivent faire, chose bien pire encore, non seulement vous ne leur apprenez pas la loi, mais vous leur enseignez tout le contraire, à blasphémer Dieu, ce qui est l’opposé de la loi.
Mais, direz – vous, la circoncision est une grande chose. J’en conviens, pourvu cependant qu’elle soit accompagnée dé la circoncision intérieure. Et voyez la prudence de Paul, avec quel à propos il amène la question de la circoncision. Il n’a point commencé par là, parce qu’on en avait une haute idée ; mais après leur avoir prouvé qu’ils ont péché en matière plus grave et qu’ils ont fait blasphémer Dieu ; assuré que l’auditeur les condamne et leur ayant ôté leur privilège, il