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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/244

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les voies à la foi. Car comme la loi rendait d’avance témoignage à la foi (il a dit plus haut : « Étant confirmée par le témoignage de la loi et des prophètes) » : ainsi la foi a raffermi la loi chancelante. Et comment, direz-vous, l’a-t-elle raffermie ? Quel était le but de la loi, et à quoi tendaient toutes ses prescriptions ? A rendre l’homme juste. Or, elle ne l’a pas pu : « Car », dit l’apôtre, « Tous ont péché ». Or la foi est venue et l’a pu ; puisqu’en croyant on devient juste. Donc elle a réalisé l’intention de la loi et atteint le but que celle-ci se proposait en tout. Elle ne l’a donc pas abrogée, mais complétée. Paul démontre ici trois choses : qu’on peut être justifié sans la loi, que la loi n’a pas pu justifier et que la foi n’est point en opposition avec la loi. Comme ce qui troublait le plus les Juifs était que la foi parût contraire à la loi, il prouve plus que le Juif ne demande, à savoir que la foi, loin de contrarier la loi, est son auxiliaire et sa coopératrice ; ce que le Juif désirait surtout entendre.
5. Mais puisque après cette grâce par laquelle nous avons été justifiés, il est nécessaire de bien vivre, montrons un zèle digne d’un si grand don, et nous le montrerons si nous cultivons avec soin la charité, source de tous les biens. Or ; la charité ne consiste pas simplement en paroles ni en salutations, mais en assistance et en œuvres. Comme soulager la pauvreté, secourir les malades, délivrer du danger, tendre la main à ceux qui sont dans l’embarras, pleurer avec ceux qui pleurent, se réjouir avec ceux qui se réjouissent : car ceci est encore l’effet de la charité ; bien qu’il semble que ce soit peu de chose de se réjouir avec ceux qui se réjouissent, c’est cependant quelque chose de grand et qui demande de la philosophie. Vous trouverez bien des gens capables de supporter des épreuves amères, et qui ici se montreront faibles ; beaucoup pleureront avec ceux qui pleurent, et ne sauront pas se réjouir avec ceux qui se réjouissent, s’attristeront même de la joie des autres : ce qui est proprement l’effet de la jalousie et de l’envie. Ce n’est donc pas un petit mérite de se réjouir avec un frère qui se réjouit ; il est même plus grand que l’autre. Plus grand non seulement que celui de pleurer avec ceux qui pleurent, mais même que de tendre la main à celui qui est dans le péril.
Beaucoup en effet partageront le danger avec ceux qui y sont, qui souffriront de la prospérité d’autrui : tant l’envie est tyrannique ! Pourtant l’un exige de la peine et de la fatigue, tandis que l’autre est un simple effet de la volonté et du bon désir. Mais beaucoup supportent ce qui est plus pénible et faiblissent devant ce qui est plus facile, sèchent même de dépit et se consument lorsqu’ils en voient d’autres s’attirer la considération publique et servir l’Église par la prédication ou autrement. Y a-t-il quelque chose de pire ? Ici ce n’est pas seulement à un frère, mais à la volonté de Dieu qu’on s’en prend. Songez-y bien et guérissez-vous de cette maladie, sinon par égard pour le prochain, au moins pour vous délivrer de maux sans nombre. Pourquoi introduire la guerre dans votre esprit ? Pourquoi remplir votre âme de trouble ? Pourquoi soulever des tempêtes ? Pourquoi tout bouleverser de fond en comble ? Comment, avec de telles dispositions, obtenir le pardon de vos péchés ? Car si Dieu ne remet point les péchés à ceux qui ne pardonnent pas les offenses qu’on leur a faites, comment vous les remettra-t-il à vous qui cherchez à nuire à ceux qui ne vous ont point fait de mal ? En effet, c’est là le comble de la méchanceté : de tels hommes combattent contre l’Église avec le démon. Peut-être font-ils bien pis encore : car il est possible de se garantir du démon, tandis qu’eux, prenant le masque de l’amitié, mettent en secret le feu au bûcher, se jettent les premiers dans la fournaise et sont atteints d’une maladie qui non seulement ne saurait être prise en pitié, mais ne peut exciter que le mépris.
Car pourquoi, je vous prie, êtes-vous pâle, tremblant, saisi de crainte ? quel malheur vous est donc arrivé ? Votre frère est devenu illustre, éclatant, glorieux ? Il fallait mettre une couronne, vous réjouir, et rendre grâces à Dieu de ce qu’un membre de la famille avait acquis tant de lustre et de célébrité ; et vous vous affligez de ce que Dieu est glorifié ! Voyez-vous où tend cette guerre ? Mais, dites-vous, ce n’est pas de la gloire de Dieu, mais de celle d’un frère que je m’afflige. Mais, par ce frère, la gloire remonte à Dieu ; c’est donc à Dieu que vous déclarez la guerre. Ce n’est point 1à, dites-vous encore, ce qui me fait de la peine seulement c’est par moi que je voudrais voir Dieu glorifié. Alors réjouissez-vous du bonheur de votre frère, et Dieu sera glorifié par vous, et tous diront : Béni soit le Maître qui a