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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/247

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n’ayant plus ce qu’on nous avait confié parce que nous ne l’avons pas remis au meilleur des gardiens. Voilà ce qui nous attirera le dernier châtiment. Que pourrons-nous répondre, quand on nous accusera de nous être perdus nous-mêmes ? Quelle excuse présenterons-nous ? Quelle justification ? Pourquoi n’avoir pas donné ? Vous n’êtes pas sûr de recouvrer ? Est-ce raisonnable ? Celui qui donne à qui n’a rien donné, ne peut-il pas à plus forte raison rendre à qui lui a donné ?
Mais vous jouissez de la vue de votre argent. Raison de plus pour le donner, afin d’en jouir davantage, là où personne, ne pourra plus vous l’enlever tandis qu’en le gardant maintenant, vous êtes exposé à mille dangers. Le démon, semblable à un chien, s’élance contre les riches, comme s’il voulait arracher un gâteau de la main d’un enfant. Donnons donc au Père. Quand le démon verra cela, il prendra aussitôt la fuite : et dès qu’il sera retiré, le Père vous donnera tout en sécurité, puisque le démon ne peut plus mettre le trouble dans le siècle à venir. Les riches sont absolument comme les petits enfants incommodés par les chiens : tout le monde aboie autour d’eux, les déchire, les tiraille, et non seulement les hommes, mais encore les passions ignobles, la gourmandise, l’ivrognerie, la flatterie, tous les genres de débauche. Quand nous voulons prêtera intérêt, nous recherchons soigneusement ceux qui donneront le plus et se montreront reconnaissants. Ici nous faisons tout le contraire : nous laissons de côté Dieu qui est plein de reconnaissance, qui ne donne pas seulement le douze, mais le cent pour cent, pour recourir à des gens qui ne nous rendront pas même le capital.
8. Que nous rendra en effet notre ventre, quand il aura consommé la plus grande partie de nos biens ? Du fumier, de l’ordure. Que nous rendra la vaine gloire ? De l’envie et de la jalousie. Que nous rendra la parcimonie ? Le souci et l’inquiétude : Que nous rendra la débauche ? L’enfer et le ver empoisonneur. Car voilà les débiteurs des riches et voilà les intérêts qu’ils rendront pour le capital : les maux présents et les maux à venir. Est-ce à eux que nous prêterons, je vous le demande, au prix d’un tel châtiment ? Et nous ne confierons rien au Christ qui nous offre le ciel, la vie immortelle, des biens ineffables ? Quelle sera notre excuse ? Pourquoi ne donnez-vous pas à celui qui rendra tout et avec usure ? C’est peut-être parce qu’il ne rendra que dans longtemps ? Mais il rend déjà en cette vie ; car il ne ment pas celui qui a dit : « Cherchez le royaume de Dieu, et toutes ces choses vous seront données par surcroît ». (Mt. 7,33) Voyez-vous cet excès de libéralité ? Les biens à venir vous sont réservés, nous dit-il, et ne diminueront point ; et je vous donne encore ceux d’ici-bas par addition et par surcroît, de plus ce long délai augmente la somme de vos richesses : car l’intérêt se multiplie. Nous voyons les prêteurs d’argent se conduire ainsi ils préfèrent ceux qui empruntent à long terme. En effet celui gui rembourse immédiatement, intercepte le cours de l’intérêt tandis que celui qui conserve longtemps le capital, grossit le profit.
Ainsi à l’égard des hommes nous supportons les délais, nous prenons même à tâche de les prolonger ; et avec Dieu nous sommes pusillanimes jusqu’à être insouciants, jusqu’à tergiverser ? Et pourtant, comme je l’ai dit, il nous rend déjà ici-bas, puis nous réserve encore, dans l’autre vie, le tout et quelque chose de plus, pour la raison que j’ai donnée. En effet, la grandeur et la beauté, du don surpasse de beaucoup cette pauvre vie terrestre. Car il n’est pas possible de recevoir, dans un corps corruptible et mortel, les couronnes que rien ne saurait flétrir, ni de posséder ce repos immuable, imperturbable, dans la vie présente si pleine de trouble, de tumulte, et sujette à tant de changements. Si un débiteur s’engageait à vous rembourser sur la terre étrangère, là où vous n’auriez point de domestique ni aucun moyen de transport pour votre pays, vous le prieriez instamment de vous payer à votre retour chez vous, et non sur la terre étrangère ; et vous voudriez recevoir ici les biens spirituels, des trésors infinis ? Quelle est donc votre folie ? Si on vous paye ici-bas, ce ne sera qu’en choses corruptibles ; mais si vous attendez le temps convenable, vous recevrez des biens incorruptibles et sans mélange. Ici-bas vous recevrez du plomb, et là, de l’or éprouvé. De plus Dieu ne vous prive pas des biens présents. Car à la promesse des biens à venir, il en a ajouté une autre, en disant : Quiconque aime les choses célestes, recevra le centuple en ce monde et possédera la vie éternelle. (Mt. 19,29)
Si donc nous ne recevons pas le centuple,