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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/250

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que par les œuvres. Comme le salut accompagné de déshonneur pourrait être un sujet de tristesse, il veut en éloigner jusqu’au soupçon : ce qu’il avait d’ailleurs déjà insinué quand il l’appelait, non seulement salut, mais justice : « La justice de Dieu », disait-il ; « y est en effet révélée », Car celui qui est sauvé de la sorte, est assuré de son salut en qualité de juste. Il l’appelle non seulement justice, mais manifestation de Dieu : car Dieu se manifeste dans les choses glorieuses, éclatantes, magnifiques. Du reste, la preuve est dans ce qu’il vient de dire et il continue par forme d’interrogation, comme il a coutume de faire pour plus de clarté, et pour montrer qu’il parle avec assurance. C’est ce qu’il a déjà fait plus haut en disant : « Qu’est-ce donc que le Juif a de plus ? » Et encore : « Qu’avons-nous de plus ? » Puis : « Où est le sujet de ta gloire ? Il est exclu » ; enfin ici : « Quel avantage dirons-nous qu’Abraham, notre père a eu ? » Comme les Juifs ne cessaient de répéter à tout propos que le patriarche et l’ami de Dieu avait reçu le, premier la circoncision, il veut leur prouver qu’Abraham lui-même a été justifié par la foi ; argument victorieux et triomphant. En effet que celui Oui n’a pas les œuvres soit justifié par la foi, cela n’a rien d’invraisemblable ; mais que celui qui a excellé dans les œuvres ne soit pas justifié par elles, mais seulement par la foi, voilà ce qui est étonnant et ce qui montre la puissance de la foi. Aussi laissant de côté tous les autres, s’attache-t-il à celui-ci. Il l’appelle « Père selon la chair ». Pour exclure les Juifs d’une autre parenté plus haute et pour faire espérer aux gentils de devenir ses enfants selon la foi, il dit : « Car si Abraham a été justifié par les œuvres, il a de quoi se glorifier ».

Après avoir donc affirmé que Dieu justifie la circoncision par la foi, aussi bien que l’incirconcision, et l’avoir suffisamment prouvé dans ce qui précède, au moyen d’Abraham ; il pousse sa démonstration plus loin qu’il ne l’avait promis, met la foi aux prises avec les œuvres et concentre toute la bataille sur le juste lui-même, et non sans raison. Voilà pourquoi il l’entoure de respect, en l’appelant père, et leur imposant la nécessité de l’imiter en tout : Ne me parlez pas d’un Juif, leur dit-il ne me nommez ni un tel, ni un tel ; moi, je remonte au sommet au point où la circoncision a pris naissance : « Si Abraham a été justifié par les œuvres, il a de quoi se glorifier, mais non devant Dieu ». Ces paroles sont obscures ; et il est besoin de les éclaircir. Il y a deux manières de se glorifier : ou par les œuvres ou par la foi. En disant : « S’il a été justifié par les œuvres, il a de quoi se « glorifier, mais non devant Dieu », il indique qu’Abraham attrait pu aussi se glorifier de la foi, et à bien plus juste titre. C’est ici surtout que Paul montre sa force, en ce qu’il retourne, le sujet en sens contraire, et fait voir que les avantages attachés au salut par les œuvres, à savoir le droit de se glorifier et d’agir avec sécurité, le salut par la foi les revendique à bien plus forte raison. En effet, celui qui se glorifie dans les œuvres, peut présenter ses travaux personnels ; mais celui qui se glorifie de croire à Dieu, a de meilleurs motifs de se féliciter ; puisque c’est le Seigneur qu’il honore et qu’il glorifie. Apprenant par la foi en Dieu ce que ne lui enseignait pas la nature visible, il fait, preuve d’un véritable amour pour lui et a proclamé solennellement sa puissance. Or c’est là le propre d’une âme très-généreuse, d’une intelligence sage et d’un esprit élevé : Ne pas tuer, ne pas voler, c’est chose vulgaire ; mais croire que Dieu peut l’impossible, est le fait d’une âme magnanime et parfaitement disposée à son égard ; et là est le cachet du véritable amour. Sans doute celui qui accomplit les commandements honore Dieu ; mais celui qui a la sagesse de la foi l’honore beaucoup plus ; le premier, lui obéit, mais le second a de lui une idée convenable et lui prouve, mieux que par les œuvres qu’il l’honore et l’admire. Dans le premier cas on se glorifie du bien que l’on a fait, dans le second on glorifie, Dieu lui-même, à qui alors tout appartient ; car on se glorifie de concevoir de lui de hautes idées, ce qui tourne entièrement à sa gloire. Voilà pourquoi Paul dit qu’Abraham se glorifiait, devant Dieu, et pour une autre raison encore, outre celle-là. En effet le croyant ne se glorifie pas seulement d’aimer Dieu véritablement, mais aussi d’en être grandement aimé et honoré. Car comme en concevant de lui des idées sublimes, il lui donne une preuve, d’amour, puisque c’est ainsi que l’amour se prouve ; de même Dieu l’aime à son tour, quoique mille fois coupable ; et non content de le dispenser du châtiment, il le fait encore juste. Le croyant peut donc se glorifier, comme étant l’objet d’un grand amour : « En