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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/276

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une beauté étrangère, votre œil devient un instrument d’iniquité, non par une opération qui lui soit propre (car l’œil est fait pour voir, et non pour voir diane manière criminelle), mais par la malice de la pensée qui lui commande ; si vous le retenez au contraire, il devient un instrument de justice. Ainsi en est-il de la langue, ainsi des mains et de tous les autres organes. C’est avec raison que l’apôtre appelle le péché, injustice ; car celui qui pèche est injuste envers lui-même ou envers le prochain, et plus encore envers lui-même qu’envers le prochain. Puis nous ramenant du vice à la vertu, il nous dit : « Mais offrez-vous à Dieu, comme devenus vivants, de morts que vous étiez ». Voyez comme il emploie les termes simples pour exhorter, nommant là, le péché, ici Dieu. Après avoir montré la distance qui sépare ces deux souverains, il déclare indigne de tout pardon le soldat qui abandonne Dieu et désire être assujetti à l’empire du péché. Non content de cette preuve, il en donne encore une autre dans les paroles suivantes : « Comme devenus vivants, de morts que vous étiez ». Par là il fait voir le tort causé par le péché et la grandeur du don de Dieu. Songez, leur dit-il, à ce que vous étiez et à ce que volts êtes devenus. Qu’étiez-vous ? Morts, irrémédiablement perdus : car personne ne pouvait vous venir en aide. Et de morts que vous étiez, qu’êtes-vous devenus ? Vivants d’une vie immortelle. Et par qui ? Par Dieu qui peut tout. Il est donc juste que vous vous mettiez à ses ordres avec toute l’ardeur qu’on peut attendre de morts redevenus vivants. « Et vos membres à Dieu comme des instruments de justice ». Le corps n’est donc pas mauvais, puisqu’il peut devenir un instrument de justice. Il emploie le mot d’instrument (d’arme) pour indiquer qu’il s’agit d’une guerre terrible. Aussi avons-nous besoin d’une forte armure, d’une volonté généreuse parfaitement au courant de ce genre de combat, et surtout d’un chef. Or le chef est là, toujours prêt à nous seconder, à l’abri lui-même de toute atteinte ; et il nous a préparé des armes puissantes ; mais il est besoin d’une volonté qui sache les manier convenablement, obéir au chef et combattre pour la patrie.
Après nous avoir exhorté à de si grandes choses, nous avoir parlé d’armes, de combat et de guerre, voyez comme il encourage encore le soldat et excite son ardeur, en disant : « Car le péché ne vous dominera plus, parce « que vous n’êtes plus sous la loi, mais sous la grâce (14) ». Or, si le péché ne doit plus nous dominer, pourquoi donc nous faire tant de recommandation et nous dire : « Que le péché ne règne plus dans votre corps mortel » ; et encore : « N’abandonnez point vos membres au péché comme des instruments d’iniquité ? » Que signifie ce qu’il vient de dire ? Ici il répand pour ainsi dire sa parole comme une semence ; il l’expliquera plus tard et l’appuiera de preuves nombreuses. Que dit-il donc ? Avant la venue du Christ, notre corps tombait facilement sous le joug du péché. À la suite de la mort, un essaim de passions s’y était introduit ; en sorte qu’il était peu apte à entrer dans la carrière de la vertu. L’Esprit n’était point encore là pour lui prêter secours, ni le baptême pour le mortifier ; mais comme un cheval impatient du frein, il courait et s’égarait souvent ; bien que la loi indiquât ce qu’il fallait faire et ce qu’il fallait éviter, elle n’aidait guère qu’en paroles ceux qui soutenaient la lutte. Mais depuis que le Christ a paru, le combat est devenu plus facile ? Toutefois le secours étant plus abondant, les luttes proposées sont plus importantes. Aussi le Christ nous dit-il : « Si votre justice n’est plus abondante que celle des Scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux ». (Mt. 5,20) Mais l’apôtre s’explique là-dessus plus clairement dans la suite ; en attendant il y fait ici allusion en peu de mots, en montrant que le péché ne saurait nous vaincre, à moins que nous ne nous abandonnions entièrement nous-mêmes. Car nous ne sommes plus seulement sous l’empire de la loi, mais sous celui de la grâce, laquelle remet le passé et fortifie pour l’avenir. La loi ne promettait la couronne qu’après le travail ; la grâce couronne d’abord, puis mène au combat : Ici l’apôtre ne me semble pas faire allusion à la vie entière du fidèle, mais seulement établir la différence entre le baptême et la loi ; ce qu’il exprime ailleurs en ces termes : « Or la lettre tue, tandis que l’Esprit vivifie ». (2Cor. 3,6) Car la loi prouve la prévarication, mais la grâce l’efface. La loi donne lieu au péché en le condamnant, la grâce en le pardonnant, le détruit ; en sorte que vous êtes doublement dégagé de ce joug tyrannique, en ce que vous n’êtes plus assujetti à la loi et que vous jouissez de la grâce.