Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/275

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

erreur. « Faisons le mal pour qu’il en arrive du bien » ; et encore : « Nous persévérerons dans le péché pour que la grâce abonde ». Son but ici est donc de détruire radicalement cette opinion. « S’il vit », dit-il, « il vit pour Dieu » : c’est-à-dire, il est indissolublement uni à la vie, en sorte que la mort ne peut plus exercer sur lui son empire. Car si, quoique innocent, il est mort une première fois pour les péchés d’autrui, à bien plus forte raison ne mourra-t-il plus, puisqu’il a détruit le péché. C’est ce que dit encore l’apôtre dans son épître aux Hébreux : « Car il a paru une seule fois à la consommation des siècles, pour détruire le péché, en se faisant lui-même victime. Et comme il est décrété que tous les hommes doivent mourir une fois, le Christ offert une fois pour effacer les péchés d’un grand nombre, apparaîtra une seconde fois, sans avoir plus rien du péché, aux yeux de ceux qui l’attendent pour leur salut ». (Héb. 9,26-28) Il montre tout à la fois la valeur d’une vie selon Dieu, et, la puissance du péché : la valeur d’une vie selon Dieu, en ce qu’elle n’est plus sujette à la mort ; la puissance du péché, puisque, s’il a pu faire mourir celui qui était innocent, comment ne perdrait-il pas les coupables ? Ensuite, comme il a parlé de la vie du Christ, de peur qu’on ne dise ; Que nous importe ce qu’on dit la ? Il ajoute : « Ainsi pour vous, estimez que vous êtes morts au péché, mais vivants à Dieu dans le Christ Jésus Notre-Seigneur ». Il a raison de dire : « Estimez », parce qu’il n’est pas encore possible de rendre ce qu’il vient de dire, visible aux yeux. Et qu’estimerons-nous, demande-t-il ? Que « Nous sommes morts au péché, mais vivants à Dieu dans le Christ Jésus Notre-Seigneur ». En effet celui qui vit de la sorte, possédera toutes les vertus ; ayant Jésus pour auxiliaire dans le combat : c’est le sens de ces mots « dans le Christ ». Si en effet le Christ nous a ressuscités quand nous étions morts, à plus forte raison pourra-t-il nous conserver en vie.
« Que le péché donc ne règne point dans a votre corps mortel, en sorte que vous obéissiez à ses convoitises (11, 12) ». Il ne dit pas : Que la chair ne vive pas, qu’elle n’agisse pas ; mais : « Que le péché ne règne pas » ; car le Christ n’est pas venu détruire la nature, mais régler la volonté. Ensuite pour montrer que ce n’est point nécessairement ni par force, mais volontairement, que nous sommes esclaves du péché, il ne dit pas : Que le péché ne vous tyrannise point, ce qui emporterait l’idée de la violence, mais « qu’il ne règne « point ». En effet il est absurde d’avoir le péché pour roi, quand on est destiné au royaume du ciel, de préférer l’esclavage du péché, quand on est appelé à régner avec le Christ ; c’est comme si un roi, jetant bas son diadème, se faisait l’esclave d’une femme furieuse, mendiante et couverte de haillons. Ensuite comme il est difficile de vaincre le péché, voyez comme il s’efforce de faire disparaître cette difficulté et d’adoucir la peine, en disant : « Dans votre corps mortel ». Ce mot indique en effet que les combats sont passagers et auront bientôt leur fin ; et en même temps, il nous rappelle les maux passés, et la racine de la mort : car c’est par le péché que le corps est devenu mortel dès le commencement. Mais il est possible de ne point pécher, même quand on a un corps mortel. Voyez-vous comme la grâce du Christ est puissante ? Adam, avec un corps qui n’était pas encore mortel, a failli ; et vous qui avez reçu un corps mortel, vous pouvez, être couronné. Mais comment, direz-vous, le péché règne-t-il ? Ce n’est point par sa propre vertu, mais par l’effet de votre lâcheté. Aussi, après avoir dit : « Qu’il ne règne point », Paul nous fait-il voir en quoi consiste cette royauté, quand il ajoute « En sorte que vous obéissiez à ses convoitises ». Car ce n’est point un honneur de tout céder au corps librement ; c’est au contraire le dernier degré de l’esclavage et du déshonneur. En effet, quand il fait ce qu’il veut, il perd toute liberté ; lorsqu’on le contient, il conserve sa dignité propre : « N’abandonnez point vos membres au péché, comme des instruments d’iniquité, mais comme des instruments de justice (13) ».
3. Le corps est donc mitoyen entre le vice et la vertu, comme les armes elles-mêmes ; il peut faire les œuvres de l’un ou de l’autre, au gré de celui qui l’emploie. C’est ainsi que le soldat qui combat pour la patrie et le voleur qui attaque les habitants d’une maison, usent des mêmes armes : ce n’est pas la faute des armes elles-mêmes, mais de ceux qui en font un mauvais usage. C’est ce qu’on voit aussi dans la chair, qui devient ceci ou cela, selon la volonté de l’âme, et non par sa propre nature. Si vous considérez avec trop de curiosité