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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/287

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Quelle est donc cette solution ? Certainement, dit-il, elle n’est point péché. – « Car je ne connaîtrais pas la concupiscence sans la loi ». Voyez cette grande sagesse. Il établit par objection ce que la loi n’est pas, afin que l’objection étant détruite, et cela pour faire plaisir au Juif, il le détermine à admettre un point moins important. Quel est ce point moins important ? Celui-ci : « Je ne connaîtrais point le péché sans la loi. Je ne connaîtrais pas la concupiscence », dit-il ; « si la loi n’eût dit : Tu ne convoiteras pas ». Voyez-vous comme il dit peu à peu, non seulement que la loi accusait le péché, mais qu’elle le préparait insensiblement ? Du reste, il démontre que ce n’était point par sa faute, mais à cause de l’ingratitude des Juifs. Il avait aussi en vue de fermer la bouche aux Manichéens qui accusaient la loi. Car après avoir dit : « Je ne connaîtrais pas le péché saris la loi, et je ne connaîtrais pas la concupiscence, si la loi a n’eût dit : Tu ne convoiteras pas », il ajoute : « Prenant occasion du commandement, le péché a opéré en moi toute concupiscence (7, 8) ».
5. Voyez-vous comme il dégage la loi de tout reproche ? « Prenant occasion », dit-il, « le péché », et non la loi a augmenté la concupiscence, et le contraire de ce que voulait la loi est arrivé : ce qui était l’effet de sa faiblesse et non de sa malice. Car quand nous désirons quelque chose et que nous rencontrons un obstacle, la flamme du désir s’accroît ; mais ce n’était point la faute de la loi : car elle empêchait que vous ne fussiez entraîné, mais le péché, c’est-à-dire ; votre lâcheté et votre mauvaise volonté ont tourné ; le bien en mal. Il ne faut point accuser le médecin, mais le malade qui ne sait point user du remède. Dieu n’a point donné la loi pour allumer la concupiscence, mais pour l’éteindre, et le contraire est arrivé ; mais c’est nous, et non pas lui, qu’il faut en accuser. En effet, si quelqu’un refusait de donner à un fiévreux la boisson froide qu’il désire mal à propos, et augmentait ainsi sa funeste ardeur, on ne pourrait raisonnablement l’en blâmer ; car le devoir du médecin est de défendre et celui du malade de s’abstenir. Et que dire si le péché a pris occasion de la loi ? Beaucoup de gens multiplient leurs iniquités à l’occasion de bons commandements ; puisque le démon à perdu Judas, en lui inspirant l’amour des richesses et lui faisant voler l’argent des pauvres ; non par la faute de la bourse qui lui était confiée, mais par l’effet de sa mauvaise volonté. Et Eve en engageant Adam à manger du fruit de l’arbre, l’a chassé du paradis ; mais l’arbre n’en fut point la cause, bien qu’il en ait été l’occasion.
Si Paul parle de la loi avec quelque vivacité, ne vous en étonnez pas ; il insiste toujours sur le point le plus urgent, sans donner prise à ceux qui ont une opinion différente, mais s’attachant soigneusement à éclaircir la question présente. Ne pesez donc point ses paroles trop minutieusement ; mais rappelez-vous le motif qui le fait parler ; songez à la manie des Juifs et à leur constante obstination à discuter, qu’il s’efforce de détruire. Il semble ici jeter feu et flamme contré la loi, non pour la calomnier, mais pour triompher de leur pertinacité[1]. Si, en effet, il faut faire un crime à la loi de ce qu’elle a été l’occasion du péché, on en pourra dire autant du Nouveau Testament. Il renferme un grand nombre de lois sur beaucoup de sujets, et sur des sujets plus importants ; et pourtant on verra le même résultat que sous l’ancienne loi, non seulement en ce qui regarde la concupiscence, mais pour tous les vices. « Si je n’étais pas venu », dit Jésus-Christ, « et que je ne leur eusse point parlé, ils n’auraient point de péché ». (Jn. 15,22) Donc le péché a pris de là occasion, et, par suite, le châtiment est devenu plus grand. Paul parlant de la grâce, dit encore « Combien donc pensez-vous que mérite de plus affreux supplices, ce lui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu ? » (Héb. 10,29) Donc un, plus sévère châtiment a pris de là occasion, à raison d’un plus grand bienfait. Et il déclare les Gentils inexcusables, parce que, honorés du don de la raison, témoins de la beauté de la création et pouvant par là être attirés au Créateur, ils n’ont point usé, convenablement de la sagesse de Dieu. Voyez comment partout les méchants prennent occasion des meilleures choses pour s’exposer à de plus grands supplices. Certes, nous n’accuserons pas pour cela les bienfaits – de Dieu, nous les en admirerons au contraire davantage ; mais nous incriminerons la volonté de ceux qui tournent le bien en mal. Agissons eu ami avec la loi. Cela est facile ; mais voici la difficulté : Comment Paul a-t-il dit : « Je ne connaîtrais pas la concupiscence, si la loi n’eût dit : Tu ne convoiteras point ? »

  1. Mot qui veut persévérance