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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/286

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savoir 1e péché, ne nous retiens, plus désormais. Toutefois ne vous laissez pas tomber, ne vous relâchez pas : vous avez été affranchis pour reprendre du service, quoique d’une manière différente : « Afin que nous servions dans la nouveauté de l’esprit, et non dans la vétusté de la lettre ». Que dit-il là ? Il est nécessaire de l’expliquer dès ce moment, pour que nous ne nous troublions pas quand nous tomberons sur ce passage. Lorsque Adam eut péché, nous dit l’apôtre, son corps devint mortel et passible, il subit bien des pertes dans sa nature, le cheval devint plus lourd et difficile à manier ; mais quand le Christ est venu, il l’a rendu plus, léger par le baptême en lui donnant les ailes de l’esprit.
4. La carrière n’est donc plus la même pour nous que pour ceux qui vivaient autrefois, parce que la course n’était pas alors aussi facile. Aussi le Christ ne se contente-t-il plus d’exiger de nous, comme des anciens, que nous ne commettions pas le meurtre, mais que nous ne nous laissions point aller à la colère ; il ne nous ordonne pas seulement d’éviter l’adultère, mais même de nous abstenir d’un regard impudique ; il ne veut pas seulement qu’on ne se parjure point, mais il défend même de jurer ; il ordonne d’aimer ses ennemis comme ses amis ; pour tout enfin, il a étendu le stade devant nous ; et si nous n’obéissons pas, il nous, menace de l’enfer, nous faisant voir par là que ce n’est point ici une affaire de surérogation qui dépende de la bonne volonté des combattants ; comme par exemple la virginité et le détachement absolu, mais qu’il s’agit d’obligations absolument indispensables. En effet elles sont du nombre des choses nécessaires et urgentes, et celui qui ne les accomplit pas, sera puni du dernier supplice. Aussi le Christ disait-il : « Si votre justice n’est plus abondante que celle des Scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux ». (Mt. 5,20) Or celui qui n’entre pas dans ce royaume, : tombera certainement dans l’enfer. C’est pourquoi Paul disait : « Le péché ne domine plus sur vous ; car vous n’êtes plus sous la loi, mais sous la grâce » ; et ici encore : « Afin que nous servions dans la nouveauté de l’esprit, et non dans la vétusté de la loi ». La lettre, c’est-à-dire la loi ancienne, ne condamne plus, mais l’esprit aide. Voilà pourquoi si quelqu’un pratiquait la virginité chez les anciens, cela passait pour un prodige ; maintenant c’est chose commune dans tout l’univers ; alors, ceux qui méprisaient la mort étaient en très-petit nombre ; aujourd’hui le nombre des martyrs est infini dans les villages comme dans les villes, et non seulement parmi les hommes, mais aussi parmi les femmes.
Après avoir dit cela, il réfute une objection qui se présentait de nouveau, et se sert de la solution pour prouver sa thèse. Aussi ne donne-t-il pas d’abord cette solution, mais il l’amène sous forme de contradiction ; afin que, devenue nécessaire, elle lui fournisse l’occasion de dire ce qu’il veut dire et rendre l’accusation moins pénible. Après avoir dit « Dans la nouveauté de l’esprit et non dans la vétusté de la lettre », il ajoute : « Que dirons-nous donc ? La loi est-elle péché ? Point du tout ». Il avait d’abord dit : « Les passions des péchés qui étaient occasionnées par la loi agissaient dans nos membres » ; et encore : « Le péché ne vous dominera plus ; car vous n’êtes pas sous la loi, mais sous la grâce » ; puis : « Où il n’y a pas de loi, il n’y a pas de transgression » ; et encore : « La loi est survenue pour que le péché abondât », et enfin : « La loi opère la colère ». Comme dore tout cela semblait condamner la loi, pour écarter ce soupçon, il pose l’objection et dit : « Quoi donc ? La loi est-elle péché ? Point du tout ». Avant d’en venir à la preuve, il nie, pour se concilier l’auditeur et guérir la blessure qu’il lui a faite. Après l’avoir écouté, et étant bien assuré de ses dispositions, il cherche avec lui à résoudre ce qu’il peut y avoir de douteux, sans provoquer aucun soupçon contrer lui ; aussi fait-il tout d’abord l’objection.
Il ne dit donc pas : Que dirai-je ? Mais : « Que dirons-nous ? » Comme s’il y avait là un sénat, une consultation, comme si toute l’Église était assemblée, et aussi comme si l’objection ne venait pas de lui, mais résultait de l’enchaînement du discours et de la vérité des faits. Que la lettre tue, dit-il, personne ne le niera ; que l’esprit vivifie, cela n’est pas moins évident, pas moins incontestable. Or, si c’est là chose convenue, que dirons-nous de la loi ? Qu’elle est péché ? Point du tout. Résolvez donc l’objection. Voyez-vous comme il met l’adversaire de son côté, et somme, prenant l’autorité de docteur, il arrive à la solution ?