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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/292

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infliger, mais d’aller plus loin encore, jusqu’à dépasser par notre sagesse les excès même de sa fureur. En effet, il n’a pas dit : Si votre ennemi vous frappe sur la joue droite, supportez-le généreusement et avec calme ; mais il ordonne de lui tendre encore l’autre joue ; « Présentez-lui encore l’autre », nous dit-il. (Mt. 5,39) En effet, c’est là une éclatante victoire de donner à son ennemi plus qu’il ne demande, de dépasser par longanimité les bornes mêmes de sa mauvaise volonté. C’est ainsi que vous apaiserez sa fureur, que le second sacrifice vous récompensera du premier et que vous éteindrez la colère chez lui.
Voyez-vous que nous sommes toujours les maîtres de ne point souffrir du mal : avantage que n’ont point ceux qui nous le font ? Et non seulement nous pouvons ne pas souffrir du mal, mais il nous est même donné d’en tirer profit : et c’est ce qu’il y a de plus admirable, que non seulement nous ne souffrions pas des injustices que l’on commet contre nous, mais que nous en tirions avantage, si nous veillons sur nous. Examinez un peu : Quelqu’un vous injurie ? Vous pouvez transformer ses injures en éloges. En lui rendant la pareille, vous augmenteriez votre honte : en lui rendant des bénédictions pour ses malédictions, vous verrez tout le monde vous décerner la couronne et vous proclamer vainqueur. Voyez-vous comment nous pouvons, si nous le voulons, tirer profit d’une injustice ? Il en est de même de l’argent, il en est de même des coups et de tous les accidents qui peuvent nous survenir. Si nous employons à l’égard de nos ennemis des procédés contraires aux leurs, nous nous tresserons une double couronne, et par le mal qu’ils nous font et par le bien que nous leur rendons. Quand donc on vient vous dire : Un tel vous a injurié et ne cesse de dire du mal de vous à tout le monde, faites son éloge à celui qui vous parle ; c’est ainsi que vous le punirez, si vous avez intention de vous venger. Les auditeurs vous loueront, quelque dénués de sens qu’ils puissent être, et ils regarderont celui qui vous injurie : comme plus méchant qu’une bête fauve, puisqu’il vous fait du mal sans en avoir reçu de vous, tandis que vous lui faites du bien en retour de ses injures. Par là aussi vous pourrez réduire toutes ses paroles à rien. En effet, si celui qu’on attaque en manifeste de la douleur, c’est une preuve qu’il a conscience du mal qu’on lui reproche ; si au contraire il en rit, il détruit jusqu’au moindre soupçon chez ceux qui en sont témoins.
Voyez donc que de profits vous recueillez par là ! D’abord vous vous exemptez vous-même de trouble et d’émotion ; ensuite (et c’est bien l’avantage qu’il faut placer au premier rang), si vous êtes coupable de péchés, vous les expiez, comme le publicain qui supporta avec patience les reproches du pharisien. De plus ; vous exercez ainsi votre âme à la sagesse, vous obtiendrez mille louanges de tout le monde, et vous effacerez jusqu’au soupçon que ces paroles injurieuses auraient pu produire contre vous. Que si vous désirez une vengeance, elle viendra surabondamment, puisque Dieu punira votre ennemi de ce qu’il aura dit, et que, même avant ce châtiment, votre sagesse lui portera déjà un coup mortel. Car rien ne blesse aussi vivement ceux qui nous injurient que de nous voir rire des injures qu’ils nous adressent. Mais autant nous recueillerons de fruits de notre sagesse, autant nous souffrirons de notre pusillanimité. En effet, nous nous déshonorons nous-mêmes, nous paraissons mériter les reproches qu’on nous fait ; nous remplissons notre âme de trouble, nous réjouissons notre ennemi, nous irritons Dieu, et nous ajoutons un nouveau péché à ceux qui nous souillent déjà. Pensons à tout cela, fuyons l’abîme de la rancune et recourons au port de la patience, afin d’y trouver le repos pour nos âmes, comme le Christ nous l’a dit, et d’obtenir les biens futurs par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui la gloire, la force, l’honneur appartiennent au Père en même temps qu’au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.