Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/291

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de sa maison ». (Prov. 5,8) Je vous en dirai autant de l’amour des richesses. Car si vous entrez peu à peu dans cet océan de folies, vous aurez de la peine à en sortir ; plongé comme en un gouffre, malgré des efforts réitérés, vous vous en tirerez difficilement ; et, ce qu’il. y a de plus triste ; une fois englouti dans les abîmes de cette convoitise, vous vous perdrez avec tous vos biens.: Ainsi donc ; je vous en prie, veillons sur nous dès le commencement, fuyons le mal le plus léger : car ce sont les petites fautes qui engendrent les grandes. En effet, celui qui, à chaque péché, à coutume de dire : Il n’en arrivera rien, perdra tout insensiblement. Voilà ce qui a introduit le mal, voilà ce qui a ouvert les portes au larron, voilà ce qui a abattu les remparts de la ville, parce qu’on disait : Il n’en arrivera rien. De même dans le corps, c’est en négligeant les petites maladies qu’on augmente les grandes : Si Esaü n’eût pas vendu son droit d’aînesse, il n’aurait pas été indigne des bénédictions ; et s’il ne s’était pas rendu indigne des bénédictions, il n’eût pas conçu le désir d’aller tuer son frère ; si Caïn n’avait pas ambitionné le premier rang et qu’il eût tout remis à la volonté de Dieu, il ne fût pas tombé au second rang ; et une fois descendu au second rang, s’il s’était montré docile aux remontrances, il n’eût point commis le meurtre ; et si après l’avoir commis, il fût entré dans des sentiments de pénitence comme Dieu l’y invitait, et n’eût point répondu avec insolence, il n’eût point subi tous les maux qui lui sont venus à la suite.
Or, si ceux qui ont vécu avant la loi sont tombés peu à peu, par lâcheté, au dernier degré du vice ; songez quel sera notre sort, à nous, qui sommes appelés à de plus grands combats, si nous ne veillons pas sévèrement sur nous-mêmes, si nous ne nous hâtons d’éteindre les premières étincelles du mal avant qu’elles aient mis le feu au bûcher. Par exemple : Vous vous, parjurez fréquemment ? Ne vous contentez pas de vous en corriger, mais cessez même de jurer, et le reste vous sera facile. Il est en effet beaucoup plus difficile de jurer sans se parjurer, que de ne pas jurer du tout. Vous avez l’habitude d’injurier, d’insulter, de frapper même ? Faites-vous une loi de ne jamais vous fâcher, de ne jamais crier, et le fruit périra avec la racine. Vous êtes libertin et porté à la luxure ? Faites-vous une loi de ne pas jeter les yeux sur une femme, bien loin de monter au théâtre, de ne pas porter des regards curieux sur des beautés étrangères, quand vous êtes dans les rues. Il est beaucoup plus facile de ne point regarder du tout une belle, femme que de la considérer ; de la convoiter et de calmer ensuite le trouble qui en résulte. Les luttes sont, en effet plus faciles au début ; bien plus, nous n’avons pas même besoin de lutter, si nous n’ouvrons pas la porte à l’ennemi, si nous ne recevons pas les semences du mal. Aussi le Christ punit-il celui qui jette sur une femme un regard impudique, afin de nous épargner une plus grande difficulté : nous ordonnant de chasser l’ennemi de la maison, avant qu’il soit devenu fort et pendant qu’il est possible de l’expulser. Quelle nécessité y a-t-il en effet à se livrer à des opérations inutiles et à en venir aux mains avec des adversaires, quand on peut triompher sans combat et gagner la palme avant la lutte ? Il est moins coûteux de s’abstenir de voir de belles femmes, que de se contenir quand on les a vues ; dans le premier cas, la peine n’est pas grande, dans le second, ce sont des luttes fatigantes et pénibles.
9. Puis donc que la peine est moins grande, ou plutôt qu’il n’y a ni fatigue ni peine, mais un plus grand profit, pourquoi nous précipiter volontairement dans un abîme de maux ? Car non seulement celui qui s’abstient de voir une femme, résiste plus facilement à la passion, mais il en devient même plus pur ; tandis que celui qui fixe – sur elle ses regards, échappe plus difficilement et non sans quelque blessure, si tant est qu’il échappe. En effet, celui qui ne voit pas une belle ligure, n’éprouve point la passion qu’elle peut inspirer ; mais celui qui a désiré la voir, qui a accueilli d’abord cette pensée, qui a contracté mille souillures, songe seulement après cela à repousser la passion, si même il la repousse. C’est pour nous garantir de tels dangers que le Christ nous défendons seulement le meurtre, mais la colère ; non seulement l’adultère ; mais un regard impudique ; non seulement le parjure, mais même le serment. Et ce n’est même pas là qu’il fixe la borne de la vertu : car, après tous ces commandements, il va plus loin. Après avoir défendu le meurtre, interdit la colère, il nous ordonne d’être prêts à souffrir les mauvais traitements ; non seulement d’en supporter autant qu’il plaira à notre ennemi de nous en