Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/294

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

elles-mêmes le péché, mais elles le produisaient si on ne jetait pas le frein à leur intempérance. Ainsi, par exemple, pour en citer une en particulier, la concupiscence n’est pas un péché ; mais quand elle ne garde pas la mesure, qu’elle ne se contient pas dans les lois du mariage, qu’elle convoite même des femmes étrangères, alors elle devient l’adultère, non précisément par sa nature de concupiscence, mais par l’abus et le défaut de mesure. Et voyez la sagesse de Paul. Après avoir fait l’éloge de la loi, il remonte aussitôt aux temps anciens, afin de montrer où en était notre race avant et après avoir reçu la loi, et faire comprendre que la grâce était absolument nécessaire : ce qu’il a soin de démontrer partout. Car en disant : « Vendu au péché comme esclave », il n’entend pas seulement parler de ceux qui ont vécu sous la loi, mais de ceux qui ont vécu avant la loi et dès le commencement. Ensuite il indique comment il a été vendu et livré.
« Aussi ce que je fais, je ne le comprends pas (15) ». Qu’est-ce à dire : « Je ne le comprends pas ? » C’est-à-dire : Je l’ignore. Et quand donc cela est-il arrivé ? Car personne n’a jamais péché par ignorance. Voyez-vous que si nous ne choisissons pas les expressions avec les précautions convenables, et si nous ne faisons pas attention au but de l’apôtre, une foule d’absurdités vont s’ensuivre ? Si en effet les hommes péchaient par ignorance, ils ne méritaient aucun châtiment. De même que plus haut il disait : « Sans la loi, le péché est mort », non pour faire entendre qu’on péchait sans le savoir, mais pour indiquer qu’on le savait imparfaitement ; ce qui occasionnait des punitions, quoique moins sévères ; et de même qu’il a dit encore : « Je ne connaîtrais pas la concupiscence », désignant ici non une ignorance absolue, mais le défaut d’une parfaite connaissance : de même enfin qu’il a dit : « A opéré en moi toute concupiscence », non pour rendre le commandement responsable de la concupiscence, mats pour faire voir que le péché a augmenté la concupiscence à l’occasion du commandement : ainsi il n’entend point exprimer une ignorance complète par ces mots : « Ce que je fais, je ne le comprends pas ». Autrement, comment se complairait-il dans la loi de Dieu selon l’homme intérieur ? Que signifient donc ces paroles : « Je ne le comprends pas ? » C’est-à-dire : Je suis dans les ténèbres, je suis entraîné, je souffre violence, je suis supplanté sans savoir comment. Nous avons nous-mêmes l’habitude de dire : Je ne sais comment un tel est venu et m’a entraîné ; par quoi nous n’entendons pas prétexter d’ignorance, mais indiquer que nous avons été en quelque façon trompés, circonvenus, pris au piège.
« Car ce que je veux, je ne le fais pas : mais ce que je hais, je le fais ». Comment donc ne savez-vous pas ce que vous faites ? Si vous voulez le bien et haïssez le mal, c’est la preuve d’une parfaite connaissance. Par où l’on voit clairement que, par ces expressions : « Ce que je ne veux pas », il ne prétend point supprimer le libre arbitre ni introduire l’idée d’une nécessité quelconque. Car si nous ne péchons pas librement, mais par forcé, les châtiments qui ont été infligés autrefois n’auraient plus de raison d’être. Mais comme par ces expressions : « Je ne le comprends pas », il n’entend point parler d’une ignorance absolue ; et qu’il faut les interpréter dans le sens que nous avons dit ; ainsi, en ajoutant ces mots : « Ce que je ne veux pas », il n’exprime pas l’idée de la nécessité, mais veut seulement dire qu’il n’approuve pas ce qu’il a fait. Et si ce n’était pas là le sens de ces expressions : « Ce que je ne veux pas, je le fais », comment n’aurait-il pas ajouté : Mais ce que je suis forcé de faire, je le fais ? Car c’est là l’opposé de la volonté et de la faculté d’agir. Mais ce n’est point ce qu’il dit ; au lieu de cela, il emploie ces expressions : « Ce que je hais », pour nous apprendre qu’en disant : « Ce que je ne veux pas », il ne détruit point la liberté. Que signifient donc ces mots : « Ce que je ne veux pas ? » C’est-à-dire, ce que je ne loue pas, ce que je n’approuve pas, ce que je n’aime pas ; et par antithèse il ajoute : « Mais ce que je hais, je le fais. Or, si je fais ce que je ne veux pas, j’acquiesce à la loi comme bonne (16) ».
2. Voyez-vous que l’âme n’est point perverse, mais qu’elle conserve dans l’action sa noblesse originelle ? Si elle commet le mal, c’est en le haïssant : ce qui forme le plus bel éloge de la loi naturelle et de la loi écrite. La preuve, dit-il, que la loi est bonne, c’est que je m’accuse moi-même de ne l’avoir pas écoutée, et que je hais le mal que j’ai fait. Or, si la loi était la cause du péché, comment celui qui se complaît en elle, haïrait-il ce qu’elle aurait