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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/317

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Dieu vous invite à entrer en possession, non pas d’un coin de terre, mais du ciel entier, vous balancez, vous reculez ; vous ambitionnez de l’argent, sans vous dire à vous-même : Si les parties du ciel que nous découvrons sont déjà si belles et si agréables, que doit-ce être des régions supérieures et du ciel des cieux ?
Mais puisqu’il n’est pas possible de les voir des yeux du corps, montez-y par la pensée, et debout sur le ciel visible, contemplez le ciel supérieur, cette hauteur immense, cette lumière éblouissante, ces multitudes d’anges, ces innombrables légions d’archanges, et les autres puissances incorporelles. Puis, redescendant de ces hauteurs, reprenez l’image des choses d’ici-bas, figurez-vous un roi terrestre, c’est-à-dire, des hommes chamarrés d’or, des attelages de mules blanches caparaçonnées d’or, des chars incrustés de pierres précieuses ; des tapis blancs comme neige, des lames s’agitant sur les chars, des dragons figurés sur des manteaux de soie, des boucliers dorés, des baudriers couverts de pierres précieuses se rattachant du centre au pourtour, des chevaux ornés d’or, des freins d’or. Mais dès que le roi paraît, nous ne voyons plus rien de tout cela ; lui seul attire nos regards, avec son manteau de pourpre, son diadème, son siège, ses agrafes, ses chaussures, la distinction de ses traits.
Après vous être exactement représenté tout ce tableau, remontez ensuite par là pensée vers la sphère supérieure, reportez-vous à ce jour terrible, où le Christ apparaîtra. Vous ne verrez point alors d’attelages de mules, ni de chars dorés, ni de dragons, ni de boucliers mais des choses pleines d’épouvante et qui causeront un tel effroi que les puissances incorporelles elles-mêmes en seront frappées de stupeur. « Car », est-il écrit, « les vertus des cieux seront ébranlées ». (Mt. 24,29) Alors, en effet, le ciel entier sera à découvert, les portes de ce temple s’ouvriront, le Fils unique de Dieu descendra, accompagné, non pas de vingt ou de cent satellites, mais dé milliers et de millions d’anges, d’archanges ; de chérubins, de séraphins et d’autres puissances : tout sera saisi de craint ; et de tremblement, quand la terre se brisera, quand tous les hommes qui auront existé depuis Adam jusqu’à ce jour, sortiront du tombeau et seront enlevés ; quand le Christ paraîtra environné d’une telle gloire que la lune, le soleil ? toute lumière disparaîtront dans sa splendeur. Quelle langue pourrait dire cette félicité, cet éclat, cette gloire ?
O mon âme ! je sens naître mes larmes et mes soupirs, quand je songe quels biens nous perdons, de quel bonheur nous nous privons ; et nous nous en privons (je parle ici pour moi), si nous ne faisons quelque chose de grand et de merveilleux. Que personne ne vienne ici me parler de l’enfer ; la perte d’une telle gloire est plus terrible que tous les enfers, la privation de ce bonheur est pire que mille et mille supplices, Et pourtant nous soupirons encore après les choses du temps, et nous ne songeons pas à la malice du démon, qui nous enlève de grandes choses pour de petites ; qui nous donne de la boue pour nous prendre de l’or, que dis-je de l’or ? le ciel même ; qui nous montre l’ombre pour nous séparer de la réalité, et joue notre imagination par des songes (car la richesse de ce monde n’est qu’un songe), pour nous faire paraître nus et dépouillés, quand le jour viendra.
11. En songeant à tout cela, évitons ses pièges, quoiqu’il soit peut-être bien tard, et reportons-nous vers l’avenir. Il ne nous est pas possible de dire que nous ignorons la condition des choses présentes, quand chaque jour la voix des événements, plus éclatante que le son de la trompette, nous en proclame la vanité, le ridicule, fa honte, les périls, les abîmes. Comment nous excuserons-nous d’avoir poursuivi avec tant d’ardeur des objets dangereux ou honteux, au détriment de biens sûrs, qui pouvaient nous procurer la gloire et l’éclat, et de nous être entièrement livrés à la tyrannie des richesses ? Car cet esclavage est la pire des tyrannies ; ceux-là le savent, qui ont mérité d’en être délivrés. Et pour connaître, vous aussi, cette belle liberté, brisez vos liens, arrachez-vous au filet ; qu’il n’y ait pas d’or chez-vous, mais qu’un trésor plus précieux que toutes les richesses, la miséricorde et la bonté, en tienne place. Voilà ce qui nous permettra de paraître avec confiance devant. Dieu, tandis que l’or nous couvre de honte et rendre démon audacieux contre nous. Pourquoi donner des armes à votre ennemi, et le rendre plus fort ? Armez votre droite contre lui, reportez sur votre âme toute la richesse de votre maison, mettez toute votre fortune dans votre intérieur ; que le ciel garde votre or ; au lieu de votre coffre-fort ou de