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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/318

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votre domicile ; portons en nous-mêmes toute notre fortune, car nous valons beaucoup mieux que des murs, et nous sommes plus respectables que des parquets.
Pourquoi donc nous négliger nous-mêmes, épuiser notre sollicitude sur de tels objets, que nous ne pourrons point emporter avec nous, que nous perdons souvent même dès ce monde, quand nous avons la faculté de nous enrichir de manière à être opulents, non seulement en ce monde, mais encore en l’autre ? En effet, celui qui porte dans son âme ses terres, ses maisons, son or, se montre avec sa fortune partout où il paraît. Comment cela ? direz-vous ; c’est bien facile. Si, en effet, vous transportez tout cela dans le ciel, par les mains des pauvres, vous le faites aussi tout passer dans votre âme, en sorte que quand la mort arrivera, personne ne pourra vous en dépouiller, et que vous emporterez votre richesse dans l’autre vie. Tel était le trésor de Tubithe ; voilà pourquoi ce ne sont point une maison, des murs, des pierres, des colonnes qui l’ont rendue célèbre ; mais les vêtements donnés aux veuves, les larmes répandues, la mort qui s’est enfuie, la vie qui est revenue. Amassons-nous donc de semblables trésors, bâtissons-nous de telles demeures. Ainsi Dieu travaillera avec nous, et nous avec lui. En effet, il a tiré les pauvres du néant ; et vous, vous n’aurez point laissé ses créatures périr de faim et de misère, vous les aurez soignées, restaurées, vous aurez soutenu le temple de Dieu : y a-t-il une œuvre aussi utile, aussi glorieuse ? Si vous n’avez pas encore compris quel ornement Dieu vous a ménagé, en vous confiant le soulagement des pauvres, faites cette réflexion : Si Dieu vous avait donné le pouvoir de soutenir le ciel prêt à tomber, ne regarderiez-vous pas cela comme un honneur bien au-dessus de vous ? Or, l’honneur qu’il vous, accorde ici est bien plus grand. Il vous confie le soin de relever un ouvrage bien plus précieux que le ciel : car Dieu ne voit rien qui égale l’homme. En effet, c’est pour l’homme qu’il a fait le ciel, la terre et la mer et il a plus de plaisir à habiter en lui que dans le ciel.
Et cependant, nous qui savons cela, nous n’avons ni soins ni attentions pour les temples de Dieu ; mais, les laissant dans l’abandon, nous nous construisons de vastes et splendides demeures. Voilà pourquoi nous sommes dénués de tout bien, plus pauvres que les plus pauvres, parce que nous ornons des maisons que nous ne pouvons pas emporter avec nous, et que nous négligeons celles qui nous suivraient dans l’autre vie. Car les corps des pauvres ressusciteront après avoir été réduits en poussière ; et alors Dieu, l’auteur de ces commandements, les fera paraître, louera ceux qui en auront eu soin, et les comblera d’éloges pour avoir soutenu de toutes manières ceux qui allaient succomber à la faim, à la nudité, au froid. Et cependant, malgré la perspective de ces éloges, nous hésitons encore, et nous reculons devant ces glorieuses sollicitudes. Et le Christ ne sait où loger ; il erre çà et là, étranger, nu, mourant de faim ; et vous construisez des maisons de campagne, des bains, des promenades, des lits sans nombre, au hasard et sans but, et tandis que vous ornez des appartements pour des corbeaux et des vautours, vous n’avez pas un coin de toit pour le Christ.
Qu’y a-t-il de pire qu’une pareille folie ? Qu’y a-t-il de plus coupable qu’une telle démence ? car c’est bien là l’excès de la démence, et tout ce qu’on en pourrait dire serait au-dessous du sujet. Cependant, si nous le voulons, nous pouvons encore chasser cette maladie, quelque affreuse qu’elle soit ; il est non seulement possible, mais facile, non seulement facile, mais beaucoup plus facile de la guérir que les maladies du corps ; d’autant que le médecin est plus habile. Attirons-le donc à nous, prions-le de mettre la main à l’œuvre, et fournissons ce qui est en notre pouvoir : la bonne volonté et le zèle. Il n’a pas besoin d’autre, chose ; qu’il trouve en nous ces dispositions, et il se chargera du reste. Donnons donc ce que nous avons, afin de jouir d’une parfaite santé et d’obtenir les biens à venir, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui gloire soit au Père et aussi au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.