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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/332

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Pourquoi donc l’un était-il aimé et l’autre haï ? Pourquoi l’un servait-il et l’autre commandait-il ? Était-ce parce que l’un était méchant et l’autre bon ? Mais, avant qu’ils fussent nés, l’un était honoré et l’autre condamné ; avant qu’ils fussent nés, Dieu avait dit : « L’aîné servira sous le plus jeune ». Pourquoi Dieu a-t-il dit cela ? Parée qu’il n’a pas besoin, comme l’homme, d’attendre les faits pour savoir qui sera bon ou méchant, mais qu’il le sait d’avance. Et c’est là ce qui est arrivé pour les Juifs, d’une manière plus étonnante encore. À quoi bon en effet parler d’Esaü et de Jacob, dont l’un était méchant et l’autre, bon ? Le péché était commun à tous les Israélites car tous avaient adoré le veau d’or. Et pourtant les uns obtiennent grâce, les autres non. « Car », dit le Seigneur, « j’aurai pitié de qui j’aurai pitié, et je ferai miséricorde à qui je ferai miséricorde (15) ». On en voit autant pour les punitions. Par exemple, que direz-vous de Pharaon, qui fut puni, et si sévèrement puni ? Qu’il était cruel et indocile ? Était-il donc le seul ? N’y en avait-il point d’autres ? Comment donc a-t-il été si sévèrement puni ? Et pourquoi Dieu a-t-il appelé à la place des Juifs un peuple qui n’était pas un peuple, et encore, n’a-t-il point accordé à tous le même honneur ? Il est écrit : « Quand ils seraient aussi nombreux que les grains de sable de la mer, ce sont leurs restes qui seront sauvés ». (Id. 10,22) Et pourquoi les restes seulement ? Voyez-vous comme il fait surgir les difficultés du sujet ? Et il a raison ; ne vous pressez pas de donner une solution, quand vous pouvez jeter votre adversaire dans l’embarras. S’il est lui-même convaincu d’être aussi incapable de répondre, pourquoi vous exposeriez-vous à des dangers inutiles ? Pourquoi l’enhardiriez-vous, en assumant sur vous tout le poids de la question ?
6. Dites-moi en effet, ô Juif ! qui avez tant de questions embarrassantes, et n’en pouvez résoudre aucune, comment pouvez-vous nous faire des difficultés à l’occasion de la vocation des Gentils ? Cependant je puis vous donner, moi, la raison légitime pour laquelle les Gentils ont été appelés et pour laquelle vous êtes déchus. Quelle est cette raison ? Parce qu’ils sont nés de la foi et vous, pour ainsi dire, des œuvres de la loi. Ces discussions vous trahissent donc de toute manière. « Car ignorant la justice de Dieu, et cherchant à établir leur propre justice, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu ». (Rom. 10,8) C’est ainsi, pour tout dire en un mot, que cette âme bienheureuse, donne la solution de tout le passage ; et pour le faire mieux voir, examinons chaque point en détail, sans perdre de vue que le but du bienheureux est de démontrer par tout ce qu’il à dit que Dieu seul connaît ceux qui sont dignes ; qu’aucun homme n’en est capable, et que celui qui semble le plus éclairé sur ce point se trompe souvent dans ses jugements. Celui qui pénètre lés pensées les plus secrètes, sait parfaitement qui sont ceux qui méritent la couronne et ceux qui sont dignes du châtiment et du supplice. Aussi souvent en a-t-il condamné sur preuves qui passaient pour justes aux yeux des hommes, et en a-t-il couronné qui étaient réputés méchants, après avoir démontré qu’ils ne litaient point ; décidant, non d’après l’opinion de ses serviteurs, mais d’après son juste et impartial jugement, et n’attendant point le résultat des œuvres pour distinguer le méchant et celui qui ne l’est pas : Mais pour ne pas obscurcir la question, revenons aux paroles de l’apôtre.
« Non seulement elle, mais aussi Rébecca, « qui eut deux fils à la fois ». Je pourrais, dit-il, parler aussi des fils de Cétura, mais je les passe sous silence ; et pour triompher pleinement, je mets en scène deux fils nés d’un même père et d’une même mère. En effet, tous les deux étaient enfants de Rébecca et d’Isaac, le fils légitime, le juste éprouvé, l’homme honoré entre tous, dont Dieu a dit : « C’est en Isaac que sera ta postérité » ; celui qui est devenu le père de nous tous. Or, s’il était notre père, nécessairement ses enfants devaient aussi être nos pères ; et cependant ils ne l’ont pas été. Voyez-vous comme le fait n’a pas seulement eu lieu pour Abraham, mais aussi pour son fils, et comment toujours la foi et la vertu éclatent et restent le caractère de la vraie parenté ? Par là nous apprenons que les enfants d’Abraham ne portent pas ce nom seulement pour être nés de lui, mais encore parce qu’ils se sont rendus dignes de la vertu de leur père. Si en effet la génération eût suffi, Esaü aurait dû partager le sort de Jacob, car lui aussi, était sorti d’un sein desséché, et sa mère était stérile. Mais une autre condition encore était exigée, la bonne conduite, et ceci n’est pas sans dessein, mais a pour but le règlement de notre vie. L’apôtre ne dit pas : L’un