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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/334

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moins nous appartient-elle. Voilà pourquoi Paul ne se contente pas de citer simplement ces paroles, mais rappelle celui à qui elles ont été adressées : « Dieu dit à Moïse » ; pour faire rougir son contradicteur par la dignité du personnage. Après avoir donné la solution des difficultés, il coupe au court, en produisant une autre objection en ces termes : « Cela ne dépend donc ni de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. Car l’Écriture dit à Pharaon : Voilà pourquoi je t’ai suscité : c’est pour faire éclater en toi ma puissance, et pour que mon nom soit annoncé par toute la terre (16,17) ». Comme là, nous dit l’apôtre, les uns furent sauvés et les autres punis ; de même ici Pharaon était réservé pour le but qu’on vient de dire. Puis il ramène encore l’objection : « Donc il a pitié de qui il veut et il endurcit qui il veut. Certainement vous me direz : De quoi se plaint-il encore ? Car qui résiste à sa volonté (18, 19) ? » Voyez-vous comme il s’efforce de toutes manières de faire ressortir la difficulté ? Et il n’en donne pas d’abord là solution, et cela fort à propos ; mais il ferme d’abord la bouche à celui qui fait la question, en disant : « O homme, qui es-tu pour contester avec Dieu ? »
Son but en ceci est de réprimer sa curiosité déplacée et excessive, de lui mettre le frein, de lui apprendre ce que c’est que Dieu, ce que c’est que l’homme, que la Providence est incompréhensible, qu’elle surpasse l’intelligence humaine et qu’il faut que tout lui obéisse ; afin qu’après en avoir convaincu l’auditeur, et avoir contenu et calmé son esprit, il amène la solution sans difficulté et fasse accepter sa parole. Il ne dit pas que ces questions sont insolubles. Que dit-il donc ? qu’il est injuste de les soulever ; qu’il faut se soumettre à la parole de Dieu, ne point la scruter avec curiosité, quand même nous n’en comprendrions pas la raison. Voilà pourquoi il dit : « Qui es-tu, pour contester avec Dieu ? » Voyez-vous comme il comprime, comme il abat l’orgueil ? « Qui es-tu ? » Partages-tu la puissance ? Es-tu juge avec Dieu ? En comparaison de lui, tu ne peux pas être quelque chose, ni ceci ni cela, mais rien. Cette expression : « Qui es-tu ? » est bien plus humiliante que celle-ci : tu n’es rien. D’ailleurs par la forme interrogative il montre une plus grande indignation. Il ne dit pas non plus : Qui es-tu pour répondre à Dieu ? mais : « Pour contester », c’est-à-dire pour contredire, pour tenir tête. Car dire : Il fallait ceci, ou il ne fallait pas cela, est le propre d’un contradicteur. Voyez-vous comme il épouvante, comme il frappe de terreur, et dispose ses auditeurs à trembler plutôt qu’à soulever des questions ou à scruter trop curieusement ? C’est là le talent d’un excellent maître, de ne pas toujours céder au désir de ses disciples, mais de les amener à sa propre manière de voir, d’arracher d’abord les épines, puis de jeter sa semence, et de ne pas répondre immédiatement aux questions qu’on propose. « Le vase dit-il au potier : Pourquoi m’as-tu fait ainsi ? N’a-t-il pas le pouvoir, le potier, de faire de la même massé d’argile un vase d’honneur et un autre d’ignominie ? (20, 21) ».
8. Il ne dit point ceci pour supprimer le libre arbitre, mais pour montrer jusqu’à quel point il faut obéir à Dieu. En fait de comptes à demander a Dieu, il faut être dans la disposition du vase d’argile. non seulement il ne faut pas contredire ; pas soulever de questions, mais pas même dire un mot, pas même avoir une pensée, et ressembler à cet objet inanimé, qui obéit aux mains du potier et se laisse porter où il lui plaît. C’est uniquement pour cela, c’est-à-dire pour nous apprendre à obéir et à nous taire, et non pour nous tracer une règle de conduite partout applicable, que l’apôtre a choisi cet exemple. C’est dureste une observation générale : qu’il ne faut pas tout prendre dans un exemple, mais choisir ce qu’il y a d’utile, ce qui forme proprement le but, et laisser le reste. Ainsi quand l’Écriture dit : « Il s’est couché et a dormi comme un lion » {Nom. 24,9) ; nous ne voyons là que l’idée d’une force indomptable, le côté terrible, et non le caractère sauvage ou toute autre face de la nature du lion. Dans cet autre passage : « J’irai au-devant d’eux comme une ourse qui hésite » (Os. 13,9) ; nous ne devons voir que l’idée de vengeance ; et dans ces expressions « Notre Dieu est un feu dévorant » (Deut. 4,24), il ne faut chercher que la pensée d’un supplice qui consume. De même ici faut-il interpréter les idées d’argile, de potier et de vase.
Et quand l’apôtre ajoute : « N’a-t-il pas le pouvoir, le potier, de faire de la même masse d’argile un vase d’honneur et un vase