Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/338

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ne nous avait réservé un rejeton, nous serions devenus comme Sodome et semblables à Gomorrhe (29) ». Ici, il indique autre chose, à, savoir que le petit nombre qui est sauvé ne l’est point par lui-même. Ceux-là aussi auraient été perdus et auraient subi le sort de Sodome, c’est-à-dire une destruction complète. En effet ceux de Sodome ont tous radicalement péri, ils n’ont pas laissé le moindre rejeton ; et les autres auraient éprouvé leur sort, si Dieu n’avait usé d’une grande bonté et ne les eût sauvés par la foi. C’est aussi ce qui est arrivé pour la captivité de Babylone ; ceux qui ont été emmenés et qui ont péri, formaient l’immense majorité ; bien peu ont été sauvés.
« Que dirons-nous donc », continue l’apôtre. « Que les gentils qui ne cherchaient point la justice ont embrassé la justice, mais la justice qui vient de la foi ; et qu’Israël, au contraire, en suivant la loi de justice, n’est point parvenu à la justice (30, 31) » : Ici la solution est parfaitement claire. Après avoir montré, par les faits mêmes, que « tous ceux qui descendent d’Israël, ne sont pas Israélites » ; après l’avoir aussi démontré par les pères de Jacob et d’Esaü, puis par les prophètes, il fortifie l’objection et lui donne une vigoureuse solution par Osée et Isaïe. En effet, il y a deux points dans la question : les Gentils ont embrassé la justice, et ils l’ont embrassée sans l’avoir cherchée, c’est-à-dire sans effort de leur part. D’un autre côté, en ce qui concerne les Juifs, il y avait deux difficultés Israël n’est point parvenu à la loi de justice, et il n’y est point parvenu bien qu’il la cherchât. Aussi l’apôtre emploie-t-il ici des expressions plus énergiques ; car il ne dit pas : Ont obtenu la justice, mais': « Ont embrassé ». Et c’est là l’étrange, l’extraordinaire : que celui qui cherchait ne soit pas parvenu et que celui qui ne cherchait pas ait embrassé. En disant « Qui suivait », il leur fait une concession ; mais plus tard il leur porte un coup mortel. Comme il a une victorieuse solution à donner, il ne craint pas de fortifier l’objection. C’est pourquoi il ne parle pas de la foi ni de la justice qui en dérive, mais il leur montre que même avant la foi, même dans leur propre domaine, ils étaient déjà vaincus et condamnés. Oui, dit-il, oui, ô Juif, tu n’as pas même rencontré la justice de la loi, car tu l’as violée, cette loi, et tu as encouru la malédiction ; et ceux-là, qui ne sont point venus par la loi, mais par une autre voie, ont trouvé une justice bien plus grande, celle de la foi : ce qu’il avait déjà exprimé plus haut, eu disant : « Car si Abraham a été justifié par les œuvres, il a de quoi se glorifier, mais non devant Dieu » (Rom. 2,4) ; indiquant par là que la justice par la foi l’emporte sur l’autre.
Je disais donc plus haut qu’il y avait deux difficultés ; maintenant voilà trois questions les gentils ont trouvé la justice, ils l’ont trouvée sans la chercher, ils l’ont trouvée plus grande que celle de la loi. Dans le sens contraire, les mêmes difficultés se reproduisent pour les Juifs : Israël n’a pas trouvé, il n’a pas trouvé bien qu’il cherchât, il n’a pas même trouvé la moindre de ces justices. Après avoir ainsi jeté l’auditeur dans l’embarras, il donne enfin une solution abrégée, et rend raison de tout ce qu’il a dit. Quelle est cette raison ? « Parce que ce n’est point par la foi, mais comme par les œuvres (32) ».
Voilà la solution la plus claire de tout le passage ; s’il l’eût donnée dès le début, elle n’eût point été si facilement acceptée ; mais comme il la présente après beaucoup d’hésitations, de doutes, de preuves et de démonstrations, qu’il a usé de mille correctifs, il l’a rendue bien plus intelligible et plus acceptable. Voilà, dit-il ; la cause de leur perte : « Parce qu’ils ont voulu être justifiés, non par la foi, mais comme par les œuvres de la loi ». Il ne dit point : Par les œuvres, mais « Comme par les œuvres de la loi », pour montrer qu’ils n’ont pas même eu cette espèce de justice. « Car ils se sont heurtés contre la pierre de l’achoppement, comme il est écrit : « Voici que je mets en Sion une pierre d’achoppement et une pierre de scandale ; et quiconque croit en lui ne sera point confondu (33) ».
Voyez-vous comme la confiance et le don universel sont les fruits de la foi ? Car ces paroles ne s’appliquent pas seulement aux Juifs, mais à tout le genre humain. Tout homme, dit l’apôtre, citant toujours Isaïe, fût-il Juif, Grec, Scythe, Thrace, ou tout ce que l’on voudra, s’il croit, jouira d’une grande sécurité. Ce qu’il y a d’étonnant dans le prophète, c’est qu’il ne dit pas seulement qu’on croira, mais aussi qu’on refusera de croire ; car c’est là le sens de ce mot : se heurter. De même donc que plus haut, il a indiqué que les uns seraient perdus et les autres sauvés, en disant : « Le nombre des enfants d’Israël fût-il comme le sable de la mer, il n’y aura qu’un reste de sauvé », et encore : « Si le Seigneur des armées ne nous avait réservé un rejeton, nous serions devenus comme Sodome, et semblables à Gomorrhe », puis : « Il a appelé, non seulement d’entre les Juifs, mais aussi d’entre les Gentils » : De même, ici, il parle de ceux qui croiront et de ceux qui se heurteront ; or, on ne se heurte que parce qu’on ne fait pas attention et qu’on a l’esprit à autre chose. C’est donc parce que les Juifs avaient l’attention tournée vers la loi, qu’ils se sont heurtés contre la pierre. Il parle de pierre d’achoppement et de pierre de scandale, à raison de la volonté et de la fin de ceux qui n’ont pas cru.
Tout ce que nous venons de dire est-il clair, ou a-t-il encore besoin de beaucoup d’explications ? Il me semble, à moi, que tout cela est aisé à comprendre pour ceux qui ont fait attention ; et s’il en est qui n’aient pas compris, ils peuvent venir en particulier interroger et s’instruire. J’ai prolongé ces explications pour ne pas être obligé d’interrompre le discours et de nuire, par là, à sa clarté. C’est pourquoi je termine ici, sans traiter aucun point de morale comme c’est mon habitude, ne voulant pas affaiblir en vous le souvenir de ce que j’ai dit. Il est donc temps de conclure et de rendre gloire à Dieu, le maître de tout. Rendons-la-lui, moi en finissant de parler, vous en cessant d’écouter, parce que l’empire, la force et la gloire sont à lui, dans les siècles. Ainsi soit-il.