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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/341

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En effet, comme la vertu pratique a pour obstacles la lâcheté et la mollesse, ennemie du travail, et que l’âme a besoin d’une grande vigilance pour ne pas succomber ; ainsi, quand il s’agit de croire, les raisonnements viennent jeter le trouble et le désordre dans l’esprit d’un grand nombre, et il faut une volonté énergique pour les écarter. C’est pourquoi il les produit lui-même, ces raisonnements, et fait encore ici ce qu’il a fait à l’occasion d’Abraham. En effet, après avoir prouvé qu’Abraham a été justifié par la foi, pour ne pas laisser croire que le patriarche a été récompensé sans raison et au hasard, comme si sa foi eût été chose sans valeur, il relève la qualité même de cette foi, en disant : « Qui ayant espéré contre l’espérance même, a cru qu’il deviendrait le père d’un grand nombre de nations, et sa foi ne faiblit point ; il ne considéra ni son corps éteint, ni l’impuissance de Sara ; il n’hésita point en défiance de la promesse de Dieu ; mais il se fortifia par la foi, rendant gloire à Dieu, a pleinement assuré que tout ce qu’il a promis, il est puissant pour le faire ». (Rom. 4,18-21) Et il a prouvé qu’il faut de la force et une âme élevée, qui espère contre l’espérance et ne se heurte point contre les choses visibles. Ici il en fait autant, et montre qu’il faut un esprit sage, une âme grande et capable de s’élever jusqu’au ciel. Il ne dit pas simplement : Ne dis point, mais : « Ne dis point en ton cœur », c’est-à-dire, ne t’avise pas d’hésiter et de dire en toi-même : Comment cela se peut-il ? Voyez-vous comme c’est là surtout le propre de la foi de laisser toutes les conséquences terrestres pour s’attacher à ce qui est au-dessus de la nature, de rejeter tous les vains raisonnements pour tout attendre de la puissance de Dieu ?
Cependant les Juifs ne se contentaient pas de dire cela, ils prétendaient qu’on ne peut pas être justifié par la foi. Mais Paul, pour établir le contraire, cite un fait accompli, afin de démontrer que : ce fait était tellement élevé que même, depuis qu’il est accompli, il exige encore de la foi, et de – prouver par là que la foi mérite récompense. Il emploie pour cela les paroles de l’Ancien Testament, toujours pour écarter de lui l’accusation d’innovation et d’hostilité contre la loi. Car ce qu’il dit ici de la foi, Moïse le leur avait dit de la loi, pour leur montrer que Dieu leur avait fait une grande grâce. Vous ne pouvez, leur dit-il, objecter qu’il faut monter au ciel ou traverser l’étendue de la mer pour recevoir les commandements ; ces commandements si grands, si sublimes, Dieu nous les a rendus faciles. Que signifient ces mots : « Près de toi « est la parole ? » c’est-à-dire, elle est facile : car ton salut est dans ton esprit et sur ta langue. Il n’est pas nécessaire de faire une longue route, de traverser la mer ou de passer les montagnes, pour être sauvé ; si vous ne voulez pas franchir le seuil de votre maison, vous pouvez rester assis chez vous et vous sauver : car le principe du salut est dans votre bouche et dans votre cœur.
Ensuite Paul, pour faciliter encore la foi, dit : « Dieu l’a ressuscité d’entre les morts ». Considérez la dignité de celui qui agit, et vous ne verrez plus de difficulté dans les choses. La résurrection prouve donc clairement que le Christ est le Seigneur : ce que Paul avait dit au commencement de son épître : « Qui a été désigné Fils de Dieu par la résurrection d’entre les morts ». Or que la résurrection soit facile, la puissance de celui qui l’opère, le démontre aux plus incrédules. Donc puisque la justice de la foi est plus grande, qu’elle est facile, aisée à embrasser, et qu’on ne peut d’ailleurs être justifié autrement, n’est-ce pas un excès d’obstination de laisser ce qui est facile pour s’attacher à l’impossible ? Car ils ne sauraient dire qu’ils rejettent la justice de la foi à cause de ses difficultés.
3. Voyez-vous comme Paul leur ôte tout motif d’excuse ? Comment, en effet, seraient-ils pardonnables de laisser ce qui est facile pour s’attacher à ce qui est difficile, de négliger ce qui procure le salut pour embrasser ce qui ne peut sauver ? Ce ne peut être autre chose que l’effet d’un esprit de, contention et en révolte contre Dieu. Car la loi est pénible et la grâce facile ; malgré des efforts infinis, la loi ne sauve pas ; la grâce procure sa justice propre et celle de la loi. Comment donc les excuser de repousser la grâce pour s’attacher inutilement et sans résultat à la loi. Puis, comme il a avancé une chose importante, il l’appuie sur le témoignage de l’Écriture. « En effet, l’Écriture dit : Quiconque croit en lui, ne sera point confondu. Car il n’y a point de distinction de Juif et de Grec ; parce que c’est le même Seigneur de tous, riche pour tous ceux qui l’invoquent. Car quiconque invoquera