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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/348

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sont beaux les pieds de ceux qui annoncent la paix ! » Et, avant lui, le législateur lui-même en avait parlé. Aussi Paul ajoute-t-il « Moïse le premier a dit : Je vous rendrai jaloux d’un peuple qui n’en est pas un ; je vous mettrai en colère contre une nation insensée ». (Deut. 32,21) Ainsi il fallait reconnaître les prédicateurs, non seulement parce qu’on n’ajoutait pas foi à leur parole, non seulement parce qu’ils prêchaient la paix, non seulement parce qu’ils annonçaient le bonheur et que leur parole se répandait dans le monde entier, mais encore parce que les Juifs voyaient les nations, jusqu’alors inférieures à eux, plus honorées qu’eux. En effet, les gentils admettaient tout à coup une philosophie dont ni eux ni leurs pères n’avaient ouï parler : ce qui était un insigne honneur, ce qui les irritait, provoquait leur jalousie et rappelait la parole de Moïse : « Je vous rendrai jaloux d’un peuple qui n’en est pas un ». Et ce n’était pas seulement un si grand honneur qui excitait leur jalousie, mais encore de voir que le peuple appelé à jouir de ces biens avait été si misérable jusque-là qu’il ne méritait même pas d’être regardé comme un peuple. « Je vous rendrai jaloux d’un peuple qui n’en est pas un, je vous mettrai en colère contre une nation insensée ». En effet, qu’y avait-il de plus insensé que les gentils ? Quoi de plus méprisable ? Voyez comme Dieu leur donnait de toutes façons des indices et des signes évidents de ces temps, de manière à ouvrir les yeux des aveugles. Car tout cela ne s’est pas passé dans un lieu obscur, mais sur toutes les terres et les mers, mais dans le monde entier ; ils ont vu jouir de bienfaits sans nombre ceux-là même qu’ils méprisaient auparavant. Il fallait donc reconnaître que c’était là le peuple dont Moïse parlait : « Je vous rendrai jaloux d’un peuple qui n’en est pas un, je vous mettrai en colère contre une nation insensée ».
Mais Moïse était-il le seul qui l’eût dit ? Non : Isaïe l’avait répété après lui. Aussi Paul dit-il : « Moïse le premier » pour montrer qu’il en viendra un second qui dira les mêmes choses plus ouvertement et plus clairement. Comme donc il avait dit plus haut : « Isaïe s’écrie », il dit ici : « Isaïe ne craint pas de dire… (20) ». Voici la pensée de l’apôtre : Le prophète dit hautement et résolument, il n’a point voulu laisser d’ombre, il a osé mettre les choses à nu devant nos yeux ; il a mieux aimé s’exposer au danger en parlant clairement, que de pourvoir à sa propre sûreté en laissant un prétexte à votre ingratitude, quoique le propre de la prophétie né soit pas de parler si clairement. Cependant pour vous fermer absolument la bouche, il a tout prédit avec clarté, avec précision. Tout ! dites-, vous : mais quoi, enfin ? Votre déchéance et l’initiation des gentils, quand il disait : « J’ai été trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas, je me suis montré à ceux qui ne me demandaient pas ». (Is. 65,1) Quels étaient donc ceux qui ne le cherchaient pas ? quels étaient ceux qui ne le demandaient pas ? Évidemment ce n’étaient pas les Juifs, mais bien les nations qui ne l’avaient pas connu. Ainsi comme Moïse les avait caractérisées, en disant : « Un peuple qui n’en est pas un », et encore : « Une nation insensée » ; de même ici le prophète les désigne par le même indice, à savoir leur extrême ignorance. Et c’était là le plus grave reproche à l’adresse des Juifs : que ceux qui ne cherchaient pas avaient trouvé, tandis qu’eux s’étaient perdus en cherchant.
Et à Israël il dit : « Tout le jour j’ai tendu les mains à ce peuple incrédule et contredisant ». Voyez comme la difficulté, comme le doute proposé par un grand nombre, est démontré avoir sa solution, dès les temps anciens, dans les paroles des prophètes ? Quelle était cette difficulté ? Vous avez entendu Paul dire plus haut : « Que dirons-nous donc ? Que les gentils qui ne cherchaient point la justice ont embrassé la justice ; et qu’Israël, au contraire, en recherchant la justice, n’est point parvenu à la loi de justice ». C’est aussi ce que dit Isaïe ; car ces paroles : « J’ai été trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas, je me suis montré à ceux qui ne me demandaient pas », ont le même sens que celle-ci : « Les gentils, qui ne cherchaient point la justice, ont embrassé la justice ». Ensuite, pour nous montrer que la conversion des gentils n’est pas seulement l’effet de la grâce, mais aussi de leur bonne volonté, écoutez ce qu’il ajoute : « Et à Israël il dit : « Tout le jour j’ai tendu les mains à ce peuple incrédule et contredisant » ; désignant ici par le mot jour tout le temps passé, et par ces expressions : « J’ai tendu les mains », la vocation, l’attrait et les invitations. Ensuite, pour