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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/350

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une preuve ; la seconde est dans ces mots : « Son peuple qu’il a connu dans sa prescience », c’est-à-dire qu’il connaissait parfaitement comme propre à recevoir la foi et comme devant la recevoir. Car trois mille, cinq mille et une foule d’autres avaient cru.
4. Et pour qu’on ne dise pas : Êtes-vous donc le peuple ? Parce que vous avez été appelé, le peuple l’a-t-il été ? il ajoute : « Il n’a pas repoussé son peuple qu’il a connu par sa prescience. » C’est comme s’il disait : Il y en a avec moi trois mille, cinq mille, dix mille. Quoi donc ? c’est à trois mille, à cinq mille, à dix mille que se réduit cette race qui devait égaler en nombre les astres du ciel et les grains de sables de la mer ? Et vous nous trompez, vous vous jouez de nous, jusqu’à vous donner pour tout un peuple, vous et quelques autres avec vous ? Et vous nous avez nourris de vaines espérances en nous disant que la promesse s’accomplirait, tandis que tous périssent et qu’un petit nombre seulement sont sauvés ? C’est là de la jactance et de l’orgueil, et nous ne pouvons supporter ces sophismes. Pour prévenir ce langage, voyez comme il amène la solution dans ce qui va suivre, sans poser l’objection, mais en la résolvant d’avance par un argument tiré de l’histoire ancienne. Quelle est donc cette solution ? « Ne savez-vous pas », leur dit-il « ce que l’Écriture dit d’Élie, comment il interpelle Dieu contre Israël en disant : Seigneur, ils ont tué vos prophètes, ils ont démoli vos autels ; et moi, je suis resté seul, et ils recherchent mon âme. Mais que lui dit la réponse divine ? Je me suis réservé sept mille hommes qui n’ont point fléchi le genou devant Baal. De même donc, en ce temps aussi, un reste a été sauvé selon l’élection de la grâce (3-5)».
Ce qui veut dire : Dieu n’a point rejeté son peuple ; car s’il l’eût rejeté, il n’aurait reçu personne ; et s’il en a reçu quelques-uns, c’est qu’il ne l’a point rejeté. Mais, dira-t-on, s’il ne l’avait point rejeté, il aurait reçu tout le monde. Point du tout, car si, dans le temps d’Elfe, il n’y en eut que sept mille de sauvés, on ne peut nier qu’aujourd’hui un grand nombre croient. Si vous ignorez ce nombre, cela n’est pas étonnant, puisque Élie, cet homme si grand, si distingué, ne le savait pas lui-même : mais Dieu réglait, ses affaires, à l’insu même du prophète. Et voyez la prudence de Paul ; comme, en prouvant sa proposition, il aggrave implicitement l’accusation contre les Juifs. Car il ne cite ce témoignage que pour faire éclater leur ingratitude et montrer qu’elle date de loin. Si ce n’eût été là son but et qu’il eût seulement voulu prouver que le peuple se réduisait à un petit nombre, il se serait contenté de dire que, au temps d’Élie, sept mille hommes étaient réservés ; tandis qu’au contraire il cite le passage en entier. Partout en effet il s’attache à leur démontrer qu’ils n’ont rien fait de nouveau à l’égard du Christ et des apôtres, mais qu’ils se sont conformés à leurs habitudes et à leurs traditions. Et pour qu’ils ne disent pas : nous avons fait mourir le Christ comme séducteur et les apôtres comme imposteurs, il produit le témoignage qui dit : « Seigneur, ils ont tué vos prophètes, ils ont démoli vos autels ».
Mais pour ne pas les blesser, il donne à cette citation un autre motif : car ce n’est pas une accusation qu’il à principalement en vue, mais il semble se proposer autre chose, et il leur ôte ainsi toute excuse même d’après l’histoire du passé. Et voyez comme l’accusation prend du poids d’après l’autorité du personnage ! En effet ce n’est ni Paul, ni Pierre, ni Jacques ni Jean qui les accusent ; mais l’homme qu’ils admiraient le plus, le chef des prophètes, l’ami de Dieu, celui qui brûlait de zèle pour eux jusqu’à endurer la faim, celui qui n’est pas encore mort aujourd’hui. Que dit-il donc ? « Seigneur, ils ont tué vos prophètes, ils ont démoli vos autels ; et moi, je suis resté seul, et ils me cherchent pour m’ôter la vie ». Quoi de plus cruel, de plus barbare que cette conduite ? Au lieu de prier pour leurs crimes passés, ils voulaient encore mettre à mort Élie : ce qui les rendait absolument indignes de pardon. Car ce n’était pas sous l’empire de la faim, mais au milieu de l’abondance, quand l’opprobre d’Israël était levé, les démons confondus, la puissance de Dieu manifestée, le roi humilié, qu’ils osaient méditer de tels crimes, passant du meurtre au meurtre, et mettant à mort leurs maîtres, ceux qui s’attachaient à corriger leurs mœurs.
Qu’avaient-ils à dire ? Ceux-là étaient-ils aussi des séducteurs ? Ne savaient-ils pas d’où ils étaient ? – Mais ils vous attristaient, dites-vous ? – Oui, mais ils vous disaient des choses utiles. Et ces autels ? Vous avaient-ils aussi contristés ? Vous avaient-ils irrités ? Voyez