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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/351

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quelles preuves d’obstination, d’insolence, ils ont toujours données ! Voilà pourquoi Paul dit ailleurs, en écrivant aux Thessaloniciens « Vous avez souffert, vous aussi, ce qu’elles » (les Églises de Dieu) « ont souffert elles-mêmes des Juifs qui ont tué même le Seigneur et leurs propres prophètes, qui nous ont persécutés, qui ne plaisent point à Dieu et qui sont ennemis de tous les hommes ». (1Thes. 2,14, 15) C’est ce qu’Élie leur dit ici, en leur reprochant d’avoir démoli les autels et tué les prophètes. Mais que lui répond l’oracle divin ? « Je me suis réservé sept mille hommes qui « n’ont point fléchi le genou devant Baal ». Mais, direz-vous, quel rapport cela a-t-il avec le présent ? Un très-grand. Car cela prouve que Dieu ne sauve que ceux qui en sont dignes, bien que la promesse s’adresse à tout le peuple. Déjà Isaïe l’avait indiqué en disant : « Le nombre d’Israël fût-il comme le sable de la mer, il n’y aura qu’un reste de sauvé », et encore : « Si le Seigneur des armées ne nous avait réservé un rejeton, nous serions devenus comme Sodome ». (Rom. 9,27-29) C’est sur ces textes que Paul appuie ses preuves ; puis il ajoute : « De même donc, en ce temps aussi, un reste a été sauvé, selon l’élection de la grâce ».
5. Voyez comme chaque expression a sa valeur propre, et montre la grâce de Dieu et la bonne volonté de ceux qui sont sauvés. En effet, en disant : « L’élection », il indique leur mérite, et en ajoutant : « De la grâce », il fait voir le don de Dieu. « Mais si c’est par la grâce, ce n’est donc point par les œuvres ; autrement la grâce ne serait plus grâce (6)». Or si c’est par les œuvres ce n’est plus une grâce, autrement l’œuvre ne serait plus une œuvre. Après avoir dit cela, il revient encore sur l’obstination des Juifs, la combat et leur ôte par là toute excuse. Vous ne pouvez pas, leur dit-il, objecter que, si les prophètes vous appelaient, si Dieu vous exhortait, si les faits mêmes élevaient la voix, alors que la jalousie aurait suffi, à elle seule, à vous attirer : objecter, dis-je, que les commandements étaient difficiles, que vous ne pouviez pas avancer parce qu’on exigeait de vous des actes, des efforts pénibles : non, vous ne pouvez pas employer ce prétexte. Comment Dieu aurait-il pu exiger de vous ce qui eût atténué l’effet de sa grâce ? En disant cela, il veut leur montrer que Dieu désirait vivement leur salut. En effet non seulement leur salut eût été facile, mais Dieu en eût retiré une très-grande gloire, en faisant ainsi éclater sa bonté. Pourquoi donc craigniez-vous d’avancer, quand on n’exigeait point de vous les œuvres ? Pourquoi vous soulever et discuter, quand la grâce vous est offerte, et parler de loi au hasard et sans fruit ? Cela ne vous sauvera pas, et vous perdrez le don. En rejetant obstinément cette voie de salut, vous détruisez la grâce de Dieu. Et pour qu’on ne trouve pas ce langage étrange, il affirme que les sept mille dont il a parlé, ont été sauvés par la grâce. En effet, en disant que, dans ce temps aussi ; un reste a été sauvé selon l’élection de la grâce, il indique que ces sept mille ont été sauvés par la grâce. Et il ne dit pas cela seulement ; car par ces expressions : « Je me suis réservé », Dieu fait entendre que c’est à lui qu’appartient en cela le rôle principal.
Mais, dira-t-on, si on est sauvé par la grâce, pourquoi ne le sommes-nous pas tous ? Parce que vous ne le voulez pas : car la grâce, toute grâce qu’elle est, sauve ceux qui veulent être sauvés, et non ceux qui ne veulent pas l’être, ceux qui la repoussent, et sont continuellement en guerre et en opposition avec elle. Le voyez-vous s’attacher sans cesse à prouver : « Que la parole de Dieu n’est pas restée sans effet » (Rom. 9,6), et faisant voir que la promesse s’est réalisée pour ceux qui en étaient dignes, et qu’ils ont pu, quoiqu’en petit nombre, former le peuple de Dieu ? Du 'reste, au commencement de son épître, il exprime cette vérité avec plus de force, quand il dit : « Car qu’importe, si quelques-uns n’ont pas cru ? » (Rom. 3,3), et, ne s’en tenant pas là, il ajoutait : « Dieu est véritable, mais tout homme est menteur ». Maintenant il donne une autre preuve de cette vérité, montre la force de la grâce, et affirme encore que les uns sont sauvés et les autres perdus.
Rendons donc grâces d’être du nombre des sauvés, et de l’avoir été par le don de Dieu, puisque nous ne pouvions pas l’être par nos œuvres. Et ne soyons pas seulement reconnaissants en paroles, mais en actions et en pratique. Car la véritable reconnaissance c’est de faire ce qui doit procurer de la gloire à Dieu, c’est de fuir les maux dont nous avons été délivrés. Si après avoir injurié un roi, nous étions récompensés au lieu d’être punis, et que nous l’insultassions de nouveau ; convaincus