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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/358

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la vertu de Dieu pour sauver tout croyant, le Juif d’abord, et puis le Grec » (Rom. 1,16) ; mais comme ils ont résisté, nous qui étions les seconds, nous sommes devenus les premiers. Voyez-vous quel honneur il sait tirer de là pour eux ; d’abord en disant que nous n’avons été appelés que parce qu’ils ont refusé : ensuite en affirmant que nous n’avons pas été appelés seulement pour être sauvés, mais afin qu’excités à l’émulation par notre salut, ils en devinssent meilleurs. Quoi donc ? direz-vous : Sans les Juifs, n’eussions-nous été ni appelés, ni sauvés ? Certainement nous ne l’aurions pas été avant eux, mais dans l’ordre convenable. Aussi quand le Christ parlait à ses disciples, il ne leur disait pas : Allez vers les brebis perdues de la maison d’Israël ; mais plutôt : « Allez » ; indiquant par là qu’ils ne devaient aller chez les nations qu’après s’être adressés aux Juifs. Et, à son tour, Paul ne dit pas : il fallait vous annoncer la parole, mais : « C’était d’abord à vous qu’il fallait annoncer », pour montrer que nous ne devions venir qu’en second lieu. Tout cela s’est fait, tout cela s’est dit pour qu’ils n’eussent pas l’impudence de prétexter qu’ils avaient été dédaignés et qu’à cause de cela ils n’avaient pas cru. Aussi le Christ, qui prévoyait tout, est-il d’abord venu chez eux. « Que si leur péché est la richesse du monde, et leur diminution, la richesse des gentils, combien plus encore leur plénitude (12) ? » Ici il parle en leur faveur. Car, fussent-ils tombés dix mille fois, les nations n’eussent pas été sauvées, si elles n’avaient reçu la foi ; comme les Juifs eux-mêmes n’eussent point péri, s’ils n’avaient été incrédules et obstinés. Mais, comme je l’ai dit, il les console dans leur chute, et met tout en œuvre pour leur faire espérer leur salut, s’ils veulent se convertir. En effet, dit-il, si, quand ils sont tombés, tant d’autres ont été sauvés, si, quand ils ont été rejetés, tant d’autres ont été appelés songez à ce que ce sera quand ils se convertiront. Et il ne dit pas : Combien leur conversion, ni Combien plus leur changement, ni : Combien plus leur correction ; mais : « Combien plus leur plénitude ? » C’est-à-dire quand ils entreront tous. Or il dit cela pour indiquer qu’alors la grâce sera plus abondante, ainsi que le don de Dieu, et qu’on aura à peu près tout.
« Car je le dis à vous, gentils : Tant que je serai apôtre des gentils, j’honorerai mon ministère : m’efforçant d’exciter l’émulation de ceux de mon sang et d’en sauver quelques-uns ». Encore une fois il cherche à se soustraire à d’injustes soupçons ; d’un côté il semble ; attaquer les gentils et prévenir leur orgueil, et de l’autre, il blesse légèrement les Juifs, et use de détours en cherchant à les soulager et à les consoler d’une si grande ruine, et n’en trouve aucun moyen dans la nature même des choses. En effet, ce qu’il vient de dire les accuse encore plus haut, puisque d’autres, qui leur étaient bien inférieurs, ont profité de tous les biens qui leur étaient préparés. C’est pourquoi il passe des Juifs aux gentils et insère un mot sur ceux-ci, pour leur faire voir qu’en tout ce qu’il dit, son intention est de leur apprendre à être humbles. Je vous loue, leur dit-il, pour deux raisons : la première c’est que j’y suis obligé, vu que votre administration m’a été confiée ; la seconde, c’est afin d’en sauver d’autres par vous. Et il ne dit pas : Mes frères, mes proches, mais : « Ceux de mon sang ». Ensuite : « Et de sauver », non pas tous, mais « Quelques-uns d’eux » : tant ils étaient durs. Mais tout en leur adressant ce reproche, il fait voir que la situation des gentils est brillante ; et s’ils sont les uns pour les autres une occasion de salut, ce n’est pas parle même moyen : car c’est par leur incrédulité que les Juifs procurent des avantages aux gentils, et c’est par leur foi que les gentils deviennent utiles aux Juifs, d’où il ressort que la condition des gentils est égale et même supérieure.
4. En effet, que pouvez-vous dire, ô Juif ? Ceci peut-être : Si nous n’avions pas été rejetés, vous n’auriez pas été appelés immédiatement ? Mais le gentil vous répond : Si je n’avais pas été sauvé, vous ne vous seriez pas piqué d’émulation. Et si voulez savoir en quoi je l’emporte sur vous, c’est que je vous sauve parce que j’ai cru ; tandis que c’est parce que vous êtes tombé que nous sommes passés au premier rang. Puis sentant qu’il les a blessés, Paul revient à son premier sujet et dit : « Car si leur perte est la réconciliation du monde, que sera leur rappel, sinon une résurrection (15) ? » Mais ceci les condamne encore, puisque les autres ont profité de leurs fautes et qu’ils n’ont pas su eux-mêmes tirer parti des bonnes actions des autres. Que s’il leur attribue ce qui est le résultat de la nécessité, ne