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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/357

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présent, le Christ leur a donné, à ces deux points de vue, une preuve de sa puissance, en exaltant, d’une part, au-dessus des cieux ceux des gentils qui avaient cru, et de l’autre, en réduisant à la dernière désolation et en livrant à des malheurs irréparables ceux des Juifs qui n’avaient pas voulu croire.
Après cette vive attaque, à l’occasion de leur incrédulité et des maux qu’ils souffraient et devaient encore souffrir, Paul mêle quelque consolation à ses paroles, et leur écrit : « Je « dis donc : Ont-ils trébuché de telle sorte « qu’ils soient tombés ? Point du tout (11) ». Après leur avoir montré qu’ils sont accablés de maux sans nombre, il songe enfin à les consoler. Et voyez sa prudence ! Il accuse au nom des prophètes, mais il console en son propre nom. Personne, dit-il, ne peut nier qu’ils aient grandement péché ; mais voyons si leur chute est telle qu’elle soit irréparable et qu’il n’y ait pas moyen d’y remédier. Or il n’en est pas ainsi. Voyez-vous comme il frappe encore sur eux, et comment, tout en leur faisant espérer une consolation, il les tient sous le poids des péchés qu’ils ont commis et dont tout le monde convient ? Mais voyons, nous aussi, quelle est la consolation qu’il leur réserve. Quelle est-elle donc ? Quand la plénitude des nations sera entrée, dit-il, alors tout Israël sera sauvé, au temps du second avènement et de la consommation. Il ne dit cependant pas cela immédiatement : après les avoir attaqués vigoureusement, avoir entassé accusations sur accusations, invoqué prophètes sur prophètes, fait retentir les cris d’Isaïe, d’Élie, de David, de Moïse, d’Os. une fois, deux fois, bien des fois : pour ne pas les jeter dans le désespoir, pour ne pas leur fermer la voie du retour, de peur aussi que les gentils qui avaient cru n’en conçussent de l’orgueil, et ne souffrissent par là même préjudice en leur foi, il en vient enfin à les consoler et leur dit : « Mais par leur péché le salut est venu aux gentils ».
Il ne nous suffit pas d’entendre ces paroles ; nous devons connaître l’intention et le but dé celui qui les prononce, 'savoir à quelle fin il tend : ce que je demande toujours de votre charité. Si, en effet, nous étudions ce texte dans cet' esprit, nous verrons qu’il ne renferme aucune difficulté. Or, le but que Paul se propose maintenant, c’est de détruire l’orgueil que ses paroles auraient pu inspirer aux gentils ; en apprenant à être modestes, ils devaient être plus solides dans leur foi, et les Juifs, sauvés du désespoir, venir à là grâce avec plus de confiance. Ayant donc – cette intention présente à la pensée, écoulons maintenant ce que renferme ce passage. Que dit donc l’apôtre ? Comment prouve-t-il que la chute n’est pas irréparable, qu’ils ne sont point rejetés à jamais ? Il le prouve par les gentils eux-mêmes, en disant : « Par leur péché, le salut est venu aux gentils, qui devaient ainsi leur donner de l’émulation ». Et ce n’est pas seulement Paul qui parle ainsi, mais c’est aussi le sens des paraboles de l’Évangile. En effet le roi qui avait préparé la noce de son fils, voyant que ceux qui étaient invités ne voulaient pas venir, envoya chercher ceux qui étaient dans les carrefours. Et celui qui avait planté une vigne, voyant son fils tué par l’es vignerons, la confia à d’autres. En dehors des paraboles, le Christ disait encore : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël ». (Mt. 15,24) Il a même dit quelque chose de plus à la syro-phénicienne qui lui faisait instance : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens ». (Id. 26) Et Paul disait aux Juifs qui se soulevaient : « C’était à vous qu’il fallait d’abord annoncer la parole de Dieu ; mais puisque vous vous jugez indignes, voilà que nous nous tournons vers les gentils ».
3. Tout démontre que l’ordre des choses exigeait que les Juifs vinssent les premiers et les gentils après eux ; mais comme les Juifs ne voulurent pas croire, l’ordre fut renversé, et leur incrédulité et leur chute ont fait passer les gentils les premiers. Voilà pourquoi l’apôtre dit : « Par leur péché, le salut est venu aux gentils, qui devaient ainsi leur donner à de l’émulation ». Que s’il placé en premier lieu ce qui ne doit venir qu’au second rang, ne vous en étonnez pas ; il veut consoler leurs âmes affligées. Or, voici ce qu’il veut dire Jésus est venu chez les Juifs ; ils ne l’ont point reçu malgré ses nombreux prodiges ; mais ils l’ont crucifié ; alors il a attiré à lui les nations, pour faire ressortir, par l’honneur qu’il leur accordait, l’insensibilité des Juifs et les déterminer à venir, en excitant leur jalousie contre les gentils. Il fallait en effet qu’ils reçussent la foi les premiers, et nous ensuite ; c’est pourquoi Paul disait : « Car il » (l’Évangile) « est