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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/363

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il le sait ; quelle elle est, il ne le sait pas ; car c’est le cri de l’étonnement et non d’une parfaite connaissance. Ravi d’admiration et frappé de stupeur à la vue de la bonté de Dieu, il la proclame, autant qu’il le peut, par deux expressions énergiques : la richesse et la profondeur ; et il reste saisi d’étonnement que Dieu ait voulu et pu ces choses, et qu’il ait tramé les contraires par les contraires. « Que ses jugements sont incompréhensibles ! » non seulement on ne peut les comprendre, mais pas même les scruter. « Et ses voies impénétrables ! » c’est-à-dire les desseins de sa Providence, car non seulement on ne peut pas les connaître, mais pas même s’en enquérir. Je n’ai pas pu, dit-il, découvrir tout ; mais seulement une faible partie : car Dieu seul connaît parfaitement ses œuvres. Aussi ajoute-t-il : « Car qui a connu la pensée du Seigneur ? Ou qui a été son conseiller ? Ou qui, le premier, lui a donné, et sera rétribué ? (34-35) » Voici ce qu’il veut dire : Dieu si sage n’emprunte point sa sagesse à un autre, mais est lui-même la source des biens ; tout ce qu’il a fait pour nous, tout ce qu’il nous a accordé, il nous l’a donné de sa propre abondance sans l’emprunter à personne ; il ne doit point de retour comme ayant reçu de quelqu’un, mais il est lui-même toujours le premier auteur de ses bienfaits.
Or c’est là surtout le propre de la richesse ; de surabonder et de n’avoir besoin de personne. Voilà pourquoi Paul ajoute : « Puisque c’est de lui, et par lui, et en lui que sont toutes choses ». C’est lui qui a inventé, c’est lui qui a fait, c’est lui qui conserve : car il est riche et n’a pas besoin de recevoir ; car il est sage et n’a pas besoin de conseiller. Que dis-je, de conseiller ? Personne ne peut rien savoir de lui, si ce n’est lui, le seul riche, et le seul sage. Il faut être en effet bien riche, pour procurer aux gentils une telle abondance de biens ; et il faut être bien sage pour donner aux Juifs, comme maîtres, les gentils qui leur sont si inférieurs Ensuite, après le mouvement de son admiration, l’apôtre exprime un sentiment de reconnaissance, en disant : « A lui la gloire dans les siècles ! Amen ». Quand il a énoncé quelque chose de grand et de mystérieux. Son admiration se termine par la louange. Il en fait autant quand il parle du Fils ; ainsi, plus haut, après avoir exprimé son admiration, il ajoute comme ici. « De qui est sorti, selon la chair, le Christ même, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni dans tous les siècles. Amen. »
Imitons-le, nous aussi, et glorifions Dieu partout par la régularité de notre vie ; instruits par l’exemple des Juifs, ne nous reposons point sur les vertus de nos ancêtres. Car il n’y a point, non, il n’y a point d’autre parenté chez les chrétiens que l’union par l’Esprit. C’est ainsi que le scythe devient fils d’Abraham, et que le fils d’Abraham lui est plus étranger que le scythe. Ne nous confions donc point sur les mérites de nos pères ; fussiez-vous né d’un homme admirable, ne pensez pas que ce soit assez pour être sauvé, honoré, glorifié, si vous n’êtes pas son fils par vos mœurs ; comme, si vous avez pour père un homme vicieux, ne croyez pas que ce soit pour vous un motif de condamnation et de honte, pourvu que vous teniez une bonne conduite. En effet qu’y avait-il de moins honorable que les gentils ? Et cependant ils sont devenus subitement par la foi les enfants des saints qui étaient membres de la famille plus que les Juifs ? Et cependant, par leur incrédulité, ils lui sont devenus étrangers. En effet la parenté qui nous lie tous est fondée sur la nature et sur la nécessité ; car nous sommes tous nés d’Adam, et tous au même degré, par rapport à Adam, à Noé, ou à la terre, notre mère commune ; mais la parenté qui mérite les couronnes est celle qui nous distingue des méchants ici tous ne sont pas parents, mais seulement ceux qui tiennent la même conduite ; nous ne donnons pas le nom de frères à ceux qui sont sortis du même sein que nous, mais à ceux qui montrent le même zèle.
C’est en ce sens que le Christ dit enfants de Dieu, enfants du diable, enfants de l’incrédulité, de l’enfer, de la perdition. C’est ainsi que Timothée était fils de Paul par ses vertus et s’appelait son enfant légitime, tandis que nous ne savons pas même le nom du fils de la sueur de l’apôtre ; cependant celui-ci lui appartenait selon la nature ; mais cela n’y faisait rien : le plus rapproché de lui était celui-là même que la nature et la patrie (il était citoyen de Lystres) avaient jeté à une plus grande distance de lui. Soyons donc, nous aussi, enfants des saints ; bien plus encore, soyons enfants de Dieu. Que nous puissions le devenir, la preuve en est dans ce que dit le Christ : « Soyez donc parfaits, comme votre Père, qui est dans les cieux ». (Mt. 5,48)