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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/364

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Voilà pourquoi nous lui donnons le nom de Père quand nous prions ; nous remettant ainsi en mémoire, non seulement la grâce, mais encore la vertu, afin de ne faire rien d’indigne d’une si noble origine. Et comment, direz-vous, peut-on être fils de Dieu ? En vous débarrassant de vos passions, en vous montrant bon à l’égard de ceux qui vous injurient et vous font tort ; car c’est ainsi que fait votre Père à l’égard de ceux qui le blasphèment. C’est pourquoi, bien qu’il ait dit ailleurs beaucoup d’autres choses, le Christ n’a dit nulle part : Afin que vous soyez semblables à votre Père ; et c’est seulement quand il dit : « Priez pour ceux qui vous persécutent, faites du bien à ceux qui vous haïssent », qu’il ajoute cette récompense. Car rien ne nous rapproche de Dieu, rien ne nous rend semblables, à lui, comme cette bonne œuvre. Aussi quand Paul dit. « Soyez les imitateurs de Dieu » (Eph. 5,1), c’est dans ce sens qu’il parle.
Sans doute nous avons besoin de toutes les vertus, mais surtout de bonté et de douceur, car il en faut beaucoup à notre égard. En effet, nous commettons bien des fautes tous les jours ; aussi avons-nous grand besoin de miséricorde. Or le plus et le moins ne se mesurent pas sur la quantité du don, mais sur les ressources de ceux qui donnent. Que le riche ne s’enorgueillisse donc pas, et que le pauvre ne se décourage pas, parce qu’il donne peu car souvent il donne plus que le riche. Il ne faut donc pas se tourmenter à raison de sa pauvreté, car elle rend l’aumône plus facile. En effet celui qui possède beaucoup est dominé par l’orgueil et l’ambition ; tandis que celui qui n’a que peu, est exempt de cette double tyrannie, et trouve par là même plus d’occasions de faire le bien. Ainsi il ira sans peine en prison, et visitera les malades, il donnera un verre d’eau froide ; tandis que le riche, fier de sa fortune, ne se prêtera à aucune de ces démarches. Ne vous découragez donc pas à cause de votre pauvreté ; elle nous rend plus facile le commerce avec le ciel, ne possédassiez-vous rien, si vous avez une âme compatissante, vous en recevrez encore la récompense. Voilà pourquoi Paul veut qu’on pleure avec ceux qui pleurent, et qu’on soit comme prisonnier avec les prisonniers. non seulement ceux qui pleurent, mais encore ceux qui éprouvent d’autres infortunes, sont consolés quand beaucoup de personnes leur compatissent ; il est même des cas où la parole n’a pas moins de puissance que l’argent pour rendre le courage à celui qui souffre. C’est même pour cela que Dieu ordonne qu’on fasse l’aumône aux indigents, non pas seulement pour soulager leur pauvreté, mais pour nous apprendre à compatir aux maux du prochain.
C’est aussi pourquoi l’avare est odieux, non seulement par ce qu’il méprise le pauvre, mais parce qu’il se rend lui-même dur et inhumain ; comme celui qui méprise l’argent en faveur des pauvres est aimable, parce qu’il est miséricordieux et humain. Quand le Christ appelle heureux ceux qui sont miséricordieux, il n’entend pas seulement parler de ceux qui donnent de l’argent, mais aussi de ceux qui en ont la bonne volonté. Ayons donc cette disposition à la pitié, et tous les biens nous viendront à la suite. En effet celui qui est doué d’un cœur humain et compatissant donne de l’argent s’il en a ; il pleure et gémit avec celui qu’il voit dans l’affliction ; il prête appui à celui qui est victime de l’injustice ; et s’il voit quelqu’un exposé aux outrages, il lui tend la main. Possédant au dedans de lui-même le trésor des biens, une âme bonne et compatissante, il en verse l’abondance sur ses frères et il recevra toutes les récompenses que Dieu tient en réserve. Et nous aussi, pour les obtenir, faisons-nous avant tout une âme pleine de mansuétude. C’est ainsi que nous ferons beaucoup de bonnes œuvres ici-bas et que nous jouirons des récompenses à venir. Puissions-nous tous avoir ce bonheur par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en qui appartiennent, au Père et au Saint-Esprit la gloire, l’honneur, la force, maintenant et toujours, dans les siècles – des siècles. Ainsi soit-il.