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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/378

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que vos bénédictions, on cessera de vous persécuter. Voyez donc que de biens naissent de cette conduite : récompense plus grande ; persécution moindre ; le persécuteur cessera de vous tourmenter, Dieu sera glorifié, et votre sagesse aura été pour l’homme égaré un enseignement pieux. Voilà pourquoi ce ne sont pas seulement ceux qui nous outragent, mais aussi ceux qui nous persécutent, ceux qui nous nuisent par des actions à qui l’apôtre nous commande de rendre le bien pour le mal.
Il ne se contente pas de nous commander de les bénir, mais il va plus loin encore et nous exhorte à leur faire du bien par nos œuvres. « Soyez dans la joie avec ceux qui sont dans la joie, et pleurez avec ceux qui pleurent (15) ». Comme on peut prononcer des paroles de bénédiction, et s’abstenir d’imprécations, sans que l’amour inspire notre conduite, l’apôtre veut voir en nous l’ardente charité. Voilà pourquoi il ajoute un conseil qui dépasse celui de bénir, le conseil de partager lés chagrins, les souffrances de ceux que nous voyons dans l’affliction. Soit, dira-t-on ; l’apôtre a eu raison de nous prescrire de nous affliger avec ceux qui gémissent ; mais l’autre prescription à quoi bon ? où est la difficulté ? – Je réponds qu’il faut en effet plus de sagesse pour se réjouir avec ceux qui se réjouissent que pour se lamenter avec ceux qui se lamentent. La seule nature suffit pour provoquer la sympathie des douleurs, nul n’a le cœur dur comme la pierre, pour ne pas verser de larmes sur les infortunés ; mais ce qui demande toute la générosité d’une grande âme, c’est non seulement de ne pas porter envie à celui qui prospère, mais encore de s’associer à sa joie. Voilà pourquoi l’apôtre a mis cette action la première. Rien ne concilie l’affection autant que cette communauté de sentiments dans la joie et dans la douleur. Gardez-vous donc, quand vous êtes sans afflictions, de rester également sans compassion ; quand votre prochain est dans la douleur, vous devez prendre votre part d’une tristesse qui doit être commune. Entrez donc avec ceux qui souffrent en communauté de larmes, afin de rendre leur affliction plus légère ; entrez en communauté de joie avec les heureux, afin que le bonheur prenne racine dans le monde, afin de cimenter la charité, et ce sera moins à votre prochain qu’à vous-même que profitera votre conduite ; vos larmes vous rendent miséricordieux, cette joie que vous partagez vous délivre de la basse envie. Je voudrais maintenant vous faire remarquer combien Paul est peu exigeant : il ne dit pas : faites cesser le malheur du prochain ; souvent vous pourriez répondre : C’est impossible ; il vous demande un service plus facile à rendre, et qui dépend de vous. Si vous ne pouvez pas supprimer le malheur, pleurez, et vous repoussez la plus grande partie des chagrins qui l’escortent ; quoique vous ne puissiez pas rendre la prospérité plus grande, réjouissez-vous, et vous y ajoutez un appoint considérable. Voilà pourquoi l’apôtre ne se borne pas à dire qu’il ne faut pas porter envie ; voilà pourquoi il ordonne, ce qui est bien plus édifiant, de se conjouir, car il y a bien plus de mérite qu’à se montrer exempt d’envie.
2. « Tenez-vous toujours unis dans les mêmes sentiments, n’aspirez point à ce qui est élevé, mais accommodez-vous à ceux qui sont humbles (16) ». Il revient, pour y insister, sur l’humilité, qui lui a inspiré les premiers mouvements de son discours. Il est vraisemblable que les fidèles de Rome étaient fort orgueilleux, et à cause du grand nom de leur ville, et par une foule d’autres causes. C’est ce qui fait que l’apôtre ne cesse pas de s’attaquer à cette maladie et de rabattre l’enflure. Rien ne contribue tant à déchirer le corps de l’Église que l’insolente vanité. Mais que signifie : « Tenez-vous unis dans les mêmes sentiments ? » Un pauvre vient-il chez vous ? Accommodez-vous à sa condition par vos sentiments ; ne vous enorgueillissez pas de votre richesse ; il n’y a pas de distinction de riche et de pauvre dans le Christ. Gardez-vous donc de l’enveloppe extérieure, recevez le pauvre en considération de la foi qu’il porte en lui ; si vous voyez quelqu’un pleurer, ne le jugez pas indigne de vos consolations ; si vous voyez un homme dans la prospérité, ne rougissez pas de prendre votre part de son allégresse et de sa joie ; les sentiments que vous éprouvez pour vous-même, éprouvez-les pour lui. L’apôtre dit, en effet : « Tenez-vous unis dans les mêmes sentiments ». Exemple : Vous avez, de vous, une grande idée ? Avez, du prochain aussi, une grande idée. Vous le trouvez bas et petit ? prononcez sur vous-même le même jugement, et supprimez toute inégalité. Mais le moyen ? Rejetez l’orgueil insensé. Voilà pourquoi l’apôtre ajoute : « N’aspirez point à ce qui est élevé, mais accommodez-