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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/381

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sont plus à charge que s’ils lui jetaient des pierres ; et, prévenant leur jugement, la conscience du coupable le condamnera, lui infligera les châtiments les plus terribles, vous le verrez, comme s’il subissait ce que la honte a de plus accablant, se retirer confondu. Que si vous recherchez la gloire auprès du grand nombre, cette gloire aussi, vous la verrez grandir. Nous sommes toujours émus en faveur de ceux que nous voyons maltraités ; mais c’est surtout quand ils ne répondent pas par des coups à ceux qui les frappent, c’est quand ils se lèvent eux-mêmes que notre émotion cesse d’être une simple pitié pour devenir de l’admiration.
4. Aussi je me surprends à gémir quand je pense que nous pourrions posséder – les biens présents, si nous faisions notre devoir, si nous obéissions à la loi du Christ, et obtenir les biens futurs, et que nous perdons à la fois tous ces biens par notre désobéissance, par la vanité de notre sagesse. C’est dans notre intérêt que le Seigneur a institué toutes ces lois, et nous a montré en quoi réside la gloire, en quoi la honte. Si ses préceptes avaient dû rendre ses disciples ridicules, il ne les aurait pas donnés ; mais ce qui leur donne un éclat incomparable, c’est de ne pas répondre aux injures, quand on les injurie, c’est de ne pas faire du mal quand on leur fait du mal, et voilà pourquoi le Christ a donné ces préceptes. S’il en est ainsi, il sera bien plus glorieux encore de répondre par des bénédictions aux malédictions, par des éloges aux insultes, par des bienfaits aux trames perfides. Et voilà pourquoi le Christ a donné aussi ce commandement. Il ménage ses disciples, il connaît parfaitement ce qui est petit et ce qui est grand. Si donc il ménage et connaît, pourquoi disputez-vous avec lui, pour suivre une route différente ? Vaincre par des actions mauvaises, c’est obéir aux lois du démon : c’est ainsi que triomphent, dans les jeux à lui consacrés, tous les athlètes qui s’y montrent. Mais dans le stade ouvert par le Christ, ce n’est pas ainsi que se gagnent les couronnes ; c’est tout le contraire : c’est à celui qu’on frappe que revient la couronne, et non à celui qui frappe, telle est la loi. Le stade du Christ a tous ses règlements au rebours des autres ; ce n’est pas seulement la victoire, mais le mode de victoire qui offre un sujet d’admiration. Ce qui s’appelle défaite ailleurs, prend ici le nom de victoire : telle est la puissance de notre Dieu, tel est le stade du ciel, tel est le théâtre des anges.
Je vois bien que vous êtes touchés, et que l’émotion vous rend plus flexibles que la cire, mais, quand vous vous serez retirés, vous ne retiendrez plus rien. Aussi je m’afflige que nous ne pratiquions pas ce que l’on nous enseigne, et cela, quand il y aurait pour nous les plus grands profits. Car si nous pratiquions la douceur, nous serions invincibles : personne ; ni petit, ni grand, ne nous pourrait faire le moindre mal. Supposez qu’une personne vous poursuive de mauvaises paroles, elle ne vous fait à vous aucun mal, c’est à, elle-même qu’elle se fait le plus grand dommage. Supposez qu’on vous fasse une injustice, c’est l’auteur de l’injustice qui en est la première victime. Ne voyez-vous pas ; dans les tribunaux, que ceux que l’injustice a frappés sont tout rayonnants de confiance, parlant en toute liberté, tandis que les coupables baissent la tête, couverts de honte et remplis de crainte ? Et que parlé-je d’accusation et d’injustice ? Quand même votre ennemi aiguiserait le glaive contre vous, plongerait sa main dans votre gorge, ce n’est pas à vous qu’il ferait le moindre mal, c’est lui seul qu’il égorgerait. Témoin à l’appui de mon discours le premier qui fut ainsi exterminé par la main d’un frère. Celui-là, en effet, s’en est allé dans le port de l’éternelle tranquillité, ayant acquis une gloire immortelle : le meurtrier a vécu d’une vie plus affreuse que toutes les morts, gémissant, tremblant, promenant partout avec lui l’accusation de son crime. Ne recherchons pas cet exemple, mais l’autre. Celui qui est victime du mal ne garde pas en soi le mal ; ce n’est pas lui qui a produit le mal, il l’a reçu venant d’ailleurs, il l’a changé en bien par sa patience ; au contraire, celui qui a mal fait conserve intérieurement la plaie de la méchanceté ! N’est-il pas vrai que Joseph était dans une prison, et la courtisane qui avait voulu sa perte demeurait dans une maison splendide et somptueuse ? Lequel des deux voudriez-vous être ? Et ne vous préoccupez pas encore de la rémunération, examinez les actions en elles-mêmes : Si vous réfléchissez ainsi, vous préférerez de beaucoup la prison avec Joseph à ce palais qui renferme la courtisane. Pénétrez dans l’une et dans l’autre de ces deux âmes ; vous verrez l’une au large, et