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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/384

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leur condamnation ». Il continue, et une fois la crainte inspirée, il raisonne pour montrer l’utilité des puissances : « Car les princes ne sont point à craindre, lorsqu’on ne fait que de bonnes actions, mais lorsqu’on en fait de mauvaises (3) ». Après un rude coup, après avoir fortement frappé les esprits, il se relâche de sa sévérité, comme un médecin adroit qui emploie de doux remèdes, il console, il dit : De quoi avez-vous peur ? Pourquoi frissonner ? Est-ce que l’autorité a des rigueurs pour celui qui fait le bien ? Celui qui pratique la vertu a-t-il lieu de la craindre ? Voilà pourquoi l’apôtre ajoute : « Voulez-vous ne point craindre les puissances ? Faites bien, et elles vous en loueront ». Voyez-vous comme l’apôtre, pour attacher l’homme à celui qui commande, lui montre le prince même prêt à le louer ? Voyez-vous comme il fait sortir la colère du cœur ? « Car le prince est le ministre de Dieu, pour vous favoriser dans le bien (4) ».
Il est si loin d’être à craindre, dit l’apôtre, qu’au contraire il vous loue ; il est si loin de vous faire obstacle, qu’au contraire il vous favorise. Donc, puisque vous trouvez en lui la louange et le secours, pourquoi ne pas vous soumettre ? Il vous rend la vertu plus facile, il châtie les méchants, il fait du bien aux bons et les honore, il coopère à la volonté de Dieu ; de là vient que l’apôtre l’a nommé le ministre de Dieu. Voyez : je vous conseille la sagesse, et lui vous donne les mêmes avis par le moyen des lois ; mes exhortations vous disent qu’il est défendu de s’enrichir par la rapine, par la violence, et lui siège pour juger ces fautes. Il travaille avec nous, il vient à notre secours, c’est Dieu qui lui a confié cette mission. Il est donc, à double titre, digne de nos respects, et parce qu’il a été envoyé par Dieu, et envoyé pour une telle mission. « Si vous faites mal, vous avez raison de craindre » ; ce n’est pas la puissance qui est à craindre, mais notre perversité. « Car ce n’est pas en vain qu’il porte l’épée ». Voyez-vous l’apôtre armant le prince, comme on équipe un soldat, et le rendant redoutable aux pécheurs ? « Car il est le ministre de Dieu, pour exécuter sa vengeance, en punissant celui qui fait de mauvaises actions ». L’apôtre ne veut pas que le châtiment, la vengeance, l’épée vous fassent reculer d’épouvante, et il répète que le prince remplit la loi de Dieu. – Mais si le prince lui-même l’ignore ? Le prince n’en est pas moins institué par Dieu. Si donc, soit qu’il châtie, soit qu’il honore, il est le ministre de Dieu, défendant la vertu, exterminant le crime, c’est-à-dire, exécutant la volonté de Dieu, pourquoi disputer contre celui qui vous procure de si grands biens, et vous aplanit les voies ? Un grand nombre ont commencé par pratiquer la vertu par la crainte des princes ; ensuite, c’est la crainte de Dieu qui les y a attachés. Car les esprits épais ne sont pas aussi sensibles aux biens à venir qu’aux biens présents. Celui donc qui gouverne tant d’âmes par la crainte, et par les récompenses, et qui les prédispose à recevoir la doctrine, celui-là, on a raison de l’appeler ministre de Dieu. « Il est donc nécessaire de nous y soumettre, non seulement par la crainte du châtiment, mais aussi par un devoir de conscience (5) ».
Que veut dire : «, non seulement par la crainte du châtiment ? » non seulement, dit l’apôtre, vous vous élevez contre Dieu en refusant de vous soumettre ; non seulement vous vous attirez de grands maux, et de la part de Dieu et de la part des hommes, mis encore vous oubliez que le prince est pour vous la source des plus grands biens, puisqu’il vous assure la paix et fait régner l’ordre dans l’État. Ces puissances sont pour les États des sources inépuisables de bienfaits, et, si vous les supprimez, tout s’en ira ; plus de villes, plus de bourgs, plus de maisons, plus dé place publique ; il ne subsistera plus rien, ce sera un bouleversement universel, les plus forts dévorant les plus faibles. De telle sorte que, dans le cas même où aucun châtiment ne frapperait la désobéissance, vous devriez encore votre soumission, par conscience, pour ne pas paraître ingrat envers votre bienfaiteur. « C’est pour cette raison », dit-il, « que vous payez le tribut aux princes, parce qu’ils sont les ministres de Dieu, toujours appliqués aux fonctions de leur ministère (6) ». L’apôtre n’entre pas dans le détail des bienfaits dont les États sont redevables aux puissances, tels que le bon ordre, la paix, les autres services, tout ce qui concerne l’armée, les diverses fonctions publiques, il résume tout dans un mot. Que vous recevez des bienfaits du prince, dit l’apôtre, vous le témoignez vous-même en lui payant un tribut. Voyez la sagesse, l’intelligence du bienheureux Paul ! Il montre dans ce qui paraissait un pesant fardeau, des exactions mêmes, un témoignage